Partager la publication "ADEME, mode d’emploi : quand l’État joue les copilotes de la transition auprès des entreprises"
Au cours de l’examen du budget pour 2025, courant janvier dernier, l’Ademe a été pointée du doigt, notamment au regard de son impact sur les finances de l’Etat. Mais il faut bien faire la part des choses entre le budget opéré par l’ADEME pour le compte de l’État – environ 4 milliards d’euros par an pour aider les entreprises dans leur transition écologique – et le budget de fonctionnement de l’Agence est de 136 millions d’euros, salaires des employés inclus. 92 % de son budget effectif va donc directement aux territoires, via différents fonds (chaleur, économie circulaire, air-mobilité, etc.) ainsi que le plan France 2030.
Et dans les différentes missions de l’ADEME, une majorité – 60 à 70 % – est liée aux entreprises. Une réalité qui peine encore à se traduire sur le terrain, où beaucoup d’acteurs ne savent pas exactement ce que l’Agence peut leur apporter. D’où l’idée d’un Tour de France de la transition, qui sera organisé de mai à octobre 2025, pour répondre aux interrogations et présenter de manière simple les outils disponibles. “L’ADEME est aujourd’hui un acteur économique autant qu’environnemental, rappelle Sylvain Waserman, président de l’Agence. Nous devons sortir de l’image d’une agence de sensibilisation : nous sommes aussi un levier d’investissement et de transformation industrielle.”

La décarbonation, un choix stratégique avant tout
Premier enseignement : la décarbonation ne s’impose pas. Elle se choisit. Jamais une entreprise ne se transforme pour faire plaisir à un ministre ou cocher une case. C’est une décision de dirigeant, à partir d’une analyse des risques, des coûts futurs du carbone, et des attentes clients ou actionnariales. “Ce qui déclenche l’action, ce sont des éléments concrets : une hausse de la facture énergétique, une pression d’un client ou un besoin d’anticiper une réglementation, rappelle Sophie Aubert, Directrice de la Direction Entreprises et Transitions Industrielles à l’ADEME. Nous sommes là pour que cette bascule soit possible, techniquement et financièrement.”
Dans sa stratégie 2025-2028, l’ADEME affirme trois priorités : adapter ses dispositifs aux différents types d’entreprises, massifier l’engagement des PME grâce aux réseaux partenaires, et éclairer les choix économiques à travers son expertise et sa prospective. “Il ne s’agit plus de soutenir quelques pionniers, mais de permettre à toute entreprise d’intégrer la transition dans son modèle économique, résume David Marchal, Directeur exécutif adjoint de l’Expertise et des Programmes à l’ADEME. Et cela nécessite des outils lisibles, des relais efficaces et une stratégie différenciée.“
Des aides massives, mais encadrées, mais aussi de l’accompagnement
En 2024, 2,5 milliards d’euros d’aides ont été déployées vers les entreprises, pour des projets liés à la décarbonation, l’économie circulaire ou l’adaptation au changement climatique. Mais attention : “Une subvention n’est jamais un droit, rappelle Sophie Aubert. Nous exigeons un impact mesurable. Ce n’est pas une aide de confort, mais un levier pour enclencher un changement réel.” Chaque projet fait donc l’objet d’une instruction technique et d’une évaluation de son impact carbone.
L’ADEME insiste sur ce point : son accompagnement ne se limite pas aux aides financières. Elle propose aussi des diagnostics, des outils méthodologiques (comme la méthode ACT pour construire un plan de décarbonation solide), des formations via sa plateforme ADEME Academie, et des ressources techniques gratuites. “Il faut que les entreprises puissent s’approprier les enjeux, pas seulement accéder à un financement, plaide David Marchal. Et cela passe par la montée en compétence, par la structuration de la démarche, par la possibilité de se projeter.”
Par où commencer ? Le parcours type d’une entreprise avec l’ADEME
Prenons l’exemple d’une PME du secteur agroalimentaire. Confrontée à la hausse des prix de l’énergie, elle réalise un premier diagnostic avec une chambre consulaire, repère une aide sur la plateforme Transition Écologique des Entreprises, découvre la méthode ACT, suit un module sur ADEME Academy, puis dépose une demande de subvention pour financer une étude de faisabilité. En quelques mois, elle passe d’un constat flou à une feuille de route structurée.
C’est ce scénario que l’ADEME veut désormais rendre systématique et fluide, grâce à des outils interconnectés et un accompagnement gradué. “On ne demande pas à une entreprise d’avoir un plan parfait, on l’aide à le construire”, rassure Sophie Aubert.
Vers une simplification de l’accès à l’information
Pour répondre à cette difficulté, la plateforme Mission Transition écologique a été conçue. Elle permet à une entreprise d’accéder, via son numéro SIRET, aux aides pertinentes en fonction de ses besoins et de sa taille. “On a trop longtemps laissé les entreprises seules face à la complexité administrative. Avec cette plateforme, on veut qu’elles aient une boussole”, souligne Sylvain Waserman. Encore en phase de test, l’outil devra être consolidé et promu largement pour remplir sa promesse.

Il ne faut pas non plus oublier le plan France 2030, piloté par l’ADEME. Avec 2,9 milliards d’euros d’aides déjà versées, le programme se veut un levier puissant de transformation industrielle. Au total, sur cinq ans, ce sont pas moins de 54 milliards d’euros qui serviront à permettre de rattraper le retard industriel français, investir massivement dans les technologies innovantes ou encore soutenir la transition écologique. D’ores et déjà 450 projets ont été soutenus, pour un gain estimé à 10 millions de tonnes de CO2 évitées par an. “Ce sont des projets qui changent la donne, mais ils ne représentent pas encore la norme, admet David Marchal. Il nous faut désormais accompagner aussi les entreprises plus classiques, avec des solutions éprouvées, duplicables.”
Diffuser, essaimer, accélérer
Pour passer à l’échelle, l’ADEME mise sur l’essaimage. À partir de 2025, elle déploie des programmes ciblés sur des technologies prêtes à l’emploi, comme la géothermie dans les EHPAD ou la récupération de chaleur fatale dans l’agroalimentaire. Objectif : répliquer ce qui fonctionne déjà, avec des partenaires métiers, des retours d’expérience, et, si besoin, de nouveaux dispositifs d’aide sur-mesure. “On ne peut pas tout réinventer à chaque fois. L’enjeu, aujourd’hui, c’est d’amplifier l’impact en multipliant les cas d’usage”, explique Sophie Aubert.
Pour y remédier, l’ADEME ajuste sa stratégie : davantage d’intervention directe avec les PME et un renforcement des partenariats avec les CCI pour les TPE. Mais la difficulté reste la même : comment démultiplier les efforts avec des équipes régionales restreintes (30 à 50 personnes en moyenne) ? “On va plus vite quand on va seul, mais plus loin quand on va accompagné, reconnaît Sylvain Waserman. Nos partenaires seront la clé pour essaimer, former, repérer les projets à potentiel.”
Rendre son offre plus lisible et accessible, l’adapter sans cesse aux besoins réels du tissu économique, s’appuyer sur des partenaires locaux pour mieux essaimer dans tous les territoires… la tâche de l’ADEME est immense. “Ce que nous construisons, c’est une infrastructure d’accompagnement au même titre qu’une infrastructure énergétique. Elle doit parler autant aux pionniers de l’innovation qu’aux industriels traditionnels, aux territoires isolés qu’aux grandes métropoles”, conclut Sylvain Waserman. Un défi de taille, mais à la mesure de l’enjeu climatique.
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