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Connaissez-vous l’impact du soufre sur la météo et l’environnement ?

Le carbone, et son cycle, ne tardent jamais à être mentionnés dès qu’il est question des crises climatiques et environnementales actuelles. En effet, le réchauffement climatique d’origine anthropique est dû aux émissions humaines de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4). Ces deux gaz à effet de serre responsables contiennent en effet du carbone. Pourtant, d’autres éléments chimiques jouent un rôle parfois tout aussi important pour comprendre l’évolution du climat ou la pollution environnementale. Parmi eux, nous pouvons citer l’azote et le phosphore, impliqués dans l’agriculture et la définition des limites planétaires. Mais un acteur, ô combien sulfureux, est souvent mis de côté, à tort : le soufre.

Dans l’atmosphère, cet élément, peut être émis par les volcans, les activités humaines ou les coccolithophoridés, ces petites algues calcaires microscopiques. Le soufre subit ensuite un grand nombre de réactions chimiques qui génèrent des particules au rôle essentiel : des aérosols.

Le soufre, un élément chimique que l’on peut trouve sous de nombreuses formes

Les aérosols sont des particules très fines en suspension dans l’atmosphère. Ils vont potentiellement obscurcir l’atmosphère, engendrer des nuages ou retomber sous forme de pluie acides. C’est pour toutes ces raisons que nous devons regarder de plus près le cycle du soufre. Le soufre est un élément chimique capable de s’incorporer dans de nombreuses molécules différentes.

Dans l’atmosphère, on peut le trouver sous de très nombreuses formes, dont le sulfure d’hydrogène (H2S), le dioxyde de soufre (SO2) ou l’acide sulfurique (H2SO4). Ces gaz et particules peuvent être libérées par les activités humaines, notamment l’utilisation des hydrocarbures ou du charbon. Ceux-ci peuvent être riches en soufre réduit qui est libéré, en plus du CO2, lors de leur combustion, et se retrouve dans l’atmosphère

Gaz volcaniques, algues vertes… et même dans notre corps

Le soufre se trouve en immenses quantités dans le manteau terrestre et peut ainsi se retrouver émis par les gaz volcaniques sous différentes formes. Il se retrouve par exemple sous forme des dépôts jaunes de soufre natif ou sous forme gazeuse, l’H2S. Même si invisible, ce dernier est bien connu puisque c’est lui qui donne cette odeur caractéristique des sources chaudes, cette odeur de soufre qui a longtemps fait associer cet élément et les enfers.

Les volcans et les activités humaines ne sont pas les seules sources de soufre à l’atmosphère. Le soufre est également présent dans les êtres vivants dont l’activité biologique peut libérer des particules soufrées vers l’atmosphère. Ainsi, dans des lieux où beaucoup de matière organique s’accumule, un processus de réduction du sulfate peut se mettre en place et entraîner la formation de H2S. C’est ce même gaz qui génère l’odeur des œufs pourris ou qui contribue aux odeurs qui peuvent nous échapper involontairement lors d’une digestion difficile.

Par endroits, cet H2S provenant des réactions de dégradation de matière organique peut être libéré en grande quantité et entraîner un empoisonnement, voire le décès d’animaux et d’êtres humains, comme dans le cas du scandale des algues vertes, lié lui aussi aux activités humaines.

Des algues Ulva Armoricana lors d’une marée verte dans le nord Finistère (Plage du Dossen et île de Sieck, commune de Santec). Thesupermat/Wikimedia, CC BY

Enfin, des algues produisent des molécules contenant du soufre durant leur vie : les coccolithophoridés. Ce phytoplancton calcaire, dont les débris constituent par exemple les falaises d’Etretat, génère une molécule contenant du soufre, le diméthylsulfure ou DMS. Ce DMS est souvent considéré comme un acteur important du climat.

Comment le soufre peut impacter le climat ?

Alors comment le soufre vient-il interagir avec le climat ? Pour y répondre, il faut d’abord comprendre comment fonctionne le climat. Nous avons donc besoin de définir le bilan radiatif, c’est-à-dire la différence entre l’énergie reçue et l’énergie perdue par la surface de la Terre. La Terre reçoit son énergie du soleil. Une partie de cette énergie est absorbée par les surfaces sombres et le reste est renvoyé vers l’espace par les surfaces réfléchissantes, ce qui se nomme l’albédo. L’albédo diminue le bilan radiatif et donc refroidit la surface de la Terre.

Dans l’atmosphère, le DMS produit par les coccolithophoridés est impliqué dans le processus de formation des nuages. En effet, le DMS, en s’oxydant dans l’atmosphère, forme de l’acide sulfurique, qui attire à lui les molécules d’eau. Ces particules d’acide sulfurique aident ainsi à la condensation de la vapeur d’eau, étape nécessaire à l’apparition de ces objets atmosphériques. Il s’agit de ce que les scientifiques appellent un « noyau de condensation ».

L’éruption du Tambora et « l’année sans été »

Les nuages ont un rôle complexe dans le climat, selon leur forme et leur hauteur dans l’atmosphère, mais ils ont globalement un effet refroidissant par l’augmentation de l’albédo. Ils jouent également un rôle essentiel dans le cycle de l’eau. En favorisant la formation des nuages, le soufre est donc un acteur du climat.

Par ailleurs, les aérosols, eux, augmentent directement l’albédo de l’atmosphère. Lors d’éruptions volcaniques, ou dans la fumée des usines, les aérosols d’acides sulfuriques émis contribuent donc à réduire la quantité d’énergie reçue par la surface de la Terre et entraîne un refroidissement qui peut durer jusqu’à deux ou trois ans, pour les éruptions les plus violentes. C’est le cas par exemple lors de l’éruption du Tambora en 1815, en Indonésie. Les aérosols sont restés suffisamment longtemps dans l’atmosphère pour voyager jusque dans le ciel de Londres où le peintre William Turner a immortalisé des ciels rouges et torturés. Ils ont cependant surtout contribué à perturber le climat et l’agriculture, entraînant indirectement la mort de milliers de personnes du fait de situations de famine tout autour du globe en 1816, surnommée « l’année sans été ».

Le problème des pluies acides

Enfin, les aérosols d’acide sulfurique, lorsqu’ils finissent par retomber au sol, entrainent les fameuses pluies acides si dévastatrices pour l’environnement. C’est pour cette raison que des filtres ont été installés sur les cheminées de nombreuses usines à charbon ou à pétrole, car celles-ci constituent la principale cause des pluies acides, loin devant les volcans. Si les pluies acides ont fortement baissé en Europe depuis les années 1980 grâce à la réglementation et aux délocalisations, celles-ci restent encore un problème d’actualité dans différentes régions du globe, notamment l’Asie.

Cela étant dit, même en Europe, les pluies continuent d’arriver de manière plus fréquente qu’elles ne devraient naturellement, notamment à cause des composés azotés, eux aussi prompts à susciter des pluies acides. Enfin, en ville, le soufre se mêle au complexe cocktail à l’origine des aérosols urbains néfastes à la santé humaine.

Ainsi, le soufre se retrouve aux interactions entre cycles naturels et perturbations humaines, comme beaucoup d’autres éléments. Néanmoins, à cause de ses effets à court terme sur la santé humaine, l’environnement et le climat, mais également par son cycle géologique à long terme, le soufre est un élément que nous devons surveiller de près dans l’étude des changements globaux que subit la surface la Terre ! Si les émissions volcaniques peuvent relarguer de grandes quantités de soufre d’un coup, les émissions diffuses humaines sont tout aussi dangereuses, voire plus encore, nous obligeant là aussi à atténuer l’impact de nos activités sur l’environnement.

À propos de l’auteur : Guillaume Paris. Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de Lorraine.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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