Partager la publication "Peuples racines : “5 à 6 % de l’humanité préserve 80 % de la biodiversité de la planète”"
Jorge Quilaqueo est chamane Mapuche. Ce peuple autochtone du Chili et d’Argentine occupait, jusqu’à l’arrivée des Espagnols, une grande partie du territoire de part et d’autre de la cordillère des Andes, de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique. Jorge Quilaqueo défend les droits de son peuple qui a été spolié d’une grande partie de ses terres et a été décimé au fil des siècles – il resterait moins d’un million de Mapuches aujourd’hui. Il œuvre aussi pour inciter les peuples, tous les peuples, à se reconnecter au vivant.
De passage en Europe, il a ouvert, mercredi 5 juin, le Green Shift Festival 2024 de Monaco par une cérémonie de l’eau. Cet événement, dédié aux nouveaux imaginaires d’un monde plus durable, est l’occasion d’aborder “l’écologie du sensible plus que du rationnel”, comme l’a expliqué Olivier Wenden, vice-président de la Fondation Prince Albert II de Monaco, qui organise le festival et dont WE DEMAIN est partenaire.
“Le changement climatique se fait déjà durement sentir mais il y a peu d’actes. Pourquoi ? Nous n’avons aucun récit qui nous propose un monde auquel on aspire”, a-t-il rappelé. Le Green Shift Festival veut changer la donne. Et a donc laissé la parole Jorge Quilaqueo. Issu de ce qu’on appelle les “peuples racines” (autochtones), il a mêlé, lors d’une cérémonie sur la plage, l’eau de la Méditerranée à de l’eau du Pacifique, de différentes rivières bretonnes et normandes, des chutes d’Iguazu au Brésil, d’Islande, de la Seine, de Patagonie…
“Nous unissons différentes eaux comme le symbole d’une alliance entre les peuples. L’eau du Pacifique va se mêler à celle de la Méditerranée et va la transformer. Je ne serai plus là quand les changements auront lieu mais je sais qu’ils auront lieu”, a déclaré le chamane Mapuche.
“Nous, les humains, nous avons trop tendance à penser que nous sommes les seuls êtres vivants importants. Mais, en réalité, tout nous est prêté sur cette Terre. Nous ne possédons rien, nous ne dominons rien. À tout moment, quand on part et quitte ce monde, on part sans rien, juste nos actes. C’est pourquoi il ne faut pas faire de mal aux êtres vivants”, rappelle Jorge Quilaqueo. Sabah Rahmani, journaliste et anthropologue, revient sur les peuples racines : “Tous les peuples autochtones sont animistes, c’est-à-dire qu’ils la croient en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels. De là, découle un vrai respect pour la nature. Ce n’est pas un hasard si les peuples racines – 5 à 6 % de la population mondiale – préservent 80 % de la biodiversité de la planète.”
Pour Hélène Collongues, elle aussi anthropologue et spécialiste de la tribu Jivaro, Indiens d’Équateurs et du Pérou, la reconnexion au vivant peut tout changer. “C’est une expérience vivante plus qu’un processus intellectuel ou spirituel. Nous avons besoin, nous en Occident, de nous reconnecter au vivant, de retrouver nos racines. Et, selon moi, la clé pour réussir cela, c’est l’amour et la fraternité. Chez les peuples autochtones, il y a une constante : il n’y a pas de rancœur. Ils ont conscience de ce qui nous relie les uns aux autres. Ils savent que ce qu’on fait aux autres, on le fait aussi à nous-mêmes. Il faut donc choisir entre la vie, l’amour ou la destruction.”
“Le changement commence par soi-même, comme disait Gandhi, rappelle Sabah Rahmani. Il est nécessaire de changer d’échelle et d’arrêter de penser global pour revenir à quelque chose de plus petit. Le petit geste, la nature le reçoit comme un grand geste. Quand tout le monde fait sa part, ça compte énormément.” Ce que le chamane Mapuche confirme : “Ma grand-mère, elle aussi chamane, me disait que chaque acte est important et que la sagesse réside dans la simplicité des choses. Le chemin vers l’équilibre et l’harmonie, c’est la réciprocité. On ne peut pas demander aux autres de changer si on ne change pas nous-même.”
La sagesse réside dans la simplicité des choses. Le chemin vers l’équilibre et l’harmonie, c’est la réciprocité.
Jorge Quilaqueo, Chamane Mapuche.
Les Mapuches ont perdu 85 % de leur territoire d’origine. Pourtant, malgré les nombreuses violences que son peuple a subi, et continue de subir encore aujourd’hui, il n’y a pas de ressentiment. “Je cultive la joie, la félicité, la simplicité et le détachement. Ma philosophie, c’est de dire que, pour se connecter avec la nature, il suffit d’enlever ses chaussures. Oui, nous luttons pour nos droits, mais dans la joie. Si on est triste dans la lutte, on perd. Nous sommes des survivants et nous gardons espoir que nos luttes spirituelles et politiques nous permettront de retrouver nos terres”, assure Jorge Quilaqueo.
“On attend beaucoup les peuples autochtones là où ils ne sont pas, souligne Hélène Collongues. Ce n’est pas Disneyland. Oui, il y a de la violence dans ces communautés. Oui, les chamanes peuvent avoir la TV chez eux, porter des jeans… ces sociétés ne sont pas figées, elles vivent avec leur époque. Mais elles conservent une relation spéciale avec le vivant. Il n’y a pas d’avidité envers la nature chez les peuples racines. C’est de cela dont il faut s’inspirer.”
Le combat de Jorge Quilaqueo et des peuples autochtones pour une réconciliation avec la nature et une défense de leurs droits est un appel à l’action pour tous. En reconnaissant l’importance de la réciprocité et de la simplicité, nous pouvons commencer à changer notre rapport avec le vivant. Le petit geste, comme le dit Jorge Quilaqueo, peut avoir un impact significatif. En suivant son exemple et ses conseils, il est temps de nous reconnecter à la nature et à nos racines, de cultiver la joie et la fraternité, et de lutter pour un monde plus durable. Le Green Shift Festival, avec son message d’écologie du sensible et de reconnexion au vivant, est un pas dans cette direction.
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