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Invendus non alimentaires : donnons la priorité au réemploi

En France en 2019, on estime à plus de 4 milliards d’euros de valeur marchande les invendus non alimentaires. La majorité a réintégré le circuit économique, notamment grâce au déstockage et au don. Mais 7 % des produits ont été purement et simplement détruits cette année-là. Afin d’endiguer le phénomène, le législateur français a décidé de cibler ces produits. Elle a voté la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Cette « loi AGEC » a été adoptée en février 2020. Se loge en effet parmi les 130 articles de cette loi-fleuve, une disposition qui a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit de l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires.

Une première mondiale, selon les mots du Premier ministre Édouard Philippe, qui mettrait ainsi fin à une absence de cadre juridique en la matière. Elle fait d’ailleurs directement écho à la loi Garot de 2016. Celle-ci prononçait l’interdiction de la destruction de toutes les denrées alimentaires invendues encore consommables et des pratiques de javellisation dans les grandes surfaces.

Ladite disposition ne prohibe en réalité pas totalement la destruction des invendus non alimentaires. Mais elle vient consacrer au sein du Code de l’environnement une nouvelle obligation qui consiste pour les professionnels concernés à respecter des modalités de gestion spécifiques à ces produits qui n’ont pas trouvé preneur.

Toute la chaîne de production visée

Celle-ci incombe à nombre de professionnels puisqu’elle s’adresse à tous les acteurs des chaînes de production et de distribution. Cela concerne les producteurs, les importateurs, les distributeurs… Et même, dans certaines situations, les plates-formes en ligne ou marketplaces telles qu’Amazon ou encore Cdiscount. Lorsqu’ils se retrouvent avec des invendus, les professionnels doivent désormais suivre un ordre de priorité bien précis issu du droit européen. Les invendus doivent être réemployés, réutilisés ou recyclés.

Le non-respect de cette obligation sera alors passible d’une amende administrative. Amende dont le montant ne pourra excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. La sanction pourra également faire l’objet d’une publication par une autorité administrative aux frais de la personne punie. Si la somme de l’amende n’est pas forcément dissuasive pour certaines entreprises, le potentiel affichage du non-respect de cette obligation de gestion semble assez persuasif.

Priorité donnée au réemploi

Les professionnels soumis au respect de cette obligation doivent, dans un premier temps, réemployer leurs invendus. C’est la première solution à privilégier.

Pour certains invendus, c’est même la seule solution possible : il est ainsi obligatoire pour les produits d’hygiène et de puériculture. La liste des produits touchés est précisée par décret. Cela concerne par exemple les savons, shampooings ou encore les déodorants. Mais également les biberons, anneaux de dentition, les ustensiles nécessaires à l’alimentation des enfants en bas âge…

Le don fortement encouragé

Pour que le réemploi soit possible, il faut que le produit soit donné. Ou alors qu’il soit vendu sur un canal où il pourra faire l’objet d’un usage identique à celui pour lequel il avait été conçu. Parmi les solutions les plus courantes de réemploi, il y a le don à des associations. Il y a aussi la vente à des grossistes spécialisés dans le déstockage. Ou encore la vente aux salariés de l’entreprise… Le choix de l’option est libre et le don n’est que facultatif, bien qu’il soit néanmoins fortement encouragé. En particulier grâce à une incitation fiscale qui dispense les professionnels de la régularisation de la TVA.

Il ne représente d’ailleurs aujourd’hui qu’une faible partie des opérations de réemploi. Mais constitue un exutoire à fort potentiel pour les prochaines années en ce qui concerne les produits d’hygiène et de puériculture. Le volume des dons pourrait augmenter de manière significative, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Réutilisation et recyclage

Cette opération du réemploi n’est toutefois pas toujours possible. Notamment en raison de l’état du produit (dépourvu d’emballage, abîmé, défectueux, rapporté en magasin par le consommateur…).

Le cas échéant, le professionnel doit alors se tourner vers la préparation en vue de la réutilisation. C’est la deuxième opération énoncée dans l’ordre de priorité susmentionné. Celle-ci implique de réaliser un ou plusieurs contrôle(s), un nettoyage ou encore de réparer les biens invendus. Ensuite, ils pourront être écoulés par d’autres canaux de distribution tels que ceux précédemment évoqués.

À défaut, lorsque ce mode de traitement n’est pas possible, l’invendu devra être recyclé voire en tout dernier recours, détruit.

La destruction en dernier recours

Cette nouvelle obligation n’interdit en effet pas totalement la destruction des invendus non alimentaires. La loi autorise le recours à cette opération mais elle est circonscrite à deux hypothèses.

La première concerne les produits qui ne peuvent être réemployés, réutilisés ou recyclés en raison des risques sérieux que ces opérations peuvent générer pour la santé ou la sécurité. La seconde s’adresse à ceux qui n’ont plus aucune possibilité d’être vendus ou donnés, faute de marché ou de demande. Et qu’on ne peut pas non plus recycler. Soit parce que l’opération serait trop coûteuse, soit car les installations de recyclage seraient trop éloignées.

L’Union européenne se penche sur la question

Si la gestion des invendus non alimentaires est désormais plus encadrée au niveau national, la question est également étudiée à l’échelle de l’Union européenne. La Commission européenne a en effet affirmé dans le cadre de son initiative en matière de produits durables, qu’elle entendait notamment introduire l’interdiction de la destruction des marchandises durables invendues.

Le tout demeure en discussion, contrairement à la France où l’obligation de gestion des invendus non alimentaires est entrée en vigueur le 1er janvier dernier pour une partie des produits. À savoir ceux soumis à un principe de responsabilité élargie du producteur : les produits d’hygiène et de puériculture, mais aussi les vêtements et chaussures, les équipements électroniques, les objets d’éveil et de loisirs ainsi que les livres et les fournitures scolaires… Pour le reste, il faudra attendre le 31 décembre 2023 avant que l’obligation ne soit généralisée à l’ensemble des produits ciblés par la loi.

A propos de l’autrice : Clémence Lepla est doctorante en droit privé, Université de Lille.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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