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Written by 14 h 52 min Les récits de nos lecteurs

Nouvelle Zélande : Quand une ville māorie s’érige en modèle de transition locale

RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.

Le 08/12/2016 par WeDemain
RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.
RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.

De Nouvelle-Zélande au Bhoutan, du Pacifique à l’Himalaya, le Wānanga Trek est un reportage solidaire  mené par Anne-Sophie, étudiante en sciences politiques de 21 ans. Chaque mois, elle raconte ses aventures à We Demain.

Avant d’arriver en Nouvelle-Zélande, j’avais à l’esprit un exemple environnemental : un espace où la nature est une préoccupation, et sa préservation un impératif. En atterrissant à Auckland, la réalité a vite pris le pas sur les idées que je m’étais faites : beaucoup de choses sont encore à faire ; même si 75 % des énergies du pays sont renouvelables.
 
Nous nous sommes donc intéressés aux liens entre la culture māorie et la conservation environnementale, afin de mesurer leurs impacts à l’échelle régionale et nationale. Pour cela nous nous sommes rendus à Raglan (Whaingaroa en māori), petite ville sur la côte Ouest de la région du Waikato, l’une des zones agricoles les plus importantes du pays.

Une fourmilière d’initiatives oeuvrant pour une transition sociale, verte et durable

Là, nous avons découvert une oasis des transitions, une ville de la superficie d’un village qui fourmille d’initiatives toutes plus inspirantes les unes que les autres. En s’y promenant, on découvre une entreprise citoyenne qui gère les déchets de la ville en recyclant absolument tout, une organisation māorie qui replante les forêts du bord de mer, un jardin organique ou les traditions māories sont préservées et transmises, un centre d’éducation māori centré sur la préservation de la nature ; et beaucoup d’autres.

En voici trois d’entre elles, que nous avons eu l’occasion de découvrir et de visiter afin de vous les partager, et de montrer ce que nous avons à en apprendre. Toutes ont pour point commun d’être issues de mouvements citoyens, et chacune participe à faire de Raglan une ville modèle des transitions sociétales. 
 

La première, Xtreme Zero Waste , est une entreprise citoyenne dont le but est de pallier l’absence d’un service public primordial : la récupération et la gestion des déchets. Depuis la disparition du service public dans les années 1990, un groupe d’habitants s’est concerté afin d’organiser des relèves de gestion des déchets pour toute la ville. Leur objectif : faire de Raglan une ville zéro déchet d’ici 2020. Ils en sont aujourd’hui à 76 %.

Lorsqu’on se promène dans cet immense espace à flanc de colline, au milieu de la forêt, on découvre des niches de création et de réutilisation à tous les niveaux. Un atelier de up-cycling où des artisans redonnent vie aux morceaux de bois, une zone de recyclage des bouteilles en plastique, une ferme de compost, une immense brocante à ciel ouvert…

Une deuxième initiative méritant l’attention à Raglan est Kaiwhenua, un jardin māori : accroché sur l’une des montagnes surplombant l’océan, Kaiwaka et Lynette Riki entretiennent depuis vingt ans des terres qu’ils ont aménagées en jardins organiques circulaires, cultivées selon leurs coutumes traditionnelles et les cycles lunaires. L’idée du cercle, très ancrée dans la tradition māorie, transparaît ici sous différentes formes. 

« From whenua to whana » : « De la terre à l’assiette »

Au milieu d’une polyculture riche, un système de récupération des eaux usées et de recyclage permet d’autogérer cette diversité de plantes, d’animaux ou de légumes. L’ensemble est également entretenu selon des traditions ancestrales qu’ils veillent à transmettre : soit en organisant des ateliers avec les classes, soit via un livre qu’ils ont publié en 2014. Tout, ici, est pensé sur le long terme : l’alimentation, les techniques et coutumes traditionnelles, la préservation de la terre et le souci des générations futures.

Enfin, aux abords des côtes, Whaingaroa Harbour Care  est une entreprise sociale, née elle aussi d’une réunion de citoyens, pour reformer le cadre naturel de l’estuaire par la reforestation. Ayant déjà planté 1,2 million d’arbres depuis 1995, ils luttent contre l’érosion et l’appauvrissement de la qualité de l’eau, qui impactent la biodiversité autant que les paysans et pêcheurs.
 
En restaurant les environnements naturels des cotes de Raglan, Harbour Care permet tout d’abord de solidifier le substrat et de le rendre moins vulnérable aux conséquences des dérèglements climatiques (les inondations et orages étant de plus en plus courants). Mais l’équipe crée aussi des emplois, tout en restaurant la qualité de l’eau permettant aux agriculteurs et pêcheurs d’améliorer leurs rendements. Ici encore, des citoyens passionnés prennent en main leur espace en faisant profiter l’entière communauté.

Raglan, un modèle des transitions citoyennes a l’échelle locale ?

Ces initiatives – parmi beaucoup d’autres – permettent de placer Raglan dans cette lignée de petites villes modèle des transitions, à l’instar de Nelson dans l’île du Sud, ou des Coromandels dans l’île du Nord. Ce que nous retenons de notre tour des innovations durables de cette région est l’aspect bouillonnant de cette fourmilière des transitions, ainsi que leur réplicabilité. 
 
Ces voies de transition mettent en lumière un effort collectif poursuivant un but commun, qui prouve, à l’échelle locale en tout cas, une réelle efficacité. Elles montrent aussi des aspirations citoyennes qui, ne partant de rien d’autre qu’une motivation commune, créent et construisent des passerelles inspirantes vers des sociétés durables.

L’image de la création de Xtreme Waste est révélatrice : en l’absence de services publics, des citoyens se sont rassemblés pour prendre en main leur ville en créant ce qu’ils appellent une « entreprise communautaire » ; par et pour la communauté locale. Cette reprise en main citoyenne du devenir des villes se voit partout à l’échelle du globe. Mais, sur un espace très concentré, l’exemple de Raglan a achevé de nous persuader de l’efficacité des actions « bottom-up ».

Prendre en main son propre environnement, ses propres communautés et ses futures générations, n’est pas une découverte du vingt-et-unième siècle. Les histoires māories, racontées par les anciens, montrent bien que nous ne faisons que revenir à des pratiques durables, enrichies par des apports de connaissances et d’expériences, négatives autant que positives.

En ancrant cette conception circulaire dans la plupart de leurs actions et idées, les communautés māories montrent la voie d’une responsabilisation citoyenne plus qu’inspirante. Elles montrent aussi que les citoyens sont bien la base de cette force motrice du changement.

Anne-Sophie Roux.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les projets, les initiatives et les personnes qui font vivre les communautés rencontrées par Anne Sophie Roux, rendez-vous sur le blog Wanangatrek.com.

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