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Marius Hamelot (Le Pavé) : « Nous souhaitons proposer une nouvelle forme d’industrie »

♻️ Marius Hamelot a fondé Le Pavé en 2018 avec un objectif : intégrer le respect de l’environnement et la valorisation des déchets dans son activité de fourniture de matériaux pour le bâtiment et l’ameublement. Parmi les 1 450 commandes déjà honorées par la jeune entreprise installée à Aubervilliers, la livraison de 11 000 sièges de gradins pour les Jeux Olympiques de 2024. Il décrit sa vision engagée de l’industrie de demain.

Le Pavé
Les panneaux Le Pavé sont constitués à 100 % de déchets recyclés et recyclables. L’entreprise en propose pour le moment deux sortes, faits à partir de bouchons de bouteilles ou de portes de frigo. Crédit : Le Pavé.

🧱 Pendant leurs études à l’école nationale d’architecture de Versailles, en 2016, Marius Hamelot et trois camarades tombent des nues en plein projet : tandis qu’ils doivent participer à la conception d’un campus au Kenya en utilisant des ressources locales et renouvelables, ils comprennent à quel point l’industrie du bâtiment est en retard sur la gestion des déchets et la réduction des émissions de CO2, dont le secteur représente 30 % du total mondial. Cette prise de conscience convainc Marius Hamelot, à tout juste 23 ans, de créer son entreprise, Le Pavé, avec son ami d’enfance Jim Pasquet, un jeune diplômé en management. Objectif : révolutionner le secteur en créant des matériaux 100 % recyclés et recyclables.

En 2023, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Quinze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour des initiatives dans les territoires. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.

Comment sensibiliser et faire bouger tout un secteur industriel ?

Notre volonté est de proposer une nouvelle forme d’industrie. Le système conventionnel cherche des économies d’échelle en centralisant la production autour d’une seule grosse usine. Il n’est plus adapté aux défis environnementaux et sociaux actuels. La place du plastique n’est qu’un symptôme de notre rapport à la consommation. Si on veut vraiment que les choses changent il faut faire évoluer l’ensemble de notre modèle productif. 

Quelle place prend la formation dans cette révolution industrielle ?

Marius Hamelot, cofondateur du Pavé.

Marius Hamelot, cofondateur du Pavé. Crédit : Le Pavé.

Marius Hamelot : Il faut s’intégrer dans une dynamique d’économie circulaire, dans laquelle l’ensemble des acteurs travaille de concert. On œuvre pour le développement d’une technologie mais c’est aussi à travers l’échange que l’on transforme les modes de fonctionnement de manière durable et sensée. En ce sens, nous avons une équipe d’ingénieurs de différents domaines (chimie, matériaux, industrialisation, procédés, qualité) qui bâtit un écosystème de recycleurs. En fonction des ressources disponibles, des enjeux et difficultés de recyclage qu’ils identifient, des cahiers des charges sont édités. En fonction de ces derniers, on nous envoie de la matière déjà lavée, triée et broyée.

En parallèle, nous menons une démarche similaire auprès des artisans, ébénistes, designers et architectes avec lesquels nous collaborons. Dès qu’une commande est passée, le processus de formation est automatiquement engagé avec notre équipe technique. Cela passe par l’envoi d’une masse d’informations sur nos produits et notre démarche, complété par des appels vidéo ainsi qu’un accompagnement pour chaque projet. C’est essentiel de sensibiliser nos partenaires aux caractéristiques des matériaux qu’on développe, pour leur offrir une liberté de conception tout en leur donnant conscience de nos enjeux techniques.

Avez-vous pu mettre en oeuvre vos méthodes pour la création des 11 000 sièges de gradins dans le cadre des Jeux olympiques 2024 ?

Ce projet est arrivé en 2019, seulement quelques mois après la création de l’entreprise. Il s’est parfaitement inscrit dans notre démarche. Nous avons été contactés par Bouygues qui était à la recherche de solutions éco-conçues pour répondre au cahier des charges ambitieux établi par les organisateurs de la compétition. Pour vérifier que notre matériau pourrait permettre la création de sièges de gradin, nous avons lancé une campagne de recherche et développement importante avec l’entreprise Master Industrie, un spécialiste de la tribune. C’était intéressant car dans une start-up on réfléchit généralement à court et moyen terme, entre 3 et 6 mois. Là, dès 2019, on a dû imaginer ce que serait l’entreprise en 2024. 

Menez-vous d’autres actions de sensibilisation ?

Nous essayons de collaborer avec les écoles de design une fois par trimestre, notamment avec l’ENSCI et l’école Bleue à Paris. Nous tâchons aussi de toucher le grand public comme ce fut le cas dans le cadre du projet des sièges de gradins. Ce dernier a nécessité 100 tonnes de plastique recyclé, dont une partie a été récupérée grâce à une collecte en région parisienne, avec le soutien de Lemon Tri, un recycleur de Pantin (Seine-Saint-Denis), et de l’association Terravox, qui sensibilise aux gestes de tri. Nous avons créé 60 points de collecte de bouchons pour les Franciliens. Ces lieux ont permis de sensibiliser plus de 1 000 enfants à la problématique des déchets plastiques et du recyclage. Une façon d’aller au contact des habitants et de raconter notre histoire.

Quelles ambitions pour le futur ?

Notre premier objectif est de continuer à nous développer en région en mettant en place des usines de transformation locales et connectées entre elles. Cela va nous permettre de créer des écosystèmes locaux durables. On vise une usine par région d’ici trois ans, afin de créer des matériaux spécifiques aux enjeux locaux. Notre usine inaugurée récemment en Bourgogne est la première pierre. En parallèle, nous souhaitons évidemment continuer d’innover, en présentant notamment deux nouveaux matériaux d’ici l’année prochaine.

Autrice : Maïa Poïs

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