Ils font renaître le « Grand Rex de Kaboul » grâce au crowdfunding

Construit dans les années 60, le luxueux cinéma Aryub de Kaboul n’avait depuis pas été épargné par l’histoire. Ravagé par la guerre civile, fermé sous le joug islamiste des Talibans, il tombait en ruine après une brève réouverture en 2003, coulé par l’arrivée des DVD pirates qui s’échangent dans les bazars de la capitale afghane. Un homme – et derrière lui une troupe d’artistes – va pourtant peut-être le faire revivre grâce au financement participatif d’un film.

Quand la fiction inspire la réalité
 
C’est une fiction qui n’en est pas tout à fait une. Kabuliwood raconte l’histoire d’une bande d’artistes afghans qui se bat pour transformer un cinéma abandonné en centre culturel à Kaboul. Louis Meunier, le réalisateur français de 34 ans, entend ainsi faire d’une pierre deux coup. Car la réhabilitation du lieu est bien réelle et les acteurs jouent leurs propres rôles.

Après le tournage du film, l’Aryub pourrait devenir un grand centre culturel ouvert à tous les artistes de la capitale. Si le ministère de la Culture afghan appuie désormais le projet, rien n’aurait été possible sans l’apport initial du crowdfunding. Lancée sur Indiegogo, la collecte a permis de trouver les 30 000 dollars nécessaires. « Les soutiens locaux n’étaient pas légion au départ. J’avais déjà fait appel à Kisskissbankbank pour financer mon premier film. Ce mode de financement permet de réaliser des projets culturels qui n’auraient pas pu voir le jour autrement », estime Louis Meunier.

Un aventurier français
 
Rien ne prédisposait ce dernier à venir à la rescousse d’un cinéma maudit en Asie centrale. C’est par hasard qu’il débarque à Kaboul en 2002. Sorti de l’ESSEC un an plus tôt, le jeune homme de 23 ans veut travailler quelques mois dans l’humanitaire. Quand une ONG lui propose l’Afghanistan, il accepte l’aventure et atterrit dans le chaos de la capitale en pleine guerre post-11-Septembre. Il n’est jamais reparti.
 
Fondu d’équitation, c’est à cheval qu’il tombe amoureux du pays. « Je suis parti sillonner les plaines pendant six mois. J’ai fait du cheval, j’ai acheté des chevaux, et j’ai fini par me faire initier au bouzkachi. » Hérité des Huns de Gengis Khan, le sport national Afghan, qui voit une vingtaine de cavaliers se disputer une carcasse animale, lui permet de fréquenter plusieurs seigneurs de guerre locaux. Avec l’un d’eux, de retour à Kaboul, Louis Meunier monte même une équipe nationale qui y officie toujours.

Artistes kaboulois

En 2008, il est contacté par Ariane Mnouchkine, directrice du théâtre de la Cartoucherie, à Vincennes. Elle veut former des acteurs afghans et projette d’ouvrir un théâtre à Kaboul. L’aventurier fait alors la connaissance d’Aftaab, une troupe de comédiens qui s’était illustrée à Paris. Mais le théâtre ne verra jamais le jour. Trop complexe, trop risqué à monter dans cette capitale, le projet capote lorsque la mairie de Paris s’en désengage.

« La situation est difficile en Afghanistan, avance Louis Meunier pour expliquer cet échec. Tout le monde fout le camp. À Kaboul, en douze ans, les gens sont passés du Moyen-Âge au troisième millénaire et la population a été multipliée par dix. Mais dans cette cité vivent des acteurs, des sculpteurs, des peintres et des musiciens qui rêvent de s’exprimer. »
 
Deux ans plus tard, il découvre l’Aryub. La façade du cinéma est délabrée, les murs délavés, mais la salle poussiéreuse et son grand balcon ont bien résisté à l’histoire. Quelques travaux suffiraient à lui redonner un peu de son faste d’antan. Ce sera bientôt chose faite. L’occasion, pour la troupe de théâtre afghane, de trouver enfin un espace d’expression à Kaboul. Et d’offrir, à travers le film qui racontera son histoire, « un autre visage de l’Afghanistan que celui des Talibans, de l’opium et des burqas ».

[Teaser du film Kabuliwood : Kaboul comme vous ne l’avez jamais vue]

Kabul like you have never seen it from Louis Meunier on Vimeo.

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