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Nouveaux OGM : de quoi s’agit-il ?

Les nouveaux OGM, appelés NBT, font aujourd’hui débat. Que sont-ils ? À quoi servent-ils ? Où en est-on ? Tout comprendre sur ces nouvelles techniques agricoles.

Le 29/04/2021 par Sofia Colla
Nouveaux OGM
Les nouveaux OGM, appelés NBT, pourraient permettre aux plantes, comme au colza, de résister aux pesticides. Mais où en est la règlementation ? (Crédit : Shutterstock)
Les nouveaux OGM, appelés NBT, pourraient permettre aux plantes, comme au colza, de résister aux pesticides. Mais où en est la règlementation ? (Crédit : Shutterstock)

La Commission européenne devrait rendre un rapport les prochains jours à propos des « nouveaux OGM ». Leurs promesses : des plantes plus résistantes aux herbicides, avec un goût amélioré, moins consommatrices d’eau… Mais de quoi s’agit-il exactement et où en est la règlementation en France ? 

« Nouveaux OGM », késako ?  Ces nouveaux OGM sont appelés par les industriels NBT pour « new breeding techniques », « nouvelles techniques de sélection » en français. En clair, il s’agit de nouvelles façons d’éditer le génome des végétaux. 

Comme pour les anciens OGM, ce sont des plantes qui ont subi un traitement pour modifier leur ADN afin de leur attribuer des caractéristiques plus intéressantes commercialement. Un soja avec moins d’acides gras, des tomates plus sucrées, des champignons plus résistants… 

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Nouveaux OGM NBT : une modification plus précise du génome

Si l’objectif est le même que pour les OGM première génération, la technique que l’on utilise ici est différente. Ces nouveaux types d’édition du génome sont plus précis dans les modifications qu’ils permettent d’obtenir. Le résultat est plus proche de ceux observés dans la nature, lorsqu’un génome végétal mute sans intervention humaine. Les NBT sont conçus par la modification d’un gène déjà existant dans la plante (mutagénèse). Les anciens OGM, eux, sont créés par l’ajout d’un gène extérieur. C’est ce qu’on appelle la transgénèse.

L’une des techniques de mutagénèse les plus connues est Crispr-Cas9, qui agit comme des ciseaux moléculaires à l’échelle du génome.

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Pourquoi ces nouveaux OGM font-ils débat ? 

En Europe, l’étiquetage est obligatoire pour la commercialisation des aliments contenant des OGM. À conditions qu’ils soient reconnus comme tels…

La question est de savoir si ces nouvelles modifications du génome engendrent des OGM au sens de la règlementation européenne. Aujourd’hui, ces nouveaux OGM échappent à la règlementation. C’est-à-dire à l’étiquetage obligatoire et aux contrôles préalables à leur commercialisation en Europe.

« À cause du vide juridique sur le sujet, le consommateur peut se retrouver aujourd’hui avec de nouveaux OGM dans son assiette sans le savoir« , explique Suzanne Dalle, responsable du secteur agriculture pour Greenpeace à France inter.

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Depuis 2008, la France interdit sur son sol de cultiver des OGM à des fins commerciales. En revanche, des plantes issues des NBT se retrouvent dans les champs du fait de ce vide juridique. Ainsi, en 2020, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) estimait que 20 à 30 % des surfaces de tournesol, c’est-à-dire environ 160 000 ha, étaient concernées. Les cultures de colza NBT représentaient quand à elles 5 % des surfaces, soit environ 30 000 ha. 

Une avancée dans la transition agricole pour leurs défenseurs

Les défenseurs de ces nouveaux OGM insistent sur le fait qu’ils permettent d’obtenir de nouvelles variétés plus rapidement et de diminuer les coûts pour les agriculteurs. Mais aussi d’améliorer leur résistance aux maladies, aux ravageurs ou aux virus. Les nouveaux OGM rendraient également les plantes plus résistantes et permettraient notamment de les rendre moins consommatrices d’eau. 

Le ministre de l’agriculture français, Julien Denormandie, s’est positionné en faveur des NBT. Il s’est exprimé sur le sujet dans une interview à L’Usine Nouvelle le 28 avril 2021 : « Les NBT sont des techniques qui permettent une accélération de la sélection végétale. Cela veut dire qu’une plante issue des NBT est une plante qui, un jour donné, dans un endroit donné du globe, aurait pu apparaître ou être développée par des méthodes classiques de sélection variétale… mais beaucoup plus lentement ! »

« La réglementation européenne [sur les OGM, ndlr] date de 2001 et n’est plus en adéquation avec la réalité scientifique », affirme-t-il. 

« Les NBT, ce ne sont pas des OGM », a déclaré Julien Denormandie, ministre de l’agriculture, dans une interview accordée à Agra-Presse début janvier 2021. 

Aucun autre ministre, pas même Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, ne s’est aujourd’hui exprimé sur le sujet. 

Les ONG s’inquiètent

Greenpeace alerte sur les risques : « L’impact des organismes produits par ces nouvelles techniques sur notre environnement et sur notre santé est méconnu ». L’organisation a d’ailleurs orchestré une mobilisation nationale samedi 24 avril dans les supermarchés pour alerter les citoyens. Suivie, lundi 26 avril, d’une double action, devant le ministère de la Transition écologique et l’Hôtel de Matignon à Paris, pour demander une règlementation claire. 

Les détracteurs alertent aussi sur le risque pour la biodiversité, notamment du croisement avec des plantes sauvages. « En cultivant et en disséminant dans la nature des plantes génétiquement modifiées dont on ne peut anticiper les effets, nous menaçons la biodiversité et la pérennité de notre agriculture », déclarent un collectif de responsables associatifs et écologiques dans une tribune publiée dans le journal Le Monde début février. 

« C’est le droit des consommateurs et des consommatrices de savoir ce qui se trouve dans leur assiette et de choisir de consommer, ou non, des OGM, comme c’est le droit des agriculteurs et agricultrices, notamment en agriculture biologique, d’être protégés par un cadre réglementaire clair », ajoutent-ils. 

Ces nouveaux OGM pourraient également présenter des risques sanitaires et amener à la production de toxines ou d’allergènes. 

Quelle règlementation en France ?

En 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne a annoncé que ces nouvelles pratiques devraient être soumises aux mêmes règles que celles qui encadrent les OGM. 

Le 7 février 2020, en France, le Conseil d’État s’est aligné sur ce jugement pour rendre sa décision : « Les organismes obtenus par certaines techniques de mutagenèse doivent être soumis à la réglementation relative aux OGM ». Il a également donné six mois au gouvernement pour modifier la loi. Or, aucun décret n’a aujourd’hui été publié en France pour les encadrer. 

Cette question fait l’objet d’un suivi régulier par la Commission européenne depuis 2007. Et, depuis 2016, 16 de ces nouvelles techniques sont analysées. Mais depuis 2012, la Commission européenne n’a fourni aucun nouveau document de travail. Un rapport devrait être publié pour la fin du mois d’avril.  

« À la fin de l’histoire, ces combats [contre l’agriculture chimique, ndlr] seront judiciairement gagnés… Pour autant, combien de victimes, combien de conséquences sur la biodiversité jusqu’à ce que le bon sens l’emporte ? », se demande Corinne Lepage dans une tribune publiée par WE DEMAIN.

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