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4000 robots à l’écoute des océans pour mieux comprendre le climat

Dans le cadre du programme Argo, près de 4000 robots flottent à la surface des océans pour mieux comprendre l’impact de cet immense réservoir de gaz à effet de serre sur le changement climatique.

Le 27/06/2022 par Florence Santrot
Robot ARVOR
Un robot ARVOR flotte à la surface de l'eau après son déploiement par le bateau français Pourquoi Pas en 2020. Photo : Olivier Dugornay / IFREMER.
Un robot ARVOR flotte à la surface de l'eau après son déploiement par le bateau français Pourquoi Pas en 2020. Photo : Olivier Dugornay / IFREMER.

Les océans couvrent 71 % de la surface du globe. C’est un peu plus de 360 millions de kilomètres carré. Pour surveiller l’évolution de la salinité et de la chaleur de la couche supérieure des océans, le programme Argo a été initié depuis 1999, il y a près de 25 ans maintenant. Pour assurer cette surveillance, ce sont plus de 3900 robots flottants qui ont été dispersés à travers le monde. Ils collectent en permanence des informations sur l’état physique des océans, jusqu’à une profondeur maximal de 2 000 mètres.

Cette collecte via les robotos permet au programme Argo d’envoyer en permanence des informations aux scientifiques et aux agences opérationnelles du monde entier pour aider la recherche mais aussi les prévisions climatiques et océaniques. Un outil bien utile pour étudier le dérèglement climatique et qui faire encore plus écho aujourd’hui, en ce premier jour de la seconde conférence de l’ONU sur les océans (qui se tient du 27 juin au 1er juillet à Lisbonne).

Réchauffement climatique : les océans en première ligne

Depuis quelques années, un schéma du réchauffement des océans a émergé. Les rayonnements du soleil, ceux visibles comme les ultraviolets, réchauffent peu à peu les océans. Cette chaleur est absorbée en particulier dans les basses latitudes de la Terre. Ainsi que dans les régions orientales des vastes bassins océaniques. Grâce aux courants entraînés par le vent et aux schémas de circulation à grande échelle, la chaleur est généralement entraînée vers l’ouest et vers les pôles. Elle finit par se perdre en s’échappant dans l’atmosphère et l’espace (via l’évaporation notamment).

On estime que les océans absorbent près de 30 % des émissions de dioxyde de carbone dues aux activités humaines. Selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, les températures annuelles moyennes de la surface des océans divergent de plus en plus de la moyenne du XXe siècle. En 2020, les températures mondiales de la surface des océans étaient supérieures de 0,76°C à la moyenne du siècle dernier. Et cette tendance à la hausse s’est accentuée depuis le début des années 1980. Le pic le plus important a eu lieu en 2016. Cette année-là, 2016, les températures océaniques mesurées étaient supérieures de 0,79°C à la moyenne. 

Les données des robots récupérées tous les 10 jours

Le mouvement de la chaleur océanique permet à la Terre d’être habitable en rafraîchissant les zones les plus chaudes et abaissant les températures les plus extrêmes. Mais le dérèglement climatique fait évoluer les choses. Pour suivre ces transformations, le programme Argo a donc déployé ses robots flottants à travers le monde. Ces derniers, qui mesurent 20 cm de diamètre, passent en réalité la majeure partie de leur temps sous l’eau. Ils s’enfoncent dans les profondeurs des océans pour mesurer les températures et la salinité. « Ils passent 90 % de leur temps à 1 000 mètres sous la surface de l’eau, puis s’enfoncent à 2 000 mètres le temps de capter des données », explique, à l’IEEE, Susan Wijffels, chercheuse au Woods Hole Oceanographic Institution à Cape Cod (Massachusetts), et co-présidente du comité directeur d’Argo.

Explication visuelle du circuit réalisé par un robot par tranche de dix jours. Illustration : Programme Argo.
Explication visuelle du circuit réalisé par un robot par tranche de dix jours. Illustration : Programme Argo.

Emportés par le courant, ces robots refont surface tous les 10 jours environ afin de transmettre par satellite les informations captées. Il y a deux points de collecte : Brest, en France, ou Monterey, en Californie. Les données sont ensuite partagées aux chercheurs et météorologues à travers le monde. Au total, le programme Argo récupère plus de 100 000 profils de salinité et de température par an. Une véritable avancée par rapport aux systèmes alternatifs (données captées par des bateaux ou bouées ancrées).

Un coût non négligeable mais des avancées scientifiques réelles

Toujours plus utiles, ces robots flottants sont toujours plus nombreux. À date, le programme Argo ambitionne de faire passer la flotte de robots de 3 900 à 4 700 unités. Mais tout cela nécessite un budget non négligeable. « Chaque robot coûte entre 20 et 30 000 dollars [19 à 28 000 euros, ndlr] et a une durée limitée de 5 à 7 ans », détaille Susan Wijffels à l’IEEE.

Mais les données captées sont partticulièrement utiles à la communauté scientifique. Par exemple, le programme Argo a permis de constater les effets de El Niño. Ce phénomène climatique se traduit pas une hausse de la température à la surface de l’eau. « Nous avons constaté que cette hausse des températures est due à un phénomène dans le Pacifique. De la chaleur remonte de 200 à 300 mètres sous la surface pour être soudainement exposée dans l’atmosphère », indique Susan Wijffels.

Et pour aller encore plus loin dans la compréhension des océans, Argo met actuellement au point une nouvelle génération de robots capables, eux, de s’enfoncer jusqu’à 6 000 mètres sous la surface de l’eau. En effet, les scientifiques ont déjà observé un réchauffement des eaux à 6 000 mètres de profondeur au niveau de l’océan Austral. Il est donc plus que jamais urgent de mieux connaître les courants profonds et de comprendre comment ils circulent.

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