Déchiffrer

Usines à troll, doxing, loups guerriers… Les méthodes agressives de la Chine sur les réseaux sociaux

Fermes à troll, opérations de doxing ou faux comptes… Dans un rapport récent, l’Irsem, un institut de recherches financé par le ministère des Armées, dresse un tableau instructif des opérations d’influence de la Chine sur les réseaux sociaux. Le géant asiatique n’a évidemment pas le monopole de ce type d’opérations. La France a elle-même été récemment épinglée. Mais le document permet toutefois d’en saisir l’ampleur. En voici quatre exemples.

Les usines à troll

On connaissait déjà la ferme à troll russe de l’Internet Research Agency, à Saint-Pétersbourg. Un outil de propagande pro-Kremlin découvert par la presse américaine au milieu des années 2010. Ce domaine, rapporte le rapport de l’Irsem, susciterait également l’intérêt de l’Armée populaire de libération chinoise. Le principe des usines à troll est simple. Des rédacteurs sont payés pour publier à la chaîne des articles au référencement optimisé. 

“L’origine de ces contenus, créés par des tiers et diffusés par d’autres tiers, est donc difficilement traçable, et c’est précisément pourquoi Pékin utilise abondamment cette sous-traitance”, remarquent les auteurs du rapport, Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer. Sur l’île de Taïwan, un État souverain revendiqué par la République populaire de Chine, la ferme à troll Mission est ainsi très partagée par des partis pro-réunification avec la Chine continentale. Ce qui pose la question de son influence sur les débats politiques locaux.

À LIRE AUSSI : Chine : Bienvenue dans le pays de la dictature 4.0

Des opérations de doxing

Mais qui est derrière les opérations de doxing ? Ces publications d’informations personnelles d’un internaute dans le but de lui nuire se sont multipliées à Hong-Kong. Pour rappel, l’ancienne colonie britannique voit ses libertés de plus en plus rognées depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Des militants pro-démocratie y sont de plus en plus ciblés. Or, pour les auteurs du rapport, l’un des principaux sites publiant des dox, HKLeaks, semble être en cheville avec les autorités chinoises.

Comment ces chercheurs arrivent-ils à cette conclusion ? Selon ces derniers, ce site web serait soutenu par des médias d’État chinois. Puisqu’elle publierait des informations connues seulement des autorités chinoises. Un second site de dox, hongkongmob.com, a également attiré leur attention. Selon une société spécialisée dans la cybersécurité, son contenu, écrit en cantonais, la langue chinoise partagée dans cette région, emploie pourtant des termes et des formulations “pas couramment utilisés” par des locuteurs nés à Hong-Kong.

Des faux comptes générés par intelligence artificielle

En juin 2020, Graphika, une société new-yorkaise spécialisée dans l’étude des réseaux sociaux, est intriguée par l’apparition de vidéos en anglais ciblant l’administration Trump et les États-Unis. Leur particularité ? Il y a des erreurs de langue et des voix off automatisées.  “Certains des comptes les diffusant sur YouTube et Twitter avaient des images de profil générées par des réseaux antagonistes génératifs. C’est-à-dire par intelligence artificielle. De faux visages, de personnes n’existant pas”, rappelle l’Irsem. 

Graphika a repéré une autre opération douteuse. Des profils Twitter utilisant des images générées par IA pour défendre Huawei face aux projets du gouvernement belge de limiter l’accès aux entreprises chinoises à son réseau 5G…

À LIRE AUSSI : Enquête : Comment Huawei infiltre la France

Les loups guerriers

Les loups guerriers, vous connaissez ? Cette expression fait référence à l’esprit de combat d’une dizaine de diplomates qui répondent de manière virulente aux critiques formulées contre la Chine à l’occasion de la pandémie du coronavirus. Outre les formes classiques de protestation, telles que les communiqués officiels, ces diplomates n’hésitent pas à manier sur Twitter l’invective ou l’intimidation. Un procédé devenu célèbre depuis la présidence américaine de Donald Trump. 

Or, les prises de parole des loups guerriers semblent étrangement portées par la création de comptes anonymes sur les réseaux sociaux. Exemple avec le compte Twitter de l’ambassade de Chine en Hongrie, suivi à 98 % par des non-Hongrois. Dont “un nombre anormalement élevé d’entre eux venant du Moyen-Orient, d’Asie du Sud et d’Afrique”, rapportent les auteurs. Des abonnés localisés de façon disproportionnée au Pakistan. Un pays qui avait justement servi de plateforme d’essai aux débuts de la twitterisation diplomatique chinoise selon les deux chercheurs.

Recent Posts

  • Respirer

Denica Riadini-Flesch : « Les vêtements les plus durables sont ceux qui sont déjà dans votre garde-robe »

Lauréate 2023 du Prix Rolex à l'esprit d'entreprise, Denica Riadini-Flesch a monté un projet de…

1 jour ago
  • Ralentir

Comment l’Ukraine utilise l’IA dans sa guerre contre la Russie

Désignation des cibles, identification des prisonniers et victimes, guidage des drones, espionnage… En Ukraine, la…

2 jours ago
  • Respirer

30 forêts exceptionnelles à découvrir en France

L'Office National des Forêts a créé une carte interactive qui recense 30 forêts à découvrir…

2 jours ago
  • Déchiffrer

Pollution plastique triplée d’ici 2060 : « Il y a urgence à agir », pour la Fondation Tara Océan

Alors que 175 pays se préparent à se réunir à Ottawa pour discuter de la…

4 jours ago
  • Déchiffrer

Impact du glyphosate sur la biodiversité : une étude inquiétante en Martinique

Herbicide le plus utilisé au monde, le glyphosate a des effets ravageurs sur la biodiversité…

5 jours ago
  • Ralentir

Surveillance et résilience : un quotidien sous l’œil numérique en Chine

En Chine, la surveillance étatique imprègne chaque aspect de la vie quotidienne, ancrée dans des…

6 jours ago