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Prendre sa retraite à 40 ans ! Ils l’ont fait et racontent comment

Le 09/12/2019 par Alice Pouyat
J'arràªte de travailler. Les clés du frugalisme, de Gisela Enders, éditions Yves Michel, avril 2019, 16 euros.
J'arràªte de travailler. Les clés du frugalisme, de Gisela Enders, éditions Yves Michel, avril 2019, 16 euros.

Depuis qu’Emma et Robert sont à la retraite, ils vont chercher ensemble leurs enfants… à la crèche. Car Emma et Robert ne sont pas des parents âgés. Travailler plus longtemps ? Installés en Allemagne, cette Roumaine et cet Écossais ont choisi un chemin opposé.

À 35 ans, ils appartiennent au mouvement FIRE, acronyme de Financial Independance, retire early, soit « indépendance économique, retraite précoce ». Le principe : vivre de façon frugale et faire fructifier son argent pour arrêter de travailler idéalement avant 40 ans.
 
Actif aux États-Unis ou en Allemagne, ce mouvement fait aussi des adeptes en France.

De nombreux blogs comme What life could be d’Emma et Robert, Our Next Life, Frugalwoods, et surtout Mr. Money Moustache, consulté par plus de deux millions de lecteurs par mois et traduit dans plusieurs langues, partagent leurs conseils pratiques et cherchent à convertir la plus ample communauté à ce mode de vie. Du 2 au 8 mai 2019, Emma et Robert organisaient même une Semaine européenne de l’indépendance financière à Budapest.

Le couple fait partie des témoins interrogés par l’Allemande Gisela Enders dans son livre J’arrête de travailler. Les clés du frugalisme  (Éditions Yves Michel, avril 2018), qui vient d’être traduit en français. À travers une quinzaine d’entretiens, l’ouvrage permet de mieux cerner le profil de ces aspirants chômeurs, d’ausculter ce qui se passe lorsque retombe la pression financière dans la vie de chacun, de se demander comment exister dans la société sans métier.

Surfer sur le système capitaliste pour en sortir

Prendre sa retraite à 40 ans ! Ils l'ont fait et racontent comment
Dans l’ensemble, ces jeunes retraités ne sont pas des personnes passionnées par leur profession d’origine. Parmi eux, peu de médecins, d’artisans ou de comédiens. On retrouve plutôt des développeurs, des ingénieurs, des gens qui ont souffert de pression, d’un manque de reconnaissance ou de sens dans leur travail.  
 
Et la plupart de ces nouveaux rentiers ne sont pas des hippies anti-système : pragmatiques, ils exploitent plutôt les ressorts du système capitaliste… pour en sortir.

Plus concrètement, ils disposent en général d’un capital de départ ou économisent intensément pendant quelques années. Puis ils investissent dans l’immobilier, en bourse, par exemple dans les ETF (Exchange Traded Funds), ou sur des titres individuels. La plupart continuent aussi à percevoir des revenus passifs d’activités qui demandent peu de temps, par exemple des sites internet avec des retombées publicitaires.

Pour savoir s’ils ont atteint la liberté financière et sortir du salariat, les membres du mouvement suivent une « règle d’or » dite des 4 % : disposer d’un patrimoine au moins 25 fois supérieur au montant de ses dépenses annuelles. Si elles s’élèvent à 2000 euros par mois, il faudra par exemple un patrimoine de 600 000 euros, permettant de vivre des 4 % de rendement généré.

Une fois ce pactole collecté, les adeptes du mouvement « Fire » arrêtent de travailler et retrouvent alors du temps  beaucoup partent en voyage plusieurs mois de l’année ou s’offrent simplement le loisir de vivre à leur rythme. Ce qu’ils semblent le plus apprécier est toutefois la liberté retrouvée. Quelque uns continuent d’ailleurs de travailler, mais avec beaucoup moins de pression, et bien plus détendus vis à vis de leur patron.

Une vie à calculer

Mais cette liberté, comme tout, à un prix. Ces jeunes retraités frugalistes vivent dans un contrôle constant de leurs dépenses. Les uns ne sortent jamais sans leur gourde ou leur thermos pour ne pas avoir à acheter de boisson à l’extérieur. Les autres s’expatrient dans des pays plus pauvres, a minima quelques mois par an, comme la Thaïlande, le Portugal ou la Bulgarie.

Pour rester dans les clous de leur budget, ils se partagent des astuces et calculs. Comme multiplier par 173 leurs dépenses hebdomadaires – par exemple 10 euros de café – afin d’obtenir les économies réalisables en dix ans (si l’on accepte de renonce au plaisir du petit noir au comptoir). Enfin, tous passent un temps conséquent à gérer leurs biens immobiliers et leurs économies sur des tableaux Excel.
 
Des modes de vie qui, in fine, ne font pas toujours rêver. Si certains arrivent à développer des activités qui les épanouissent plus que leurs anciens jobs (vie associative, art, éducation des enfants…), beaucoup semblent très occupés, voire obnubilés par un seul objectif : atteindre puis maintenir cette fameuse indépendance financière.
 
Reste que ces témoignages donnent une intéressante leçon de frugalisme, incitant à réduire les dépenses superflues du quotidien pour se concentrer sur l’essentiel. À l’heure de l’intelligence artificielle, qui risque d’exclure des employés du marché du travail, l’ouvrage engage aussi une réflexion sur la vie sans emploi et le revenu universel. Et rappelle l’importance de donner du sens à son existence, d’établir des priorité. Sans forcément arrêter de travailler.

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