Réparation climat : la folle somme que les producteurs d’énergies fossiles devraient payer chaque année

Pourquoi ne pas attaquer les producteurs d’énergies fossiles au portefeuille ? Pourquoi ne pas leur faire payer une sorte de taxe « compensation climat » chaque année ? Une forme de réparation pour toute la pollution que leur activité génère sur la planète. Tel est le point de départ d’une analyse publiée dans le journal One Earth. Un papier intitulé « Time to pay the piper » et dévoilé ce vendredi 19 mai 2023 par The Guardian.

Alors que les appels à la justice climatique se font de plus en plus nombreux, un chercheur italien, Marco Grasso (Université de Milan) et un chercheur américain, Richard Heede, cofondateur et directeur du Climate Accountability Institute (Colorado) ont publié une étude inédite. Ils ont évalué le montant des réparations pour 21 des plus grands producteurs d’énergies fossiles dans le monde. Selon eux, ces entreprises devraient payer pas moins de 209 milliards de dollars par an (193 milliards d’euros).

Le Nord pollue, le Sud trinque

Pour la première fois, des chercheurs ont cherché à quantifier le fardeau économique causé par des entreprises individuelles qui extraient les combustibles fossiles (gaz, pétrole, charbon). Le point de départ est l’injustice climatique actuelle : « Alors que les émissions de carbone des pays du Nord dépassent les limites planétaires d’environ 92 % chaque année, la dégradation du climat affecte de manière disproportionnée les pays du Sud, qui sont, eux, responsables d’une part insignifiante du réchauffement climatique« , indiquent les deux chercheurs.

À la question « Qui devrait supporter le coût des dommages causés par le changement climatique anthropique ? » Ils pointent du doigt les grands extracteurs de combustibles fossiles. Les 21 principales entreprises du secteur sont dans le viseur cette analyse. Parmi elles, citons TotalEnergies, Shell, Saudi Aramco, BP, Chevron, PetroChina, ExxonMobil, Gazprom, Petrobras, Abu Dhabi, etc.

Un calcul complexe pour quantifier le fardeau des énergies fossiles

Pour estimer le montant des réparations, les chercheurs se sont basées sur les données de la Carbon Majors Database. Cette base de données est établie par l’ONG Carbon Disclosure Project (CDP). Elle évalue les émissions de CO2 des principales entreprises fossiles (pétrole, gaz et charbon) depuis 1988.

Les auteurs du papier ont mis en parallèle ces chiffres avec les dommages déjà causés par le réchauffement climatique (inondations, fonte des glaciers, incendies, hausse du niveau de la mer, sécheresse, températures extrêmes, etc.). Depuis 1988, ces 21 entreprises fossiles seraient responsables de plus de 5 000 milliards de dollars de dégâts.

« Ce nouveau rapport met les chiffres sur la table. Les pollueurs ne peuvent plus se cacher de leurs crimes contre l’humanité et la nature », a expliqué au Guardian Harjeet Singh, membre du Climate Action Network International.

En outre, ce chiffre de 209 milliards de dollars, bien que déjà faramineux, serait en-deçà de la valeur réelle des dégâts provoqués.

La « partie émergée de l’iceberg des dommages climatiques »

Selon les auteurs de l’étude, « la méthodologie exclut la valeur économique des vies et des moyens de subsistance perdus, de l’extinction des espèces, de la perte de biodiversité et d’indicateurs du bien-être exclus du PIB. » Bref, les auteurs estiment qu’ils n’ont évalué que la « partie émergée de l’iceberg des dommages climatiques ».

Cette analyse pourrait servir de base à de prochaines réclamations de la part de pays ou de communautés particulièrement touchés par le réchauffement climatique et ses effets. Ils pourraient ainsi réclamer de fortes compensations aux entreprises productrices d’énergies fossiles. Objectif : les mettre face à leurs responsabilités quant aux limites planétaires et aux conséquences de leurs actes depuis des décennies.

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