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Général Philippe Pottier : « Comprendre la guerre pour mieux construire la paix »

Le général Philippe Pottier, directeur de l’École de Guerre, invite à une réflexion profonde sur la nature de la guerre et l’importance d’une approche réaliste pour préserver la paix à l’avenir.

Le 21/09/2024 par Florence Santrot
Général Philippe Pottier
Le Général Philippe Pottier en plein échange avec Eloi Choplin, animateur de l'événement "2050 we ar_ DEMAIN". Crédit : Florence Santrot.
Le Général Philippe Pottier en plein échange avec Eloi Choplin, animateur de l'événement "2050 we ar_ DEMAIN". Crédit : Florence Santrot.

Lors de sa conférence intitulée « Le futur de la paix », dans le cadre de l’événement « 2050 we are_ DEMAIN », le général Philippe Pottier, directeur de l’École de Guerre, a exposé les complexités croissantes du maintien de la paix dans un monde en perpétuel changement. Pour lui, la paix ne peut être comprise sans une véritable réflexion sur la guerre, son évolution et la manière dont elle se manifeste aujourd’hui.

Avec la guerre en Ukraine en toile de fond, il a rappelé que « la guerre peut désormais s’imposer à nous « . Conséquence : si l’Occident, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, était habituée à choisir ses conflits et à s’en extraire au moment de son choix, actuellement, les conflits sont à nos portes et nous obligent à réévaluer notre conception de la guerre. Et, de là, notre conception de la paix et de la sécurité.

La guerre, un phénomène intemporel

Lors de son intervention, le général Pottier a rappelé que la guerre n’est jamais simplement l’application d’un plan ou d’une stratégie figée. Citant Carl von Clausewitz, il a expliqué que « la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens », une dialectique, un débat, où chaque acteur tente d’imposer sa volonté par la violence. La guerre est donc vivante, imprévisible et évolue constamment en fonction des réponses de l’adversaire. « Une guerre ne se déroule jamais comme prévu, les objectifs politiques évoluent aussi en cours de route. » Surtout, la paix ne s’installe qu’à la condition que tous les protagonistes acceptent de dialoguer, qu’ils se mettent autour d’une guerre. La paix ne se décrète pas.

Ce besoin de dialogue renvoie à l’importance des institutions comme l’ONU. Même si l’Organisation des Nations Unies est imparfaite, elle demeure essentielle pour maintenir des canaux de communication ouverts. Notamment dans un monde où les conflits ne sont plus uniquement interétatiques. « Pour citer le conférencier Simon Sinek, il existe deux sortes de jeux : les jeux finis et les jeux infinis. Dans le premier cas, on connaît le terrain, les règles, les joueurs… À la fin, il y a un gagnant et un perdant, comme au tennis par exemple. Dans le second cas, il n’y a pas de règles définies, les participants peuvent varier en cours de route… Ici, le but n’est pas de gagner mais de continuer à jouer. Il faut savoir identifier dans quel jeu on est et s’adapter. »

De nouvelles formes de guerre… et de paix

Aujourd’hui, la guerre ne se limite plus au champ de bataille classique. Elle s’étend à tous les domaines de la société : cyberattaques, manipulations d’informations, affrontements économiques ou juridiques, l’espace, l’environnement sous-marin… Pour le général Pottier : « L’époque du triptyque « paix-crise-guerre » est révolue. Désormais, le cadre de l’affrontement se joue à travers la compétition, la contestation et l’affrontement, avec des moyens qui dépassent largement les capacités militaires conventionnelles. »

Il a évoqué l’idée que nous sommes déjà dans un état de conflictualité constant, même en temps de paix, notamment dans les cyberespaces et d’autres sphères invisibles du conflit moderne. « La guerre s’étend à tous les champs et en dessous du seuil d’affrontement armé. Gagner la guerre avant la guerre, c’est ce qui se passe dans cette lutte sous le seuil », a-t-il précisé. Le militaire, selon lui, ne peut plus être limité à sa seule expertise martiale ; il doit s’ouvrir à d’autres domaines comme la science ou les technologies émergentes, telles que l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique.

Se préparer à l’inconnu, en temps de guerre et de paix

Un des messages forts du général Pottier est l’importance de se préparer à l’incertitude. Comment former les futurs dirigeants militaires dans un monde en constante évolution ? Selon lui, cela passe par un retour aux classiques et à l’histoire. « La nature de la guerre est intimement liée à la nature humaine, qui n’a pas changé depuis des millénaires », a-t-il affirmé. En se basant sur des réflexions passées, sur des auteurs comme Thucydide, Sun Tzu, Clausewitz…, nous pouvons comprendre et anticiper certains phénomènes actuels.

Cependant, il est aussi nécessaire d’être créatif et d’accepter que nous serons confrontés à des situations inconnues. « Il faut se préparer à être surpris, à inventer, à changer. » Ce mélange de réalisme et d’ouverture est fondamental pour s’adapter à un monde où la guerre prend des formes inédites. Ainsi, l’esprit ouvert, capable d’envisager des perspectives différentes, devient un atout majeur pour les futurs dirigeants militaires. Mais aussi pour toutes et tous.

La résilience et la détermination, clés de la paix

Enfin, le général Pottier a aussi souligné l’importance de la résilience et de la détermination face aux défis futurs. « Si nous sommes déterminés, chacun d’entre nous, à défendre nos valeurs, cela aura un effet dissuasif face aux attaques futures, quelles que soient leurs formes », a-t-il déclaré, insistant sur l’importance du rôle des citoyens dans la défense de la paix. Citant l’exemple de la Suède, qui vient d’entrer dans l’OTAN et a mis en place un système de défense citoyenne en prévision d’une éventuelle invasion de la Russie, il montre que la mobilisation des citoyens peut être un rempart puissant contre l’agression.

Philippe Pottier reste optimiste quant à l’avenir, croyant fermement en la jeunesse et en la capacité des citoyens à répondre aux défis mondiaux. « Les Jeux Olympiques qui viennent de se terminer me donnent de l’espoir. Ils nous prouvent que, si on retrouve une cohésion nationale, on peut faire de grandes choses. Je crois en notre nation, notre jeunesse, nos citoyens. » Son discours se veut à la fois réaliste et porteur d’espoir, convaincu que, malgré la complexité croissante des conflits, il est possible de construire un futur de paix si nous restons ouverts, déterminés et prêts à affronter l’inconnu.

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