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Reportage : comment fonctionne une centrale hydroélectrique

Quand on parle de centrale hydroélectrique, on pense avant tout aux énormes barrages, ces mégastructures gérées par EDF. Mais l’énergie hydroélectrique, c’est beaucoup plus que cela. Notre parc d’installations est l’un des plus importants d’Europe avec quelque 2 500 centrales hydroélectriques. Dont 2 300 de petite ou moyenne taille, gérées par des acteurs privés. Dans notre pays, il s’agit de la première source d’électricité renouvelable du pays, et la deuxième source d’énergie après le nucléaire.

Elle produit en moyenne 65 TWh par an d’électricité propre, soit trois fois plus que la production éolienne et huit fois plus que la production solaire. « C’est l’énergie la moins polluante, affirme Baptiste Roy, responsable Production, Fourniture, Valorisation chez Dream Energy. Elle produit environ 6 g de CO2 par KWh généré. C’est au même niveau que le nucléaire, les risques et la problématique des déchets en moins. » Dream Energy possède et exploite quelque vingt centrales réparties un peu partout en France. Parmi elles, la centrale hydroélectrique de Baccarat en Meurthe-et-Moselle (Lorraine).

Le bâtiment de la centrale hydroélectrique de Baccarat, sur la rive droite de la Meurthe. Crédit : Florence Santrot.

Seulement trois éléments nécessaires pour créer une centrale hydroélectrique

Implantée sur la Meurthe, une rivière du Grand Est, affluent de la Moselle et sous-affluent du Rhin, l’usine a été construite en 1927, initialement pour alimenter les cristalleries alentour. Elle a été acquise par Dream Energy en 2021. Comme toute centrale hydroélectrique, celle-ci ne nécessite que trois composants majeurs pour fonctionner : un barrage sur un cours d’eau, un canal de dérivation et une turbine pour convertir l’énergie en électricité.

Le barrage de la centrale hydroélectrique de Baccarat sur la Meurthe. Crédit : Florence Santrot.

« Dans le cas de l’usine de Baccarat, comme dans bon nombre de centrales installées sur des rivières de taille moyenne, on parle d’un barrage ‘de basse chute’. Le débit de l’eau est relativement important mais le dénivelé est faible car le barrage est installé en plaine. À la différence des barrages de haute et moyenne chute, installés en montagne, où le débit peut être plus faible mais le dénivelé est nettement plus important », détaille Baptiste Roy.

Un fonctionnement relativement simple

Les deux turbines de la centrale de Baccarat, construite en 1927, et qui sont toujours d’origine. Crédit : Florence Santrot.

Concrètement, le barrage permet d’acheminer une partie de l’eau de la rivière (20 m3/S) vers la centrale via un canal d’amenée. L’eau provoque la rotation de la turbine avant de repartir dans le cours d’eau. La turbine entraîne, elle, un générateur électrique qui est relié à un transformateur qui produit de l’électricité. 2 350 MWh/an en moyenne pour cette centrale. Cette électricité est remise en circulation sur le réseau de distribution électrique général d’Enedis (anciennement ERDF) pour une puissance de 500 kW.

Le transformateur de la centrale hydroélectrique de Baccarat. Crédit : Florence Santrot.

Avec cette énergie, Dream Energy alimente notamment les bornes superchargeurs pour véhicules électriques qu’elle implante peu à peu dans toute la France. Le reste est revendu. « Nous produisons huit fois plus d’électricité que nous n’en avons besoin à l’heure actuelle », souligne Nathan Dubois-Stora, directeur du développement de Dream Energy.

Très peu d’entretien nécessaire et une obligation de respecter la biodiversité

Un écran affiche toutes les données de la centrale en temps réel. Puissance totale produite, hauteur de chute de l’eau, état des grilles et du barrage, état des turbines, etc. Crédit : Florence Santrot.

La centrale hydroélectrique a été automatisée au maximum. Un ordinateur central capte toutes les données du barrage et des deux turbines Kaplan de 300 kW installés dans le bâtiment. Résultat : il n’y a pas d’employé présent à temps plein dans la centrale hydroélectrique. Une personne passe tous les deux jours en moyenne et travaille environ 1h30.

« C’est le temps qu’il lui faut pour s’assurer que les turbines fonctionnent bien. Mais aussi que les clapets du barrage ne sont pas bloqués par du bois ou des détritus. Tout comme le canal de dérivation et la passe-à-poissons », détaille Baptiste Roy.

Le système de dérivation de l’eau permet le libre passage des poissons, que ce soit vers l’amont ou vers l’aval. Crédit : Florence Santrot.

Selon la législation, toute usine hydroélectrique doit être dotée d’une passe-à-poissons pour permettre le libre passage de la biodiversité. Celle-ci reçoit l’aval de l’Office français de la biodiversité. Elle permet aux espèces aquatiques, aux sédiments, voire aux animaux comme les castors d’évoluer librement en aval comme en amont de la centrale. Et il est obligatoire de laisser « libre » au minimum 10 % du débit moyen annuel. « En cas de contrôle inopiné, si la passe est bloquée par du bois par exemple, une amende peut être appliquée. Il faut donc la surveiller très régulièrement », souligne Baptiste Roy. De même, interdiction de prélever plus d’eau que prévu sous peine d’être verbalisé. Ici, la limite est de 20 m3 par seconde.

La sécheresse et le réchauffement climatique ? Pas une inquiétude immédiate

Au regard de l’année 2022 et du niveau très bas du débit des fleuves et rivières en Europe, on pourrait s’inquiéter de la pérennité de cette énergie. Mais Baptiste Roy est serein. « Nous avons la chance d’avoir les relevés des débits des cours d’eau en France depuis la révolution française. On a donc une vraie base de données sur le long terme. Et on note depuis toujours une constante sur une période de 10 ans. Il y a toujours trois bonnes années, trois mauvaises et trois-quatre dans la moyenne. Une tendance qui n’a pas changé ces dernières années. »

En outre, l’Hexagone possède six grands bassins hydrographiques. Ces six bassins versants sont les suivants : Rhône-Méditerranée-Corse, Rhin-Meuse, Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Adour-Garonne et Artois-Picardie. Ils correspondent aux cinq grands fleuves français (Rhône, Rhin, Loire, Seine et Garonne), auxquels s’ajoute la Somme. Généralement, quand un bassin versant souffre d’un manque hydrique, un autre bénéficie d’un surplus.

D’où l’intérêt, comme Dream Energy, de se doter de centrales réparties sur l’ensemble de ces zones. « Malgré la forte sécheresse l’an dernier, notre production hydroélectrique globale n’a que peu baissé. De 16 GWh en 2021 à 15 GWh en 2022. Certes, nombre de nos centrales étaient à l’arrêt en juin-juillet mais nous avions eu un surplus en début d’année », révèle Baptiste Roy. Rassurant pour l’été qui s’annonce…

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