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Written by 14 h 42 min Les récits de nos lecteurs

« Coca, McDo, files d’attente : j’ai testé l’alimentation du futur, à l’Expo universelle de Milan »

Alléchée par le programme, notre contributrice s’est rendue à cet événement planétaire, avant sa clôture le 31 octobre. Omniprésence des géants de la malbouffe, files d’attente record, programmation parfois hasardeuse… Elle n’a pas été déçue.

Le 03/11/2015 par Antoine Lannuzel
Alléchée par le programme, notre contributrice s’est rendue à cet événement planétaire, avant sa clôture le 31 octobre. Omniprésence des géants de la malbouffe, files d'attente record, programmation parfois hasardeuse... Elle n'a pas été déçue.
Alléchée par le programme, notre contributrice s’est rendue à cet événement planétaire, avant sa clôture le 31 octobre. Omniprésence des géants de la malbouffe, files d'attente record, programmation parfois hasardeuse... Elle n'a pas été déçue.

« Nourrir la planète. Énergie pour la vie. » Une Exposition universelle au thème si alléchant, ça ne se manque pas. Surtout quand celle-ci se tient à deux heures de Paris, après deux éditions organisées à l’autre bout du monde, en Chine (2010) puis en Corée (2012). M’attendant à dénicher des solutions innovantes permettant d’assurer à tous une alimentation saine et durable, je m’envole l’esprit empreint d’idéaux sur l’avenir de notre alimentation. Destination Milan.

 

McDonald’s et Coca-Cola, champions de la nutrition

Sitôt les barrières de sécurité de l’Expo franchies, je suis ravie de constater que les efforts de McDonald’s et Coca-Cola pour sustenter durablement le monde ont fini par payer ! Le pavillon bâti à leur effigie en témoigne : les voici œuvrant dans le noble domaine de la nutrition.

« Cette exposition ? Un gouffre financier ! Pour rentabiliser l’événement, les organisateurs ont fixé des prix prohibitifs que seuls des géants de l’agro-alimentaire ont pu payer », avance une restauratrice ronchon, qui n’a pas pu débourser le million réclamé en échange d’un stand, « sans compter les investissements nécessaires à l’installation des cuisines ». Et la commerçante d’ajouter : « Je n’ose imaginer le tarif demandé pour construire un pavillon comme celui de Coca ou McDo. »

Devant tant de négativisme, je suis vite réconfortée en constatant les intentions altruistes de Coca-Cola, qui, à l’entrée et à la sortie de son bâtiment, offre à qui le veut le breuvage dont il garde jalousement le secret. Et si Ferrero est moins généreux – bien qu’il gratifie le public de quelques parades de rues -, soulignons que son immense « concept bar » permet aux aficionado du cacao de repartir avec un pot de Nutella à leur nom. Me voici rassurée : demain, nos menus seront composés de Big mac, de pâte à tartiner chocolatée à l’huile de palme et de boissons gazeuse à base d’acide phosphorique.

Au petit bonheur la chance

Pas rassasiée pour autant, j’enchaîne sur la découverte des propositions culinaires concoctées par les 145 États présents sur les 110 hectares du site de la Fiera. Impossible de tout visiter compte tenu de l’affluence. Le conseil d’un membre du staff pour rentabiliser ma journée ? Me glisser dans les files d’attente les plus clairsemées.

Elles sont où, les-dites files d’attentes ? « Depuis quelques semaines, il y a un monde fou. C’est à croire que les gens ont tous attendu le dernier moment pour visiter l’expo. En semaine comme le week-end, ça défile sans discontinuer », observe une hôtesse du pavillon polonais, dépassée par l’afflux de visiteurs prêts à patienter plusieurs heures pour le visiter. Seule solution pour passer devant son voisin : disposer d’un pass (média, animation, staff, handicap), être accompagné d’enfants en bas âge, être invalide ou attendre un bébé. J’ai, pour ma part, la chance d’appartenir à la catégorie média.
 

Joyeuse pagaille

Pendant que je loue la joyeuse pagaille propre à l’Italie – je le dis d’autant plus affectueusement que je suis d’origine italienne -, les mauvaises langues (encore elles) déplorent une « mauvaise organisation« . Pire, elles accusent certains pays d’avoir décliné le thème n’importe comment. Tout ça parce que la Pologne a présenté un film d’animation sur les guerres qui ont déchiré son territoire depuis le Moyen-âge et que les États-Unis n’avaient guère que la vue de leur terrasse à offrir aux visiteurs déçus. « Il aurait fallu mettre en place un comité de validation permettant de garantir le respect de la thématique, ce qui aurait permis d’éviter les déconvenues inévitables après plusieurs heures de queue », entends-je.

Regardons le verre à moitié plein : pour une fois qu’une manifestation d’ampleur internationale permet de mettre en pratique des adages aussi sages que « le hasard fait bien les choses », « au petit bonheur la chance » ou encore « la patience est mère de vertu » ! Les visiteurs qui ont patienté jusqu’à six heures pour découvrir le pavillon japonais mériteraient quant à eux d’être élevés au grade de maître zen.

Et puis, à bien y réfléchir, s’il avait existé, le comité de validation aurait certainement interdit la diffusion du reportage proposé par la très démocratique Thaïlande. Si l’on ne peut même plus montrer le Roi Rama IX en train de besogner dans les rizières ni déclarer que le souverain « ne cesse jamais de travailler pour son peuple, même les jours de pluie », sans être taxé de propagandiste, où va-t-on ? Le public l’a compris. À défaut de verser sa larme, il applaudit à tout rompre.

« Le centre de Milan s’est vidé »

Les spectateurs ne sont pas les seuls à se frotter les mains. L’Hôtel de ville de Milan itou. Cité par Le Parisien, un représentant de la municipalité se félicite. Le nombre de touristes aurait bondi de 35 % en septembre. Une tendance prévue pour « durer grâce aux gains de notoriété acquis tout au long de l’événement. » « Bilan positif pour l’expo universelle de Milan », titrait encore boursier.com, le 27 octobre. Même constat pour Le Figaro, selon qui « le succès de l’Expo de Milan dynamise la croissance italienne » avec 60 000 emplois saisonniers et 20 millions de visiteurs, dont de nombreux Français. Les commerçants doivent exulter !

Caroline Denti, ex-associée de l’enseigne locale California Bakery, réfute pourtant cette évidence. Selon elle, le commerce milanais n’aurait pas vraiment profité de ces cinq mois d’affluence : « Les visiteurs ont préféré dépenser leur argent sur le site de l’Expo, y compris le soir. »

Entre autres explications, notre interlocutrice invoque la chute du prix du ticket dès 18 heures (5 euros contre 39 en journée), une programmation nocturne riche en concerts et bien sûr la présence d’une multitude de food trucks permettant de casser une petite graine sur place. « Le centre de Milan s’est vidé au profit des installations démontables de la périphérie », remarque-t-elle. Du coup, les commerçants ont râlé. Mais c’est bien connu, les commerçants ne sont jamais contents…

 

Journaliste indépendante, Sandra Franrenet collabore régulièrement avec We Demain.

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