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Les perturbateurs endocriniens sont partout : comment les éliminer de nos vies ?

Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute.

Le 05/11/2015 par WeDemain
Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute.
Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute.

En faisant doser pesticides et perturbateurs endocriniens dans les cheveux de 63 enfants de moins de 12 ans, l’Obs a réalisé une enquête au résultat effarant : 20,2 perturbateurs endocriniens en moyenne, dont des molécules interdites depuis longtemps et l’un des composants de l’agent orange, le défoliant utilisé par l’armée américaine au Vietnam – aimablement, mais pas gracieusement fourni par Monsanto – où il a engendré plus d’un million d’enfants mal-formés.

Le dossier de dix pages publié dans l’Obs décrit l’étude, les réactions des parents, ce que provoquent les perturbateurs et comment réduire l’exposition. Je vous conseille très vivement de vous précipiter sur ce numéro exceptionnel, qui est en kiosque pendant une semaine. On ne peut pas se protéger, soi et ses proches, si l’on n’est pas informé.

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?

C’est une molécule chimique, aussi appelée xéno-hormone, qui peut modifier :

– La production, la diffusion ou l’élimination des hormones naturelles.

– Et/ou son action en agissant à leur place soit de manière positive (effet agoniste), soit de manière négative (antagoniste) sur leurs récepteurs.

Cela en fait par exemple des oestrogènes-like capables de mimer les effets des oestrogènes. C’est ce qui explique qu’ils peuvent modifier l’identité sexuelle d’un bébé in utero, entraîner des malformations génitales, des perturbations psycho-comportementales, de l’infertilité et des cancers hormono-dépendants….

Voici quelques perturbateurs endocriniens :

– Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (PAH) (fumées de cigarette, vapeurs de diesel, barbecue)
– Phtalates (plastiques souples, bouteilles huile,  PVC…)
– Bisphenol A (emballages alimentaires, barquettes margarines, revêtements conserves,  tickets de caisse…)
– Halogenophénols (désinfectants)
– PCB (rivières, poissons)
– DDT (pesticide interdit mais rémanent dans l’environnement et retrouvé dans les viandes), atrazine, éthylène thiourée, heptachlor, lindane, chlrodane, malathion .
– Alkylphenols (détergents, plastiques, pesticides)
– Paraben (cosmétiques, médicaments…)
– 4MBC (crèmes et huiles solaires)
– PBDE (polybrominated diphenyl ethers – retardateurs de flammes trouvés dans moquettes, mousse coussins, textiles, literie, voitures, télévisions…)

Et quelques perturbateurs endocriniens probables…

– Benzène
– Xylène
– Styrène
– Éthers de glycol
– Métaux lourds comme le plomb et le mercure

Quelles conséquences sur la santé ?

Des centaines de perturbateurs endocriniens ont envahi l’air, l’eau, les aliments, les logements, les transports, les lieux de travail, les cosmétiques et même les jouets. Et de là les animaux, les hommes, les femmes, les femmes enceintes, les fœtus, les bébés, les enfants… Mais qu’est-ce que cela change dans nos vies ?

Risques pour les femmes enceintes, fœtus, enfants

– Fausses couches
– Pathologies du déroulement de la grossesse
– Malformations, surtout génitales et de troubles de la différenciation sexuelle
– Vulnérabilité aux infections
– Risques augmentés d’allergies et d’intolérances alimentaires
– Augmentation de risques de surpoids et de diabète
– Retards de développement du fœtus, y compris cérébral
– Baisse de QI
– Augmentation des risques d’hyperactivité et d’autisme […]

Risques pour la fertilité

Les adolescents qui se mettent des laques sur les cheveux voient leur nombre de spermatozoïdes chuter. Une équipe de chercheurs de l’INSERM, dirigée par le Professeur René Habert, a en effet démontré expérimentalement que les phtalates étaient délétères pour la mise en place du potentiel reproducteur masculin dans l’espèce humaine.

D’autres études ont démontré que l’exposition des testicules de l’homme adulte aux phtalates, au bisphénol A, aux parabènes ou aux éthers de glycol, entraîne une inhibition de la production de la testostérone et peuvent être responsables de la réduction des testicules chez l’adulte. Il existe plusieurs familles d’éthers de glycols, pour la plupart reprotoxiques. Ils affectent la fertilité et masculine et féminine.

Mais ils sont aussi génotoxiques, facteurs de malformations, toxiques sur les cellules de la moelle osseuse. Des observations les corrèlent à des cancers de l’estomac, du testicule, de leucémies myéloïdes, mais leur carcinogénicité n’est pas prouvée. Dix d’entre eux sont l’objet de mesures de restriction d’utilisation en Europe, mais les études en France montre qu’ils sont présents dans les dosages urinaires. […]

Risques de surpoids, diabète

Des chercheurs ont mesuré le taux de BPA (bisphénol A) dans les urines de 2 838 enfants âgés de 6 ans à 19 ans et ont ensuite relevé leur poids.
Résultats : parmi les enfants ayant le taux de BPA le plus élevé, environ 22 % étaient obèses contre seulement 10 % chez ceux qui présentaient les niveaux les plus faibles. En d’autres termes, cela signifie que les enfants les plus exposés au BPA ont 2 fois plus de risque d’être obèses que les moins exposés.

Risques de cancers

Entre 2005 et 2010 on compte 20 % de Français en plus sous chimiothérapie. La fréquence du cancer du sein s’est élevée en 25 ans en France de 40 %. Or de très nombreux oestrogènes-like sont en circulation : bisphénol A, phtalates, parabènes, 4MBC… auxquels s’ajoutent les œstrogènes excrétés par les animaux, présents en quantité dans le lait de vache (qui ne peuvent produire du lait sans des taux élevés d’hormones), excrétés par les humains preneurs de pilule ou de traitements substitutifs… […]

Conclusion : De par leur nombre, leur présence dans tous les milieux, même les plus reculés, comme l’Arctique ou la forêt Amazonienne, leur présence dans tous les corps humains, leur caractère persistant, leur stockage dans notre tissu adipeux, les effets cocktail, leurs graves répercussions sur tous pratiquement tous les systèmes, leur modification de l’expression des gènes, le caractère transmissible des dégâts sur l’ADN de génération en génération – donc l’altération du patrimoine génétique de l’humanité (et des animaux) les perturbateurs endocriniens représentent une menace sanitaire bien supérieure au tabac ou à l’amiante.

Il faut bien regarder la réalité en face : la survie de nombreuses espèces : insectes, poissons, batraciens, mammifères marins comme les phoques ou les ours polaires, mammifères terrestres et les humains voient tout simplement leur survie menacée par ces considérables perturbations sur la reproduction et la santé à court comme à long terme. […]

Que faire pour se protéger des perturbateurs endocriniens ?

Il faut savoir que l’on ne peut pas supprimer – malheureusement dans les conditions actuelles, c’est impossible – mais réduire fortement l’exposition aux perturbateurs endocriniens. D’abord, il existe des pistes pour tenter de se débarrasser d’une partie de ceux que nous avons déjà stockés, en particulier dans notre tissu adipeux. Et si quelques outils peuvent contribuer à nous protéger de leurs effets néfastes, des mesures de grande envergure, écologiques et politiques, sont indispensables. Et rapidement !

Alimentation

– Ne jamais acheter de produits gras : huiles, sauces, margarines, plats préparés… ni dans des emballages plastiques, ni dans des conserves ou des cannettes, actuellement systématiquement enduites de plastique.

– Cette mesure reste valable malgré l’interdiction en cours d’application du bisphénol A dans les emballages alimentaires car y restent présents de nombreux perturbateurs endocriniens : des bisphénols de B jusqu’à Z, des phtalates, et des substituts sur lesquels on n’a pas de données toxicologiques.

– Pour aller plus loin, préférer les boissons en bouteilles de verre qu’en cannettes. Les fabricants de produits alimentaires doivent se rendre compte que seul le verre est sûr.

– Pour ce qui est de l’eau en bouteilles plastiques, éviter celles estampillés 3 (PVC), 6 (polystyrène), 7 (polycarbonates) sur le fond et choisir plutôt les bouteilles estampillées 4 et 5.

– Ne pas consommer de poissons grands prédateurs comme requin, espadon, mérou…trop pollués, ne pas consommer plus d’une fois par semaine les moyens prédateurs comme le thon et la daurade – la femme enceinte et les petits enfants devraient les éviter, préférer les petits poissons, en particulier gras : hareng, maquereau, sardine, anchois non salés – riches en oméga 3 et moins pollués (sauf quelques sardines d’estuaire régulièrement interdites car trop riches en PCB).

– La consommation de poissons de rivières ne peut pas être recommandée, les plus pollués étant le brochet (grand prédateur), les silures/poissons chats et les anguilles…

– Ne jamais consommer de foies ou d’abats de bêtes non biologiques et leurs dérivés (foie gras, pâtés…).

– Sauf femme enceinte ou enfant en forte croissance : réduire sa consommation de viandes à une à deux fois  par semaine.

– Choisir les œufs bio de poules élevées en plein air (ce que l’on peut refaire depuis les contrôles qui ont été opérés sur les émanations des usines d’incinération de déchets).

– Préférer les autres produits bios (les trois produits non bio les plus riches en perturbateurs endocriniens sont les laitues, les tomates, les concombre).

– Les agressions thermiques, en particulier au barbecue, peuvent aussi engendrer des perturbateurs endocriniens carcinogènes comme le benzopyrène. Il faut éviter le contact avec les braises qui devraient être non pas sous les aliments à cuire, mais à côté (barbecues verticaux) ;  on peut aussi protéger viandes et poissons par du papier sulfurisé – par ailleurs la plancha est moins agressive.

– Certaines poêles adhésives peuvent relarguer des perturbateurs endocriniens.

– Ne pas utiliser les verres en polystyrène (un dérivé benzénique) pour les boissons chaudes.

Médicaments et cosmétiques

– Ne pas acheter de cosmétiques contenant des parabènes.

– Eviter les médicaments gastro-résistants ainsi aussi ceux qui contiennent des parabènes.

– Refuser les médicaments contenant du toluène – aussi reprotoxique -, en particulier plusieurs présentations courantes en France de vitamine D.

– Ne pas utiliser les crèmes et huiles solaires non bio.

– Éviter les parfums qui sont aujourd’hui quasiment tous de synthèse.

– De même que la quasi totalité des produits utilisés par les coiffeurs, excepté la petite minorité – croissante – de coiffeurs bio.

– Même chose dans les ongleries. L’acétone qui sert à dissoudre les vernis à ongles est un dérivé benzénique.

– Remplacer les serviettes hygiéniques polluées par des serviettes ou tampons bio, ou une coupe menstruelle. Ici, un article sur les alternatives.

Vêtements

– Préférer les vêtements bio, et toujours laver au moins une fois les vêtements neufs avant de les porter, afin d’éliminer une partie des retardateurs de flamme et autres polluants.

– Utiliser des poudres bio pour laver les vêtements.

Logements, produits ménagers, d’entretien, désodorisants.

– Préférer les logements anciens aux logements neufs et autant que possible entourés de nature, loin des usines et des autoroutes.

– Réduire au maximum les contreplaqués et moquettes, tissus, qui contiennent des retardateurs de flamme et émettent des poussières, les poussières étant des concentrateurs de perturbateurs endocriniens qui sont ainsi inhalés.

– S’il y a une moquette la nettoyer une fois par mois à la vapeur, sinon passer un aspirateur à filtre qui ne relargue pas les poussières

– Utiliser des matériaux d’ameublement et de décoration bio, y compris surtout les peintures.

– Aérer au maximum à la belle saison, assurer une bonne ventilation l’hiver.

– Veiller à changer régulièrement les filtres des systèmes d’aération

– La combustion du bois émettant beaucoup de perturbateurs endocriniens, la cheminée doit être fermée par une vitre étanche.

– Choisir des produits d’entretien bio, de nombreux produits vendus dans la grande distribution contenant des perturbateurs endocriniens.

– Ne pas utiliser d’insecticides chimiques.

– Bien rincer les vaisselles pour éliminer les traces de détergents.

– Ne pas utiliser de désodorisants chimiques qui contiennent des dérivés benzéniques. On peut très bien les remplacer par des huiles essentielles.

– Exiger des pompes à essence un bouchon hermétique qui empêche d’inhaler les vapeurs d’essence car elles contiennent encore en France 1% de benzène, qui est génotoxique et augmente les risques de leucémies.

– Les gaz d’échappement contiennent outre des particules toxiques, des perturbateurs endocriniens, il faut faire vérifier deux fois par an l’encrassement des filtres de cabine. Les véhicules diesel sont les plus toxiques.

– Préférer des voitures d’occasion, au moins vieilles de 6 mois, qui ont relargué une grande partie de leurs toxiques.

Travail

– Se renseigner auprès de la Médecine du Travail sur la présence ou non de perturbateurs endocriniens sur son lieu de travail et obtenir la qualité d’aération et de protection adaptée.

Peut-on éliminer les perturbateurs endocriniens dans notre corps ?

– La première protection est de ne pas avoir trop de masse grasse puisque quasiment tous ces perturbateurs endocriniens sont solubles dans les graisses (« liposolubles ») et que le tissu adipeux les piège. Plus on a de tissu adipeux, plus on stocke de perturbateurs endocriniens, et on sait maintenant que ceux ci contribuent à l’apparition et l’aggravation et du surpoids et du diabète. […]

– Faire du sport régulièrement, augmente la circulation, et à partir d’une certaine intensité et durée d’efforts, brûle du tissu adipeux et permet le relargage de ces toxiques. Par contre il est important, que ce soit par le sport ou via un amaigrissement, de s’en protéger.

– On peut le faire par la prise de taurine. La taurine est utilisée pour « conjuguer » et le cholestérol et les toxiques liposolubles et les évacuer par les voies biliaires via le tube digestif et les selles. Mais ces toxiques – comme le cholestérol d’ailleurs – risquent d’être réabsorbées dans le tube digestif avant d’atteindre le rectum si on ne consomme pas assez de fibres.

Il y a donc une synergie protectrice entre la prise de taurine et la consommation de végétaux : crudités, légumes secs, oléagineux, pains semi complets (mieux au levain), céréales (mieux sans gluten), fruits… La pomme par exemple qui contient de la pectine a été démontrée capable d’améliorer l’élimination de polluants.

– Consommer une dominante végétale (encore mieux : bio), par rapport aux produits animaux a un triple avantage : moins d’apports en perturbateurs endocriniens, une meilleure élimination, mais aussi l’apport simultané de nombreux protecteurs : antioxydants, stimulants de la détoxification (en particulier dans les alliacés et les crucifères – qui contiennent du sulforaphane), anti-inflammatoires, stimulants de la réparation de l’ADN.

Étant donné qu’on est quotidiennement « supplémentés » en polluants via l’air, l’eau, les aliments, leurs emballages, la cuisson, les transports, les logements, le travail, et même les loisirs… il serait de « bonne guerre », maintenant que cela existe, de faire des cures de détoxification. […]

Il est vital que l’air, l’eau, les aliments, les vêtements, les logements, les transports, les lieux de travail, les jouets, les loisirs, les cosmétiques, les lieux de travail soient assainis au maximum si nous voulons conserver et la santé, et une avenir en tant qu’espèce…

En achetant plus propre, déjà nous impactons les distributeurs et les fabricants, ainsi que l’environnement lui-même.

Au delà de cela je vous invite à soutenir les associations qui luttent pour cette cause essentielle comme Générations Futures.

Vous pouvez aussi vous joindre à des pétitions qui circulent sur ce sujet, par exemple sur www.change.org ou sur www.no2hormonedisruptingchemicals.org/fr (« Dites non aux perturbateurs endocriniens » qui s’adresse à la Commission Européenne).
[…]

Retrouvez la version complète de cet article sur laNutrithérapie.fr

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