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Balance ton bar : sonnette d’alarme pour le monde de la nuit

« C’était il y a un peu moins de 3 ans, je suis sortie avec une amie. Nous avons partagé un verre et moins de 30 min après, trou noir total pour toutes les deux. Mon amie a eu un accident de voiture et moi, j’ai été violée. J’ai été pénétrée alors que j’étais inconsciente. Si je le sais, c’est « grâce » à un flash de lui au-dessus de moi. Moi ne sachant plus du tout bouger et des capotes à côté de moi à mon réveil ». « C’était en novembre 2019 », « c’était en 2013 », « c’était en janvier 2016 », « c’était hier soir »… Ce type de témoignage se multiplie, sous le hashtag Balance ton bar.

Un mouvement né en Belgique, suite à un message partagé sur les réseaux sociaux assurant que le serveur d’un bar du quartier d’Ixelles, à Bruxelles, avait drogué et violé deux jeunes filles. Une affaire qui est aujourd’hui entre les mains du parquet de Bruxelles. Si elle n’est pas encore élucidée, elle a eu pour effet de libérer la parole. 

Suite à cela, Maité Meeus, 23 ans, crée mi-octobre la page Instagram Balance ton bar. Depuis, celle-ci compte plus de 26,4 k abonnés et près de 70 témoignages publiés. Les jours passent, et le mouvement se répand dans toute la France. Orléans, Toulouse, Nice, Le Mans, Grenoble, Cannes, Montpellier, Nantes… Aucune ville ne semble épargnée.

GHB et agressions sexuelles

La majorité des témoignages proviennent de femmes, qui dénoncent avoir subi du harcèlement ou des agressions sexuelles dans des bars ou bien des boîtes de nuit. Avec énormément de témoignages d’intoxication au GHB. Surnommé la « drogue du violeur », le GHB est un puissant sédatif, notamment lorsqu’il est mélangé à l’alcool. 

Parfois, le personnel des établissements nocturnes est aussi incriminé, ou accusé d’avoir ignoré la situation et de ne pas avoir agi. « J’ai porté plainte à la police. Nous avons été sur place pour regarder les vidéos. Un des proprios m’a fait passer pour une alcoolo qui ne savait pas se gérer. Ma plainte a été classée sans suite par « manque de preuves » (alors que le coupable avait été retrouvé) », poursuit l’auteure du témoignage cité plus haut. 

Autre problème mis en lumière : la mauvaise prise en charge des autorités suite à une agression. « À l’hôpital, on m’a engueulée, on m’a traitée comme une énième meuf bourrée, et on a refusé de tester la présence de drogue », déplore une jeune fille, au journal Le Monde

Des messages qui viennent ternir la joie de retrouver les bars et les boîtes de nuit, après de longs mois de fermeture. 

À lire aussi : @BalanceTaStartup : les abus des entreprises dénoncés sur Instagram

Des pages Balance ton bar dans toute la France

D’autant que les témoignages se multiplient. De nombreuses villes de France ont aujourd’hui leur propre page Instagram Balance ton bar. La page d’Orléans compte par exemple une trentaine de témoignages et plus de 4 000 abonnés ; celle de Montpellier, une quarantaine de témoignages et plus de 13 000 abonnés ; la page de Paris quant à elle comptabilise plus de 6 000 abonnés et une trentaine de témoignages. 

À Paris, la procureure Laure Beccuau a annoncé le 17 novembre l’ouverture d’une enquête. En effet, neuf plaintes ont été déposées, concernant particulièrement le quartier de Pigalle. Deux plaintes ont également été déposées à Nice, quatre à Toulouse… 

En plus des témoignages, ces comptes Instagram postent aussi des messages pour expliquer les symptômes du GHB. Comme la somnolence ou les trous de mémoire. Ils partagent également quelques conseils. Se faire aider, appeler le numéro Drogues Info Service (0 800 21 13 13), ainsi que les étapes à suivre auprès des autorités. 

Un problème sociétal profond

Suite à ce mouvement, certains bars se mobilisent et utilisent ces pages pour passer leur message. À Orléans par exemple, le bar prénommé Le Orlean’s explique que si une personne se sent en danger elle doit se rendre au bar et commander un cocktail « Mademoiselle ». Un signal d’alarme pour les serveurs qui lui viendront directement en aide. 

Si ces initiatives sont bienvenues, l’affaire révèle un problème profond et ne devrait pas se régler du jour au lendemain. Selon un rapport d’Amnesty International sur le viol en Belgique, paru en mars 2020, la moitié des hommes interrogés estiment qu’une victime peut être en partie responsable de son agression. 39 % des hommes pensent que les femmes accusent souvent à tort ; 25 % qu’elles ne savent pas ce qu’elles veulent lors des rapports sexuels ; 20 % qu’elles aiment être forcées…

À lire aussi : #MeTooInceste: les victimes brisent le silence sur les réseaux sociaux

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