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Les Ajoncs : un habitat partagé pour réinventer le lien social

Sainte-Hélène (Morbihan, 56), Bretagne – Dans la petite commune de Sainte-Hélène, non loin des rives paisibles de la ria d’Étel, une bâtisse discrète symbolise une transformation profonde du vivre-ensemble. Ce n’est ni une maison de retraite, ni une résidence senior classique mais un habitat partagé pour les plus de 65 ans. On doit ce projet innovant porté à la SA HLM Les Ajoncs, une Entreprise sociale pour l’habitat (ESH). Son ambition ? Offrir un habitat accessible, inclusif, pensé pour les seniors… mais qui pourrait bien servir de modèle à tous.

“On voulait sortir de la logique du maintien à domicile dans une maison souvent inadaptée ou du placement en établissement médicalisé”, explique Aurélien Frapporti, responsable développement et promotion chez Les Ajoncs. Le principe est simple mais puissant : chaque résident dispose de son propre logement, mais partage des espaces de vie et d’activités avec les autres habitants. Le tout accompagné par une association locale, le CLARPA 56, qui soutient la dynamique collective.

Un habitat partagé pensé pour, et avec, les habitants

Chez Les Ajoncs, rien n’est laissé au hasard, mais tout part de l’écoute. Dès les premières phases du projet, les futurs locataires sont impliqués. Une salle commune ? Une cuisine partagée ? Des prises accessibles et visuellement repérables ? Chaque détail est discuté, co-construit, adapté. “L’idée est d’éviter toute stigmatisation, et de laisser aux gens la liberté de s’approprier leur lieu de vie, à leur rythme et selon leurs besoins”, insiste Aurélien Frapporti.

Aurelien Frapporti
Aurélien Frapporti, responsable développement et promotion chez Les Ajoncs. Crédit : Jérémy Lempin.

Les projets ne se contentent pas d’offrir un toit. Ils tissent un écosystème territorial, associant collectivités, associations, habitants, bailleurs sociaux, partenaires de santé… À Sainte-Hélène, l’implantation à côté d’une école ouvre déjà la voie à des échanges intergénérationnels. Ailleurs – à Nantes, Rennes, Vannes, Groix, Quiberon… –ce sont des jardins partagés, des ateliers cuisine ou des sorties communes qui nourrissent cette vie collective.

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À Sainte-Hélène, une réponse concrète aux enjeux du vieillissement… et bien plus

Avec plus de 20 millions de Français de plus de 65 ans ou atteints de maladies chroniques, l’enjeu du vieillissement est massif. La maison des AJoncs de Sainte-Hélène y répond par une solution à mi-chemin : adaptée, humaine, soutenante, mais non médicalisée. “L’important, c’est de préserver le libre arbitre, de ne pas infantiliser les personnes. Ici, chacun organise sa vie comme il l’entend”, défend Aurélien Frapporti.

Les Ajoncs
Construit il y a une dizaine d’années et inoccupé depuis, ce bâtiment a été repensé par Les Ajoncs pour en faire un habitat partagé à Sainte-Hélène, dans le Morbihan. Crédit : Jérémy Lempin.

Le modèle se distingue aussi par son accessibilité économique : les loyers, intégrés au parc HLM, tournent autour de 500 à 600 euros par mois, charges incluses. Une alternative bien moins coûteuse que les établissements privés, et souvent mieux insérée dans la vie locale.

Mais le plus intéressant, c’est que ce modèle n’est pas réservé aux seniors. Les Ajoncs l’étendent à d’autres publics dits “spécifiques” : personnes en situation de handicap, anciens SDF, étudiants, jeunes actifs, familles monoparentales… L’ambition est claire : créer des lieux où l’on peut vivre seul, mais pas isolé.

Habitat partagé : bâtir du lien autant que des murs

Lorsqu’il décrit son métier, Aurélien Frapporti ne parle pas d’immobilier, mais de recomposition sociale. Sa mission : répondre aux besoins de ceux que le marché du logement laisse de côté, en inventant des lieux de vie adaptés et désirables. “Les Ajoncs sont un opérateur social avant d’être un constructeur. Nous travaillons avec des collectivités, des associations, et surtout avec les habitants”, rappelle-t-il. Le bâtiment de Sainte-Hélène, par exemple, a été racheté et transformé grâce à un montage financier innovant avec l’Établissement Public Foncier de Bretagne. Résultat : un projet opérationnel en un temps record, pour un coût maîtrisé.

Le succès de Sainte-Hélène donne des idées. D’autres projets sont en cours à Pontivy et Plescop, avec une volonté d’aller plus loin sur l’intergénérationnel. “Le but, c’est de créer des ‘satellites’ dans d’autres quartiers, d’autres communes, et de les articuler avec des équipements et des dynamiques locales”, indique Aurélien Frapporti. Mais le chemin reste semé d’embûches : absence de cadre juridique clair pour ces habitats hybrides, complexité des financements croisés, nécessité de former les acteurs. Il faut inventer une nouvelle ingénierie, souple, partenariale, et surtout, centrée sur l’humain.

Les Ajoncs incarnent une transition silencieuse mais essentielle : celle qui place le logement au cœur du bien-vivre. Ce ne sont pas seulement des murs, ce sont des lieux où l’on soigne la solitude, où l’on réapprend la convivialité, où l’on retisse des liens distendus par la vie moderne. Ces expériences, bien que modestes, deviennent des éclaireurs. Elles montrent que transition écologique et transition sociale peuvent — et doivent — avancer ensemble.

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