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Faut-il donner des droits aux arbres ?

Après les animaux, les arbres vont-ils obtenir un statut juridique ? C’est ce que demande l’association A.R.B.R.E.S, qui a proclamé le vendredi 5 avril une déclaration des droits des arbres à l’Assemblée nationale.

Le 24/04/2019 par Pauline Vallée
Crédit : Shutterstock
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Si le best-seller « La vie secrète des arbres » a fasciné les Français, sont-ils prêts pour autant à leur reconnaître des droits ? L’association française A.R.B.R.E.S (Arbres Remarquables: Bilan, Recherche, Études et Sauvegarde) en a fait son combat. Lors d’un colloque organisé le 5 avril dernier à l’Assemblée nationale, elle a proclamé une « déclaration des droits des arbres ».

« L’arbre joue un rôle fondamental dans l’équilibre écologique de la planète », affirme l’article premier. « L’arbre, être vivant sensible aux modifications de son environnement ne peut être réduit à un simple objet », poursuit le deuxième des cinq articles. « Les modalités d’exploitation des arbres forestiers ou ruraux doivent (…) tenir compte du cycle de vie des arbres, des capacités de renouvellement naturel, des équilibres écologiques et de la biodiversité », dispose le dernier article.

« On reçoit sans cesse des appels au secours sur des arbres coupés. Ils méritent pourtant le respect des hommes, et d’être traités comme des êtres vivants tout au long de leur croissance« , s’alarme le naturaliste Georges Feterman président de l’association et auteur de Rendez-vous avec les arbres (Éditions Belles Balades, 2018).

La députée Delphine Batho, ex-Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a proposé de porter ces revendications sur le terrain politique. Un projet de loi devrait en effet être rédigé et proposé à l’Assemblée pour inscrire cette déclaration dans le Code civil.

Car à ce jour, le droit français ne reconnaît aucun statut aux arbres, alors que les animaux sont considérés depuis février 2015 comme des “êtres vivants doués de sensibilité”. Maître Valentine Tessier, avocate spécialisée en droit de l’environnement le rappelle : « ​Selon l’article 518 du Code Civil, l’arbre est considéré comme un immeuble. Il est présumé appartenir au propriétaire du sol sur lequel il est implanté.

Contrer pollueurs et promoteurs immobilier

Les arbres doivent-ils être considérés comme des individus à part entière ? La question n’est pas tout à fait nouvelle. En 1972, la justice américaine doit décider de l’avenir d’une forêt de séquoias anciens, menacés par le projet de construction d’une station de ski.

Le professeur de droit Christopher Stone publie alors l’article “Should Trees Have Standing ? Toward Legal Rights for Natural Objects” dans la revue South California Law Review, interrogeant la possibilité de donner des droits aux “forêts, océans, rivières et tout autre ‘objet naturel’”.

À lire aussi : « Dans ces pays, la nature a les mêmes droits que les hommes »

Dans une telle situation, expliquait Christopher Stone, donner des droits aux arbres permettrait de contrer les pollueurs et promoteurs immobiliers, et de préserver la nature.

Des cas où les arbres sont déjà protégés

En France, les arbres peuvent déjà être préservés dans certaines situations : “Le classement d’un site peut permettre la protection des arbres qui y sont plantés”, souligne Maître Valentine Tessier. Il en va ainsi pour les arbres d’une Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, des Parcs naturels régionaux, ou des sites Natura 2 000 par exemple. 

Il existe aussi un statut de « monument naturel » pour les arbres à caractère exceptionnel (ancienneté, taille, intérêt historique…) dans le droit français : il peut être donné par décret en Conseil d’État, sur initiative ou après avis de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages. C’est par exemple le cas du l’arbre du village de Claville-Motteville, en Normandie, qui réunit deux hêtres et un frêne en un seul tronc.

Autre moyen pour protéger un arbre dit exceptionnel : l’inscrire en tant qu’Espace Boisé Classé (EBC) dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Il ne pourra plus être coupé ou abattu sans autorisation.

Mais, dans les faits, cette protection ne concerne que très peu de spécimens. L’association A.R.B.R.E.S souhaite donc l’élargir. Elle décerne de son côté le  label « arbre remarquable » depuis 2000 pour sensibiliser la population à la sauvegarde de la nature (consultez ici leur carte interactive, qui recense plus de 500 arbres). 

L’article 4 de sa déclaration souligne l’importance de ces spécimens remarquables. « En devenant patrimoine bio-culturel commun, ils accèdent à un statut supérieur engageant l’homme à les protéger comme monuments naturels ».

Changer les règles de voisinage ?

Une reconnaissance de droits aux arbres qui pourrait toutefois causer quelques conflits de voisinage… À titre d’exemple, le droit français oblige un particulier à couper les branches d’un arbre planté chez lui si elles dépassent sur une propriété voisine. De beaux spécimens se retrouvent ainsi déséquilibrés, voire durablement affaiblis, par des tailles réalisées au mépris de leur intérêt biologique. 

Les Français seraient-ils prêts à considérer les arbres comme des sujets de droit et à voir soudain leur jardin ombragé par un arbre indésiré ? « Il faut reconnaître que ce n’est pas simple de changer la législation », avoue lui-même George Feterman.« Si vous plantez un arbre à côté d’un immeuble, il y a tout à parier que les habitants du 3e et 4e étages en seront très contents, mais que ceux vivant au rez-de-chaussée voudront le couper pour obtenir plus de lumière… Tout amoureux des arbres qu’ils soient.

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