Uzès (Gard, 30), Occitanie – Mobilivre, c’est l’histoire d’un rêve devenu projet concret grâce à l’énergie tranquille de Jean-Pierre Martin, ex-organisateur de tournées littéraires estivales. Après des années à parcourir les plages avec le “Camion qui livre”, il lance aujourd’hui un nouveau concept plus durable, plus ancré dans les territoires et résolument tourné vers les oubliés de la culture. “Pendant neuf ans, j’entendais toujours la même chose : ‘Mais venez à la campagne, là où il n’y a pas de librairies !'”, confie-t-il.

C’est ainsi qu’est né le Book-Book : un tuktuk électrique, fabriqué en Turquie et transformé en mini-librairie ambulante, conçu pour sillonner les zones rurales à faible accès culturel. Premier terrain d’expérimentation : la communauté de communes du pays d’Uzès, qui compte une trentaine de villages et environ 29 000 habitants. Mobilivre collaborera pour cela avec la librairie La place aux herbes.

Un maillage territorial avec cinq lignes de desserte

À partir du 27 mai, cinq lignes hebdomadaires seront assurées par le Book-Book, chacune couvrant sept villages. Le véhicule, chargé de quelque 600 ouvrages, viendra se garer en place publique, annoncé par une petite musique, un peu façon camion de glaces. “Il faut qu’on nous voie, insiste Jean-Pierre Martin. Pas question d’être planqués entre le stand de boudin et celui des fringues au marché.”

La sélection de livres sera pilotée par des libraires locaux partenaires, à commencer par celui de la place aux Herbes à Uzès. Chaque libraire remplira le Book-Book avec ses ouvrages en stock, en y ajoutant obligatoirement 30 % de titres issus de maisons d’édition indépendantes. Une façon assumée de donner de la visibilité aux petites structures éditoriales souvent éclipsées par les mastodontes du secteur.

Une plateforme numérique pour orchestrer les rencontres

Côté logistique, Mobilivre a développé une plateforme numérique (mise en ligne courant mai) destinée à mettre en relation éditeurs, libraires et lecteurs. Les éditeurs y présentent leurs catalogues, les libraires y indiquent leur stock et les lecteurs créent leur profil de lecture. L’objectif : permettre à chacun de découvrir des ouvrages correspondant à ses goûts, tout en valorisant une chaîne du livre plus humaine et plus locale.

Le Book-Book devient alors un relais de distribution à taille humaine, soutenu par un modèle que Jean-Pierre Martin n’hésite pas à qualifier de “contre-Amazon”. “On s’est demandé comment Amazon faisait pour vendre autant. Nous avons repris ses méthodes, mais pour faire circuler autre chose : du lien, du papier, du sens.”

Un cinéma itinérant pour recréer du collectif

Mais Mobilivre ne s’arrête pas là. Le tuktuk va embarquer aussi un vidéoprojecteur pour organiser des séances de cinéma dans les villages. À la belle saison, les projections auront lieu en plein air ; en hiver, elles se tiendront dans des salles municipales, des hangars ou des écoles. “On veut recréer du collectif autour du livre, mais aussi autour du cinéma”, explique-t-il.

Ces événements, gratuits ou accessibles via une offre premium, s’adressent à tous ceux pour qui la culture ne devrait pas être une question de distance. “On ramène le libraire au centre du village, comme autrefois, et le cinéma avec lui. Le but, c’est d’offrir des moments, pas seulement des produits.”

Un modèle économique hybride et évolutif

Portée par une SAS à mission (avec l’objectif futur de devenir une SCIC, société coopérative d’intérêt collectif), Mobilivre se finance par une combinaison de prêts, de crowdfunding (une campagne Ulule a permis de lancer les premiers développements), et de partenariats avec des libraires. La banque éthique NEF a également accordé un prêt de 100 000 euros pour soutenir le lancement.

Derrière le projet, une petite équipe : Jean-Pierre Martin, aujourd’hui à la retraite mais pas à la retraite de l’engagement, et son associé, ancien professionnel de la logistique du livre. Ensemble, ils ambitionnent déjà de répliquer l’expérience dans d’autres territoires, selon les sollicitations des libraires, collectivités ou même simples citoyens via la plateforme. “Si on voit qu’il y a 1 500 lecteurs intéressés vers La Rochelle, on ira chercher un libraire là-bas.”

Un lancement très attendu à Uzès

D’ici là, tout se joue autour d’Uzès. Tests des lignes, emplacements choisis en lien avec les mairies, partenariats avec des radios associatives locales, premières inscriptions sur la plateforme : le lancement de Mobilivre est imminent. La date à retenir : le 27 mai, pour l’inauguration officielle.

“On veut que ce soit visible, joyeux, engageant”, résume Jean-Pierre Martin. Comme un écho à ces souvenirs d’enfance où le camion de glaces apportait un peu de fête dans les ruelles ensoleillées. Sauf qu’ici, c’est un tuktuk qui apporte des histoires. Et ça change tout.

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