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Manipulations génétiques : les scientifiques vont-ils trop loin ?

Retrouver l’intégralité de l’article « Manipulations génétiques : les scientifiques vont-ils trop loin ? » dans la revue We Demain n°26 , disponible en kiosque le 23 mai et sur notre boutique en ligne.
La communauté scientifique est en ébullition. Partout, des chercheurs font des découvertes révolutionnaires dans le domaine génétique.

Alors que de nouvelles thérapies voient le jour, que de nouveaux médicaments et outils sont testés en laboratoire pour reprogrammer nos cellules, des questions d’ordre éthique divisent les chercheurs.

Voici trois exemples de manipulations génétiques qui font débat, issus d’un dossier à retrouver dans la revue We Demain n°26.

Créer l’enfant parfait

En modifiant le génome de jumelles, Lulu et Nana, le chercheur chinois He Jiankui a suscité l’indignation de la communauté scientifique. Sans aucune connaissance des risques sur leur santé, il a utilisé l’outil Crispr-Cas9 pour désactiver un gène, le CCR5, afin de leur conférer une résistance au sida, dont leur père est porteur.

Un article du magazine MIT review publié en février suggère que cette modification pourrait même avoir dopé leurs fonctions cognitives. Il s’appuie sur les travaux de chercheurs californiens qui étudient le rôle de ce gène sur le cerveau et la mémoire. Aucun scientifique ne peut étayer cette hypothèse.

Les performances intellectuelles sont-elles corrélées à nos gènes ? Une étude sur près de 270 000 personnes, publiée par Nature genetics, identifie des liens génétiques et fonctionnels avec l’intelligence. Elle conclut : « L’intelligence est hautement héréditaire et constitue un déterminant majeur de la santé et du bien-être humains. »

Le psychologue et généticien américain Robert Plomin imagine qu’il sera un jour possible de prédire les aptitudes d’un enfant via l’étude de ses gènes. Les parents devront-ils alors acheter des tests ADN de QI avant de faire des choix de scolarisation pour leur progéniture.

Restaurer les souvenirs

Des neurobiologistes sont parvenus à transférer la mémoire d’un escargot de mer à un autre ! L’expérience a été menée en 2018 à l’université de Californie de Los Angeles par le professeur David Glanzman.

Un groupe de gastéropodes (des Aplysia californica choisis pour leur système nerveux simple, doté de 20 000 neurones. L’humain en possède 100 milliards) a reçu de légers chocs électriques provoquant un réflexe de défense : la contraction de leur siphon et de leurs branchies.

L’opération, plusieurs fois répétée, a appris aux gastéropodes à garder leur posture de protection pendant 50 secondes. Puis les chercheurs ont extrait l’ARN du système nerveux de ces escargots électrostimulés.

L’un des rôles de l’ARN est de servir de messager à l’intérieur des cellules. Cette matière a été injectée dans une cohorte d’escargots marins non entraînés. Ces derniers ont à leur tour développé la réaction de contraction pendant une quarantaine de secondes !

Réécrire le génome

On le croirait sorti du blockbuster Jurassic Park, dans lequel un homme d’affaires à barbe blanche redonne vie à des dinosaures.
George Church, lui, parle de repeupler la toundra avec des mammouths laineux en inséminant des embryons OGM dans des éléphants d’Asie.

Ce très médiatique généticien a aussi évoqué la possibilité de ressusciter Néandertal et toute espèce animale disparue dont les séquences du génome ont pu être reconstruites et stockées dans des bases de données. Nous n’en somme pas là.

Mais ce professeur à la Harvard medical school et au MIT, vise déjà une nouvelle lune: avec le Human Genome Project-Write il ambitionne d’éditer un génome humain entièrement synthétique. Il s’agit en clair de réécrire tous les gènes qui codent le corps humain, pour en faire des outils de recherche, et les modifier pour créer des super-cellules résistantes aux virus et aux cancers, mais aussi des protéines thérapeutiques, des vaccins et des organes transplantables.

Un projet dont l’intérêt scientifique est contesté et qui soulève de nombreuses questions éthiques. « Nous ne chercherons pas à faire une armée de clones ou à créer une nouvelle ère d’eugénisme », a assuré l’équipe.

Un partenariat a été conclu entre les chercheurs en biologie de synthèse du Wyss Institute américain et la société française biopharmaceutique Cellectis, spécialisée dans le développement d’immunothérapies contre le cancer (voir ci-dessus). Le consortium associe Harvard et le MIT, ainsi que de nombreux autres partenaires publics et privés internationaux. L’aboutissement est prévu d’ici à dix ans et pourrait nécessiter près de 3 milliards dollars.

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