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Stéphane Brunet (VapéRail) : « Avec EcoTrack, la voie ferroviaire de demain devient durable »

Depuis 1978, VapéRail se développe dans l’infrastructure ferroviaire. Pas les trains en eux-mêmes mais tout ce qui est utile, en dessous, pour le faire rouler. La société, basée à Oyonnax, entre Lyon et Genève, fabriquait à l’origine des composants plastiques pour les systèmes d’ancrage des rails au sol, que ce soit pour des voies TGV, des lignes de desserte fines des territoires ou encore des métros et trams en zone urbaine. Mais depuis l’arrivée de Stéphane Brunet, en 2011, à la tête de l’entreprise, la stratégie a bien évolué.

Ingénieur de formation, il est d’abord passé par différentes industries et a développé une spécialité de management. Il a géré jusqu’à 2500 personnes mais ce chemin tout tracé a fini par le lasser. « J’en ai eu marre des PowerPoint », résume-t-il. Il décide alors de reprendre une petite entreprise dans le secteur de la pétrochimie. Seulement cinq personnes et peu de perspectives de développement. Le changement est brutal. Un peu trop. « J’étais frustré, je me suis dit que ce qui pourrait me convenir, c’est un compromis entre les deux. » Il découvre alors VapéRail.

Des traverses Nabla. Il s’agit d’un système de fixation conçu pour faciliter les opérations de pose et la maintenance de la voie. Crédit : VapéRail.

Un chiffre d’affaires multiplié par trois

En 2011, la société compte onze salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 6 millions d’euros. « Ce qui m’intéressait, c’était le potentiel car le canal de clients était intéressant et que VapéRail se situait sur un secteur d’avenir : la mobilité, résume le président de VapéRail. J’ai tout de suite vu les possibilités de croissance en étoffant le panel de produits proposés. Et en orientant l’entreprise vers le développement durable, un sujet auquel je m’intéresse depuis 2005. »

Aujourd’hui, VapéRail compte 23 salariés en propre, une cinquantaine en production, réalise un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros et va recruter entre 50 et 100 personnes pour son prochain projet qui verra le jour en 2024 dans les Hauts-de-France. Ce développement est le fruit d’une diversification de la production. La société conçoit désormais des ensembles complets d’attaches et a imaginé aussi tout un écosystème IoT pour surveiller l’état des infrastructures ferroviaires à distance. « Nous misons sur l’innovation pour nous développer. Ces capteurs connectés permettent de mettre en place une offre de maintenance prédictive afin de savoir quelles pièces doivent être changées et celles qui sont encore intactes ou presque », indique le président.

Le pari de l’économie circulaire

« Traverses en béton, ballast (les cailloux au sol), attaches plastiques… le bilan carbone de tout ça est catastrophique, on ne peut pas le nier. Pourtant, la voie ferroviaire de demain doit être durable, c’est impératif. C’est pour cela que nous avons décidé d’imaginer EcoTrack. C’est tout un écosystème qui fonctionne en économie circulaire », explique Stéphane Brunet. Concrètement, VapéRail a fait appel à des compétences (universités, laboratoires, écoles…), les donneurs d’ordre (dont la SNCF, qui représente environ un tiers du chiffre d’affaires) et la finance pour créer un concept unique.

Des travaux de la SNCF sur les rails. Crédit : SNCF/VapéRail.

Le point de départ du projet EcoTrack ? Les composants des voies sont remplacés de façon arbitraire à intervalle régulier (tous les 10 ans en moyenne). Et ce, même si le matériel est encore en bon état. L’idée est de récupérer ces éléments, voués à être jetés, pour évaluer leur état général.

Des pièces testées et remises en services si elles sont conformes

« Nous allons tester chaque pièce par rapport au référentiel initial d’une pièce neuve pour savoir si elle peut encore servir ou si elle est trop endommagée. Si elle est juste un peu rouillée, on va la décaper et la repeindre. Elle sera comme neuve », détaille le président de VapéRail.

Le but est donc de remettre en service des pièces en bon état, éventuellement sur des voies ferroviaires moins exigeantes que celles des TGV. Et de les associer à des capteurs digitaux pour créer peu à peu des voies connectées dont il sera possible d’évaluer l’état de santé à distance et d’être alerté en cas de pépin technique. À la clé, un vrai gain sur l’empreinte carbone des infrastructures ferroviaires, « d’un minimum de 30 % », selon les calculs de VapéRail. Un gain économique aussi : ce système de récupération permettrait de diminuer de 30 % les coûts de maintenance par rapport à ceux constatés aujourd’hui.

Un atelier qui sortira de terre en 2024 près de Lille

Financée en partie par le fonds européen de développement régional (FEDER) des Hauts-de-France, VapéRail inaugurera une usine près de Lomme. Elle sera située juste à côté du centre de réemploi des matériaux du ferroviaire et du bâtiment Lille La Délivrance, initié notamment par la SNCF. Le but est justement de profiter de la proximité pour faciliter la récupération des matériaux usagés. 

Une fois arrivé à l’atelier, ce matériel sera observé sous toutes les coutures (scan, test mécanique, géométrie, etc.). « Nous allons faire homologuer tout le processus par la SNCF cette année pour pouvoir être opérationnel l’an prochain. On profitera aussi de la réhabilitation pour équiper les voies de capteurs. » Les pièces en plastique ou en caoutchouc pourront être refondues afin de créer de nouvelles pièces neuves. Pour les composants en métal trop abîmés, ils seront récupérés par une filière de recyclage. Potentiellement, les composants métalliques ont une durée de vie infinie s’ils ne subissent pas de dommage dûs à une utilisation inappropriée ou un incident.

Un développement accompagné par Bpifrance

Depuis 2019, VapéRail a été racheté par son dirigeant Stéphane Brunet, qui est devenu majoritaire au capital, aux côtés du fonds Croissance Rail, le fonds dédié à la filière ferroviaire française géré par Bpifrance. « Le soutien de Bpifrance est crucial pour créer cette nouvelle filière industrielle d’économie circulaire. Et la Communauté du Coq Vert de Bpifrance apporte un appui complémentaire qui fait du bien. Nous sommes des pionniers dans notre domaine. Nous abordons les problématiques avec un prisme nouveau et ce n’est pas toujours facile à faire comprendre. C’est un peu comme si le reste du marché fabriquait des Minitels et que moi je venais avec une Freebox. C’est un changement de paradigme. Pouvoir échanger avec d’autres entrepreneurs dans la même situation est un plus », résume Stéphane Brunet.

La PME a aussi profité de ses liens avec Bpifrance pour réaliser différents diagnostics sur son activité (Diag Décarbon’action, Diag Eco-Flux…) par l’entremise de groupes de travail pilotés par les salariés sur les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Isolation des bâtiments, installation de panneaux photovoltaïques, éco-gestes… les initiatives ont été multiples avec des résultats tangibles. Les salariés ont ainsi réduit de 36 % leur consommation électrique. « Et nous ferons de même dans notre nouvelle usine des Hauts-de-France », conclut le président de VapéRail.

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