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RSE : un label pour respecter les limites planétaires

Plus de 35 000 visiteurs attendus, 400 intervenants, des centaines d’exposants et de pitchs, de multiples personnalités… C’est parti pour ChangeNow 2023. Du 25 au 27 mai. Il mettra Paris, et le Grand Palais Ephémère en particulier, au rythme “des idées et solutions pour répondre aux grandes urgences concernant le climat, les ressources, la biodiversité et l’inclusion“.

Au centre de cette première journée : les entreprises, leurs politiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et les limites planétaires, avec notamment Sandrine Dixson-Declève, co-présidente du Club de Rome, Aiman Ezzat, PDG de Capgemini, ou encore Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles de Kering.  Avec un impératif: “la nécessité pour les entreprises de placer la barre plus haut, en mettant en œuvre des stratégies de transformation basées sur des connaissances scientifiques et en s’orientant vers une approche holistique qui englobe les limites planétaires“.

Ingénieur agronome, docteur en biologie et docteur en finances, expert du développement durable, de la mesure d’impact et des low-tech, dirigeant plusieurs sociétés engagées dans la RSE, dont l’Agence de labellisation LUCIE, Alan Fustec a trouvé une solution: un nouveauqu’il partage à ChangeNow. Baptisé LUCIE Positive, cepermet de guider chaque société vers le respect des limites planétaires. Mais il peut également conduire une entreprise à revoir jusqu’à sa propre activité… Interview.

We Demain: L’Agence LUCIE est fer de lance de la RSE. Comment s’y prend-elle ?

Alan Fustec. Crédit : DR.

Alan Fustec : Nous délivrons des labels ayant trait à la RSE, à l’impact social et environnemental. Une série de labels forme la colonne vertébrale de l’agence. Par exemple LUCIE Progress destinée aux entreprises qui décident de s’engager dans la RSE, et LUCIE 26000 qui répond à l’exigeante norme internationale ISO 26000 relative à cette responsabilité sociétale. Dans notre démarche, les entreprises sont évaluées par des experts indépendants et ont un plan de progression à effectuer pour conserver leur label. Nous avons fondé l’agence LUCIE en 2009. Aujourd’hui, nous avons plus de 1300 membres, beaucoup d’entreprises mais aussi des associations, des collectivités locales.

Vous estimez qu’en fait seulement 1 à 3 % des entreprises françaises possèdent une démarche RSE « réelle et sérieuse ». Pourquoi ?

Une entreprise qui a une démarche réelle et sérieuse, c’est une entreprise qui met en œuvre la RSE dans sa globalité. Elle l’intègre dans sa stratégie et fait en sorte que ses actionnaires s’y engagent. Ça, c’est pour la gouvernance. Elle doit par ailleurs multiplier ses actions dans les chapitres du respect des droits de la personne, de la politique sociale, de la protection environnementale, de l’éthique des affaires (achats responsables par exemple), du respect du client, et également de sa relation avec son territoire. Il est également nécessaire qu’elle soit auditée par un expert indépendant qui va discuter avec les dirigeants, mais aussi avec les clients, les fournisseurs, les salariés… Avec toutes les parties prenantes.

Cette proportion de 1 à 3 % rassemble en fait les entreprises qui sont labellisées par LUCIE, mais aussi celles qui relèvent de l’Afnor, B Corp, Impact France, ou encore de la Convention des entreprises pour le climat. On y ajoute également les « sociétés à mission » définies par la loi Pacte de 2019 ainsi que les sociétés qui possèdent la triple certification « Qualité, Environnement et Santé/Sécurité au travail ». Au final, c’est donc très peu.

Mais, paradoxe, une étude de l’OCDE dressant un panorama des pays dont les entreprises sont engagées dans la RSE, a placé la France en 3ème position. Ce qui fait réfléchir… La réalité, c’est que la plupart des entreprises ne savent pas définir clairement la RSE. Néanmoins, Il y a un actuellement un vrai mouvement en termes de responsabilité sociétale des entreprises, une accélération depuis deux ans que l’on n’a jamais connu en 20 ans d’activité.

Pour aller encore plus loin, vous avez lancé fin 2022 le label LUCIE Positive. Il s’adresse aux entreprises qui veulent respecter les limites de la planète. Comment fonctionne-t-il ?

Il y a sept – huit ans, j’ai pris conscience que si je prenais toutes les entreprises de cette petite portion de 1 à 3 % rassemblant donc les meilleures politiques RSE, j’arrivais quand même à une empreinte écologique de 2 à 2,5 planètes contre 3 planètes de manière générale en France. Elles ont donc fait un progrès de l’ordre de 20 %. Mais c’est tout à fait insuffisant. On n’a qu’une planète. Il faut arriver – 80 %. C’est pourquoi, nous nous sommes engagés dans la mise en place de ce nouveau label qui impose une triple comptabilité économique, sociale, environnementale.

En effet, aujourd’hui, nous sommes capables d’évaluer l’impact environnemental des entreprises. Nous avons adapté les calculs du Stockolm Resilience Centre à la France, ventilé par secteur économique, et déterminé des quotas (CO2, eau, artificialisation des sols, consommation de matières premières…) pour n’importe quelle entreprise. Après 18 mois de recherche et développement, nous avons donc lancé ceLUCIE Positive. Les entreprises y ont l’objectif de rentrer dans les limites planétaires, à l’échelle de 10 ans, et en progressant tous les ans. De la sorte on définit clairement ce qu’est « l’impact positif » d’une entreprise. Car une entreprise ne peut pas se déclarer honnêtement « à impact positif » si elle ne fait que réduire des impacts qui, globalement, restent quand même négatifs…

Des organisations ont-elles déjà pu s’engager dans cette démarche LUCIE Positive ?

Beaucoup d’entreprises se montrent intéressées. Mais quand elles font la différence entre leur consommation de ressources et leur quota, elles prennent conscience du travail à faire… Et beaucoup reculent. Nous avons 4 – 5 entreprises qui se sont à ce jour engagées. Aucune n’est encore labellisée. Leur travail, c’est de préparer un plan d’activité pour rentrer dans ces limites planétaires. Viser un tel objectif nécessite des investissements très lourds, éventuellement une révision du modèle économique, une réinvention de l’activité… Pour y parvenir, il faut je crois, de manière générale, éviter la sophistication permanente qui consomme de la ressource, développer l’innovation frugale, la démarche low-tech, et utiliser les technologies juste quand c’est indispensable. Cela demande une transformation très importante. Tout le monde n’est pas encore prêt.

Finalement, pour respecter les limites planétaires, les entreprises doivent-elles rompre avec leur principal moteur : une croissance perpétuelle ?

Oui. Mais moi je suis pour la croissance dans le respect des limites planétaires. Je m’explique. La croissance actuelle du PIB va se traduire à un moment donné par de la décroissance, c’est certain, et sans doute même dans la douleur. Mais à l’arrivée on peut faire de la croissance en ne gaspillant rien. Posons une opération: mettons en numérateur la valeur sociale et en dénominateur le capital naturel employé (qui ne doit pas dépasser le quota attribué). Pour que la valeur sociale puisse croître, il faudra avant tout de l’intelligence, de la créativité: faire beaucoup, de plus en plus, avec peu.  Mais cette valeur sociale ne sera valable que si elle est justement répartie comme elle n’est acceptable que si elle respecte le capital naturel dans les limites planétaires.

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