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« Si l’on ne fait rien, on court à la catastrophe »

Cet article a initialement été publié le 5 octobre 2020.

Prévenir la guerre : répondre aux nouvelles menaces ». C’est autour de cette thématique que le troisième Forum mondial Normandie pour la Paix s’est tenu à Caen les 1er et 2 octobre 2020. Parmi ces nouvelles menaces, les risques environnementaux, qui s’accroissent à mesure que la terre se réchauffe, comme l’ont montré les récentes inondations meurtrières dans le sud-est de la France.

À l’occasion de cet événement, WE DEMAIN a rencontré Benoît Laignel, professeur au département de géosciences et environnement à l’Université de Rouen et co-président du GIEC Normandie.

  • WE DEMAIN : Comment un territoire, une région, un département, ville peuvent-ils agir en faveur du climat ?

Benoît Laignel : Il y a deux types d’actions qui se complètent pour agir en faveur du climat. D’abord, des mesures d’atténuation. Comment fait-on pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et donc le réchauffement climatique ? Les réponses doivent se faire à tous les échelons : les états, les régions, les villes. Pour les régions, ce sont des transports plus propres, la rénovation thermique des logements, les énergies renouvelables.

Ensuite, il y a les politiques d’adaptation aux effets du réchauffement climatique. Et là, la bonne échelle est la région parce qu’elle va s’adapter aux spécificités des territoires qui sont différentes d’une région à l’autre.

  • Concrètement, que peut faire la Normandie face aux risques climatiques ?

Pour nous, le risque le plus prégnant est le littoral et les rivières. Avec le réchauffement climatique, le niveau de la mer va s’élever. Il y aura des inondations et un recul du trait des côtes. Dans un premier temps, il faut sensibiliser les élus et les populations et leur montrer que certaines parties du territoire seront inondées ou vont reculer. Si l’on ne fait rien, on court à la catastrophe. On peut construire des aménagements, mais on ne pourra pas mettre de digues partout ni supprimer tous les espaces naturels.

À lire aussi : « À l’avenir, il y aura plus de sécheresses, et donc plus d’inondations »

Reste la meilleure solution : accepter d’abandonner certaines portions de territoire et en partager d’autres. C’est difficile, cela pose toute une série de problèmes liés à la délocalisation de populations, mais il faudra le faire comme sont en train d’y réfléchir les Pays-Bas.

  • En dehors de l’élévation du niveau de la mer, y a-t-il d’autres domaines sur lesquels vous pouvez intervenir ?

Nous réfléchissons à la politique sécheresse/incendie. Nos projections montrent que nous aurons, même en Normandie – qui n’est pas la Californie –, davantage d’incendies : comment va-t-on protéger nos forêts ? Ne faut-il pas réfléchir à d’autres essences plus adéquates ?

À lire aussi : Comment la Corse a réduit par six les feux de forêts depuis les années 80

En matière de santé, nous allons vers de plus en plus de canicules avec des îlots urbains de chaleur. À l’été de 2003, nous avons enregistré à Rouen une surmortalité de 30 % supérieure à des villes comme Strasbourg et Toulouse, qui ont davantage la culture de la chaleur. Là encore, nous devons nous adapter.

  • Quelles sont les conditions d’une action locale efficace sur ces sujets ?

Il faut mettre tout le monde autour de la table car quand on s’adapte, il y a des portions de territoires qui sont dévitalisés au profit d’autres. De ce point de vue l’échelle régionale est, encore une fois, intéressante. Le GIEC normand fait la synthèse au niveau de la région et la présente aux élus, ce que ne peut pas faire le GIEC international. 

Nous avons 10 ans pour agir avec une vision globale sur la région, mais à condition de commencer tout de suite !

Il n’ y a aujourd’hui que deux GIEC régionaux, en Normandie et en Aquitaine. Il faudrait les multiplier car seul le socle scientifique permet aux élus de prendre les bonnes décisions.

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