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Normandie : garder le cap de l’adaptation climatique

Succédant à la création du Giec normand en 2019 et à la pédagogie de ses résultats auprès de la population de 2021 à 2022, la Région Normandie lance une démarche “Climat et biodiversité” destinée à passer les politiques régionales au crible des fondamentaux climatiques.

Le 05/02/2025 par Gilles Luneau
normandie étretat
Les falaises d'Étretat au printemps. Crédit : Lina Taravella / stock.adobe.com
Les falaises d'Étretat au printemps. Crédit : Lina Taravella / stock.adobe.com

Sortir le carnet de chèques pour payer les dégâts ou pour subventionner des solutions techniques s’empilant sur les précédentes ne suffit plus à enrayer le dérèglement systémique planétaire. Il faut adopter un nouveau mode de pensée qui passe toute action humaine – individuelle, entrepreneuriale, institutionnelle – au filtre scientifique des équilibres environnementaux de la Terre. Systémique, dans le cas du climat et de la biodiversité, cela veut dire que leur équilibre, leur dynamique découlent de multiples facteurs eux-mêmes liés à de multiples interactions. La logique consistant à réparer un facteur sans s’occuper des autres est sans effet sur la dérive générale du système.

Nous ne sommes pas dans le cas d’une réparation qui résoudrait tout. Nous avons définitivement changé le visage de la Terre et nous devons nous insérer dans une “dynamique d’adaptation” qui, par essence, ne peut pas se satisfaire de solution(s) définitive(s) vu que le changement va durer longtemps et ne se stabilisera qu’à l’établissement d’un nouvel équilibre. Nous savons scientifiquement ce qu’il ne faut plus faire, nous connais- sons l’objectif – garder une planète vivable pour les humains – mais nous découvrons au fil de nos pas les chemins pour y parvenir.

TRANSFORMER EN PROFONDEUR LES POLITIQUES RÉGIONALES POUR ÉTABLIR UN NOUVEL ÉQUILIBRE

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Former pour transformer : un plan régional au service du climat et de la biodiversité

Dans le cadre de sa démarche “Climat et biodiversité”, la Région Normandie forme ses agents à cette nouvelle pensée du monde. Une transformation en pro- fondeur des politiques régionales, avec un plan de formation pour monter en compétences ses 5 000 agents afin “d’intégrer les critères environnementaux dans les prises de décision“, souligne Frédéric Ollivier, directeur général des services.

Concrètement, cela passe par “la création d’un centre de ressources interne, la désignation d’un référent climat-biodiversité dans chaque direction et autant que de besoin, le soutien de chaque chantier régional par la direction énergie-environnement-développement durable“, précise sa directrice, Sandrine Mésirard. Le but : “Accompagner les agents régionaux dans leur mobilisation des Normandes et des Normands pour mieux engager les actions d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux nouvelles conditions de vie.” Pour garder le cap.

Une pensée de l’oasis

Au classement des régions françaises les plus menacées par le dérèglement climatique à l’horizon 2050, la Normandie tient la huitième place. Une position médiane, qui mérite cependant de se mobiliser pour anticiper les dégâts et faire de cette région une oasis dans le maelstrom climatique des années à venir.

Se mettre à l’ombre et chercher la fraîcheur, c’est le premier réflexe quand il fait trop chaud. En ville, trop souvent nos appartements fournissent la première sans la deuxième et les espaces publics n’offrent pas plus de refuge. La faute aux matériaux de construction (pierre, béton, brique, parpaing…) qui emmagasinent la chaleur, à la disparition des arbres de bordure, à la mode des trottoirs goudronnés, des parking macadamisés, à l’éloignement des parcs et jardins. Quand le thermomètre passe la barre des 30 °C, certains quartiers émettent 5 à 10 °C de plus. L’enjeu d’adaptation est de rafraîchir ces îlots de chaleur urbaine (ICU) et de faire de la ville une oasis en y multipliant les îlots de fraîcheur.

Îlots de chaleur

Les disparités géographiques normandes jouent sur la température moyenne de l’air. Le littoral est moins rapidement et moins intensément touché par le réchauffement que l’intérieur des terres. En continuant sur la trajectoire actuelle, la température moyenne annuelle de l’air à la fin du siècle pourrait s’élever de 4 °C dans la partie la plus continentale de la Région (Perche, Plaine de Saint-André, Vexin normand), contre 2 à 3 °C dans les secteurs les plus océanisés (Cotentin, Coutançais, Avranchin). On pourrait flirter avec une moyenne annuelle de 50 jours de chaleur (tp > 25 °C) à l’horizon 2100, contre 15 jours actuellement, avec des pics de 41 °C à Cherbourg, 49 °C à Évreux…

Sans plan d’atténuation de la minéralité, certains quartiers de Caen, Rouen, Évreux, ou encore d’Alençon, deviendront invivables, avec un risque vital pour les personnes les plus fragiles, notamment lors de nuits “tropicales” qui empêchent une bonne récupération physiologique. Depuis deux ans, Olivier Cantat, du laboratoire universitaire IDEES (université de Caen) a mis en place un réseau de mesures dans des villes de tailles différentes (Caen, Colomby-Anguerny, Bayeux et Rouen), de manière à établir une connaissance précise des îlots de chaleur (intensité, durée, extension spatiale) en fonction de la météo et des spécificités géographiques de chaque site.

Îlots de fraîcheur

L’analyse scientifique des îlots de chaleur urbaine permet d’ajuster les solutions à la réalité. Elles s’appliquent à plusieurs échelles : l’appartement, le bâtiment, le bloc d’immeubles, le quartier, la ville, ce qui complique parfois les décisions. Les leviers d’action touchent aux bâtiments (forme, enveloppe, fonctionnement, performances thermiques), aux espaces publics (forme, composition, géométrie, arbres d’alignement et nature de l’espace végétalisé) et à l’organisation urbaine (densités, agencement, forme). La végétalisation des places, des esplanades, des toits et terrasses s’impose comme une évidence car elle favorise la diminution des températures grâce à l’évapotranspiration (processus de transfert de l’eau terrestre vers l’atmosphère par l’évaporation au niveau du sol et par la transpiration des végétaux à travers leurs feuilles).

Citons aussi la canalisation de l’air frais des caves pour rafraîchir logements et parties communes ; la ventilation nocturne naturelle jouant de la différence de températures entre cour et rue. L’air peut aussi être rafraîchi avec la création de plans d’eau, la circulation d’une lame d’eau sur un sol artificialisé, les brumisateurs dans les espaces publics très fréquentés. Plus lourds à mettre en œuvre, la rénovation thermique des logements, le traitement des façades et toitures pour les rendre plus réflectives (absorption moindre de chaleur), la réduction de la circulation automobile, la recherche de nouveaux revêtements pour les routes.

Urbanisme anticanicule

Dans leur approche architecturale et urbanistique, les nouveaux quartiers devront annoncer la ville anticanicule de demain. L’existant est inspirant. Comme à Caen où les mesures des ICU font apparaître le rôle bénéfique du couloir formé par l’Orne et le canal qui permet d’apporter un air plus frais venant de la campagne ou de la mer. Au gré de la direction des brises par temps clairs et calmes, les quartiers dans le prolongement de la Prairie récupèrent la fraîcheur de ce grand espace de 90 hectares, poumon vert à deux pas du centre-ville de Caen.

Hors agglomération, rue du Québec, on relève des températures plus basses en raison d’un relief en creux, favorisant l’accumulation d’air froid. À l’avenir, les nouvelles routes et la distribution du bâti doivent être mieux implantées dans le contexte urbain, elles doivent tirer parti des avantages géographiques de la ville. En périphérie, le bocage pavillonnaire, avec ses jardins et haies, apporte un service précieux au rafraîchissement des villes et souligne la continuité des trames vertes et bleues entre espaces ruraux et espaces urbains. On comprend que la problématique des îlots de chaleur rejoint l’approche systémique propre à la transition écologique.

Cette indispensable imbrication d’échelles induit un changement culturel que l’Institut des transitions de l’université de Rouen-Normandie étudie à travers un programme de recherche interdisciplinaire (Helios) déployé sur cinq territoires : Métropole Rouen Normandie, Le Havre, Mantes-la-Jolie, Communauté de l’agglomération de Cergy-Pontoise, Argenteuil. L’objectif est d’identifier la perception par les habitants des solutions reposant sur la nature pour créer des îlots de fraîcheur urbains et d’analyser leurs attentes afin d’éclairer les décideurs sur les programmes prioritaires d’adaptation au changement climatique. L’amélioration du cadre de vie devient une pédagogie de la culture de la chaleur.

Cet article a été réalisé avec le soutien de la Région Normandie.

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