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Des chercheurs rendent les coraux plus résistants au réchauffement climatique

Le changement climatique menace les coraux et la biodiversité qu’ils abritent. Des chercheurs australiens ont peut-être trouvé comment les en protéger.

Le 22/05/2020 par Morgane Russeil-Salvan
Pour Bertrand Piccard, les énergies renouvelables peuvent aider à  sortir de la crise du coronavirus. (Crédit : Hervé Bonnot, à‰ditions de la Martinière)
Pour Bertrand Piccard, les énergies renouvelables peuvent aider à  sortir de la crise du coronavirus. (Crédit : Hervé Bonnot, à‰ditions de la Martinière)

Sous l’eau, le blanc est une couleur sinistre. Les biologistes marins le savent bien : Lorsque la Grande Barrière de corail se décolore, c’est que le réchauffement climatique lui a encore porté un coup. Les polypes – minuscules invertébrés dont le corail n’est que l’exosquelette – ne peuvent pas survivre dans des eaux trop chaudes.

Un degré de réchauffement est suffisant pour provoquer le blanchissement du corail, phénomène résultant de la disparition des micro-algues dont les polypes se nourrissent. Résultat, lors de l’été austral 2016, une vague de chaleur a détruit 30 % de cet ensemble corallien : les coraux avaient été emportés par la faim.

La catastrophe s’est répétée en 2017, puis en 2020. Et ce dernier épisode serait le plus grave de tous, selon les premières études : des observations aériennes, menées par l’Autorité du parc marin de la Grande Barrière de corail entre mars et avril, ont relevé le blanchissement de zones jusqu’alors épargnées.

Des températures record qui affament les coraux

Les efforts se multiplient pour tenter de lutter contre ce phénomène. Une équipe de chercheurs australiens a récemment présenté une étude aux résultats prometteurs  .

Les scientifiques, issus du CSIRO (Organisation fédérale pour la recherche scientifique et industrielle), de l’Institut australien des sciences marines et de l’Université de Melbourne, se sont penchés sur ces algues microscopiques dont les coraux dépendent : les zooxanthelles. Cultivées en environnement contrôlé, les algues ont été exposées quatre ans de suite à des températures croissantes. L’expérience a permis de produire dix nouvelles souches de zooxanthelles plus résistantes à la chaleur.

Ces algues ont par la suite été réintroduites auprès de jeunes coraux, le tout dans une eau à 31°C : sur les dix souches de zooxanthelles préparées, trois ont efficacement résisté à la chaleur, permettant à leurs coraux de survivre.

En effet, l’alimentation des polypes repose sur le plancton – très rare dans ces eaux chaudes – et sur la relation symbiotique qu’ils entretiennent avec la zooxanthelle. Installés dans des eaux transparentes et peu profondes, elles fournissent alors à leurs hôtes une source d’alimentation complémentaire sous la forme de sucres, grâce la la photosynthèse.

En cas de réchauffement excessif des eaux, le partenariat est rompu : les zooxanthelles meurent ou sont expulsées par leur corail. Les polypes sont alors condamnés à mourir de faim, à moins que les eaux ne retrouvent rapidement une température normale. Leur blanchissement est un signe de famine.

Le GIEC estime ainsi que 70 à 90 % des récifs tropicaux sont amenés à disparaître dans le cas d’une augmentation de la température mondiale maintenue sous la barre des + 1,5°C.

Des résultats encore insuffisants

Attention toutefois à ne pas faire reposer trop d’espoirs sur une expérience qui n’a pas encore quitté les murs de son laboratoire. Le professeur Terry Hughes dirige le Centre d’Études des Récifs Coralliens de l’Université James Cook, dans la région australienne du Queensland. En mars et avril, il a cartographié le blanchissement de la grande barrière et se montre particulièrement critique à l’égard de l’engouement suscité par l’expérience du CSIRO.
 

« Pour lutter contre le blanchissement de la Grande Barrière de corail, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est à la seule solution » déclarait-t-il samedi sur Twitter.

La veille, il reprochait aux journalistes de ne pas pas avoir lu l’article du CSIRO jusqu’au bout : l’expérience menée sur les zooxanthelles y est en effet présentée avec plusieurs réserves. Impossible à cette heure de savoir si ces nouvelles souches d’algues se montreront aussi résistantes une fois introduites dans la nature. Difficile également d’assurer leur diffusion à l’ensemble de la barrière de corail.

Patrick Buerger, membre du groupe de scientifiques à l’origine de l’expérience, insiste lui-même sur ce point : les recherches doivent encore se poursuivre.  » Nous devons tester cette nouvelle symbiose sur des coraux adultes et nous pencher sur de potentiels effets secondaires « , explique-t-il à We Demain.  » Si on veut que cette recherche puisse servir à des interventions futures, les travaux doivent commencer dès maintenant. »

 » Ces interventions doivent fonctionner main dans la main avec des actions de lutte contre le réchauffement climatique.  » – Patrick Buerger, chercheur au CSIRO (Organisation fédérale pour la recherche scientifique et industrielle)

Le CSIRO et ses partenaires multiplient les expériences pour tenter de sauver la Grande Barrière de corail. Outre leur travail sur les zooxanthelles, les scientifiques s’intéressent également au génome des coraux : favoriser la diversité génétique pourrait augmenter leur chances de survie.

64 000 emplois et plusieurs espèces marines risquent de disparaître avec la Grande Barrière de corail

Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, le récif de coraux australien est parfois surnommé « l’Amazonie des mers » en raison de son incroyable biodiversité.

Des chercheurs rendent les coraux plus résistants au réchauffement climatique

Il est aussi un atout non-négligeable pour l’économie australienne. En 2017, un rapport du cabinet de conseil Deloitte a estimé que les activités liées à la Grande Barrière généraient plus de 64 000 emplois. À titre de comparaison, les industries minière, pétrolière et gazière, défendues par le gouvernement australien, n’embaucheraient que 19 000 personnes. Le rapport Deloitte qualifie même la Grande Barrière de « too big to fail », un terme généralement employé pour désigner les banques dont le poids financier est tel que l’État a tout intérêt à leur éviter la faillite.

En surface, le gouvernement australien paraît convaincu par ces arguments économiques. L’exécutif a lancé en mai 2015 le Plan Récif 2050. Il prévoyait alors, avant 2025, d’investir 2 milliards de dollars dans la protection de la Grande Barrière. En 2016, Canberra estimait que 1.8 milliards de dollars avaient déjà été débloqués et en 2018, les chercheurs étaient appelés à proposer des solutions innovantes pour sauver le récif.

Mais en parallèle, le Premier Ministre Scott Morrisson donnait son feu vert à l’ouverture d’une nouvelle mine de charbon dans le nord-est de l’île, à proximité de la Grande Barrière de corail. Le « projet Carmichael », conduit par le groupe indien Adani, suscitait l’opposition des écologistes australiens depuis plus de dix ans. « Je ne céderai pas à une panique qui est motivée politiquement pour mettre en place des mesures qui seraient destructrices d’emploi et conduiraient à réduire la taille de l’économie australienne », déclarait-il à sa population le 23 décembre 2019, alors que des incendies ravageaient la forêt australienne.

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