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Clarisse Crémer (Vendée Globe) : “Innover tout en respectant l’environnement, c’est possible mais il faut de la créativité et du temps”

Clarisse Crémer a marqué l’histoire de la course au large en terminant 12e, et première femme, lors de sa première participation au Vendée Globe en 2020. Cette athlète déterminée – et maman depuis fin 2022 – a dû faire face à plusieurs défis personnels et professionnels, notamment la recherche d’un nouveau sponsor après la naissance de son enfant. C’est finalement avec L’Occitane qu’elle se lance à nouveau dans l’aventure pour l’édition 2024 du Vendée Globe. Un nouveau partenariat qui met en avant des engagements environnementaux forts.

Le Vendée Globe 2024 s’inscrit lui aussi dans une dynamique de transformation, notamment avec la mise en place de dix engagements environnementaux. Ceux-ci visent à réduire l’empreinte carbone de l’événement et à encourager des pratiques plus durables, tant pour les skippers que pour l’organisation. En amont du départ de la course, prévue le 10 novembre des Sables-d’Olonnes en Vendée, WE DEMAIN a pu échanger avec Clarisse Crémer sur sa vision de l’écologie dans son métier, la maternité et les défis d’une compétition internationale.

WE DEMAIN : Vous êtes à quelques semaines du départ du Vendée Globe 2024, comment se déroule la préparation de votre bateau et comment gérez-vous l’aspect écologique ?

Clarisse Crémer : Je ne veux pas me vanter d’une démarche écologique alors que pas mal de choses se sont faites par la force des choses. Mon projet a été monté assez rapidement, donc, par définition, nous n’avons pas eu le temps de développer de nouvelles technologies très gourmandes en ressources. Cela nous permet de rester dans un projet relativement responsable, mais je ne vais pas m’attribuer des lauriers écologiques pour autant.

Nous avons des panneaux photovoltaïques et des hydrogénérateurs à bord, et j’emporte du gasoil uniquement pour des raisons de sécurité, au cas où mes autres sources d’énergie défaillent. Cela reste toutefois très symbolique, car la quantité de carburant que j’embarque, 250 litres, est faible. Un Zodiac qui suivra nos bateaux le jour du départ en dépensera autant en une seule journée. La vraie problématique écologique se situe ailleurs, notamment dans les transports et la foule qui se déplace pour venir assister au départ.

La skipper Camille Crémer à l’intérieur du cockpit, en pleine manœuvre sur une voile avec son winch. Crédit : Karen Rigden Murphy / L’Occitane.

L’organisation du Vendée Globe a commencé à inciter à prendre les transports collectifs, avec davantage de trains allant jusqu’aux Sables-d’Olonnes…

C’est un sujet philosophique, au fond. Comment concilier le divertissement de masse avec une approche de sobriété ? L’engagement du Vendée Globe et des acteurs locaux est crucial. Il est certain que rendre les billets de train plus accessibles et augmenter la fréquence des trains pour inciter les gens à choisir des modes de transport plus responsables est une nécessité. Sur un plan individuel, c’est parfois compliqué, mais à un niveau collectif, des solutions sont possibles. Après, je pense qu’il est difficile de dire à une famille habitant Nantes de ne pas venir en voiture aux Sables pour assister au départ ou voir les bateaux en amont…

En parlant d’engagement collectif, participez-vous au programme scientifique de collecte de données avec l’Unesco ?

Je ne sais pas si je fais directement partie de ce programme scientifique mais j’ai été missionnée pour déposer une bouée Météo France en Atlantique Sud. Ils vont me confier une bouée et me donner une zone dans laquelle je devrais la larguer lors de mon passage afin de récolter des données. C’est assez gratifiant de pouvoir participer à ce genre d’initiatives. J’aimerais pouvoir en faire plus, mais la préparation de cette édition a été intense, à la fois sur le plan personnel et professionnel.

La construction des bateaux de course en carbone a un impact environnemental non négligeable. Pensez-vous qu’il serait envisageable de privilégier la réutilisation des bateaux existants pour réduire l’empreinte carbone de la compétition ?

C’est une question essentielle, et c’est un véritable paradoxe dans notre sport, très proche de la nature par définition. Il est certain que, plus on cherche la performance, plus on est amené à innover avec de nouveaux bateaux, souvent très gourmands en carbone. L’idée de réutiliser des bateaux existants ou de ralentir le rythme des innovations est quelque chose que je trouve très pertinent.

Cela ferait sens d’imaginer des règles où l’on favoriserait les bateaux plus anciens ou les constructions moins impactantes. D’ailleurs, au sein de la classe IMOCA, des réflexions sont en cours pour intégrer des critères environnementaux, comme des plafonds d’émissions de CO2 pour la construction des bateaux à partir de 2028. Mais on est encore loin d’un consensus. Nous sommes dans un sport où l’innovation est clé. Donc faire coexister l’innovation technologique avec la sobriété écologique est un défi de taille.

La skipper en mer sur son bateau IMOCA L’Occitane. Crédit : Karen Rigden Murphy / L’Occitane.

Face aux enjeux écologiques, certains estiment qu’il faudrait limiter, voire arrêter les grandes compétitions qui peuvent avoir un impact environnemental significatif…

Je pense qu’il est essentiel de réinventer le récit autour de ces événements, mais sans les arrêter purement et simplement. Ces courses ont une vraie valeur, elles créent du lien, elles inspirent et fédèrent. Mais il est évident qu’il faut repenser notre manière de faire, innover différemment et intégrer l’écologie de manière plus profonde dans nos pratiques. Nous avons déjà commencé à limiter certaines choses, comme le nombre de voiles ou les déplacements entre les courses. Mais ce sont des ajustements marginaux, il faut aller plus loin. Il est possible de concilier performance sportive et respect de l’environnement, mais cela demande de la créativité et du temps.

Pour ce Vendée Globe 2024, vous participez avec comme soutien principal l’entreprise de cosmétiques L’Occitane, un sponsor engagé pour l’environnement et labellisé B Corp. Comment cette collaboration s’est-elle mise en place ?

J’avais déjà échangé avec eux par le passé, et après le coup dur de la perte de mon précédent sponsor, j’ai naturellement repris contact. Ils m’ont soutenue très rapidement, et ce fut un réel réconfort. C’est à cette occasion que j’ai découvert leur vision écologique, très inspirante et qui me correspond bien. Ils sont engagés sans prétendre être parfaits, mais ils font de leur mieux. Par exemple ils accompagnent les agriculteurs avec qui ils travaillent dans leur transition en agroécologie. Ils ont créé avec eux une association Agroécologie et Commerce Equitable afin de les soutenir. 

Vous emportez certains de leurs produits pendant la course ?

Oui. J’utilise leurs shampoings solides, des savons de Marseille et des crèmes riches en karité pour les mains notamment. Ce sont des produits simples mais efficaces, parfaits pour les conditions en mer.

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