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Sols vivants : l’agroforesterie aux racines de l’agriculture

L’agroforesterie, technique millénaire, fait l’actualité agricole. Cette pratique, qui associe les arbres aux cultures et aux pâturages, se révèle être une bonne réponse aux enjeux actuels : restauration des sols, adaptation au changement climatique, amélioration de la biodiversité. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies (FAO) estime à 43 % la part de l’agroforesterie sur les terres agricoles du monde. Mais elle ne représente que 8,8 % de la surface agricole utile en Europe. En France, l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) avance le chiffre de 5,6 %, avec une tendance haussière.

L’un des principaux atouts de l’agroforesterie est sa capacité à renforcer la santé des sols. En s’enfonçant profondément dans la terre, les racines des arbres améliorent la structure du sol et, quand elles atteignent la roche-mère, la fracturent et la dissolvent pour y puiser des minéraux qu’elles remontent en surface. Le système racinaire des arbres vit en symbiose avec des champignons, des bactéries, une microflore qui retient et fait circuler l’eau et les nutriments nécessaires à la croissance des plantes. Plus aéré, fertilisé par la décomposition des feuilles mortes, le sol augmente sa matière organique ce qui favorise l’infiltration et la rétention d’eau. Un atout dans les zones soumises à la sécheresse. Les arbres réduisent aussi le ruissellement, source d’inondations, et entravent l’érosion.

L’agroforesterie recrée des sols vivants

Un sujet d’importance en France, en regard des 25 % de terres agricoles qui en souffrent et qui, à terme, mettent en péril la productivité agricole et la sécurité alimentaire. Dernier avantage, les arbres agissent comme des puits de carbone, captant le CO2 de l’atmosphère et le stockant dans la biomasse et le sol. Mathilde Boisseau, directrice vigne et vin de la Maison Hennessy et membre du conseil consultatif interne du World Living Soils Forum, rappelle que l’agroforesterie “recrée des paysages vivants”, où la biodiversité reprend ses droits. Les sols produisent des cultures de meilleure qualité, riches en nutriments.

Les rendements sont stables (ou en hausse) et présentent une plus grande résilience face aux aléas climatiques. Cette approche bénéficie aussi aux agriculteurs : les arbres plantés peuvent produire des fruits ou du bois d’œuvre, apportant ainsi une source de revenus complémentaires.

Agroforesterie : des pratiques qui portent leurs fruits

En 2016, Paula Curiacos Urtado et son mari ont introduit l’agroforesterie sur leur plantation de café de 54 hectares au Brésil. Les arbres indigènes intercalés entre les caféiers brisent le vent et limitent les maladies. Ils utilisent aussi cinq à six cultures de couverture aux avantages variés : fixation de l’azote, remontée du potassium, attirance d’insectes prédateurs des ravageurs. “Huit ans plus tard, nous constatons une hausse de la biodiversité et de l’eau disponible, explique-t-elle. Nos coûts de production étaient 20 % plus élevés qu’en agriculture classique mais c’est aujourd’hui lissé. Surtout, nos champs sont plus résilients et produisent plus que la moyenne.”

Sous nos cieux, l’adoption de l’agroforesterie à grande échelle se heurte aux habitudes, au débat agroforesterie bio ou pas. Face à cette petite musique qui distille que “toutes les agricultures ont leur place”, il est temps de s’interroger sur la place de celle qui s’applique à détruire la vie du sol, et au final la santé humaine. L’instauration d’un cadre réglementaire qui encouragerait les pratiques vertueuses, telle l’agroforesterie, fait tourner les yeux vers Bruxelles. Le projet européen de Directive sur la surveillance des sols, pour recouvrer des sols en bonne santé d’ici à 2050, pourrait voir associés soutiens agricoles et santé des sols. C’est un des sujets sur leur table de travail.

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