Claustrophobie, agoraphobie, peur de conduire… Et si la réalité virtuelle soignait tout cela ?

Casque sur les yeux, écouteurs dans les oreilles, manette en main, Marie-Christine pousse un long soupir : « On va essayer l’ascenseur sans vitre ». Et dans le monde virtuel contrôlé par son médecin, cette claustrophobe se lance et affronte une de ses plus grandes angoisses.

Dans son cabinet de l’hôpital de la Conception à Marseille, le docteur Eric Malbos, médecin praticien en service de psychiatrie, guide sa patiente au sein d’un monde virtuel qu’il fait évoluer comme il le souhaite. En l’occurrence, en lui proposant d’entrer dans des ascenseurs plus ou moins grands, vitrés ou non.
 

– « Vous inspirez et vous gonflez le ventre, et vous expirez tout doucement, sans forcer », dit le médecin. 
– « Si ça m’aide de fermer les yeux, je peux le faire ? »
– « Tout à fait, ça peut vous aider à vous concentrer sur la respiration, sur toutes vos sensations. »

Depuis 2012, le docteur Malbos a fait de ces voyages dans la réalité virtuelle l’une des facettes du traitement de la claustrophobie, de l’agoraphobie ou de la peur de conduire. Après des séances destinées à leur donner des moyens de modifier des comportements qui leur gâchent la vie – comme dans toute thérapie comportementale et cognitive -, les patients doivent affronter « virtuellement » les situations qu’ils redoutent.

Une exposition « progressive »

« On veut que le patient soit anxieux mais l’exposition doit être progressive », résume le docteur Malbos, qui oeuvre au sein du service du professeur Christophe Lançon. Au programme, métro ou cinéma pour un agoraphobe, parking souterrain ou ascenseur pour un claustrophobe, passerelle en hauteur pour les victimes du vertige.

La méthode est aussi adaptable à la peur de prendre l’avion ou à celle de conduire. Les fumeurs qui souhaiteraient se sevrer, seront, eux, plongés dans des situations « qui déclenchent une irrésistible envie de fumer », explique le docteur Malbos : soirée entre amis dans un bar, déjeuner en terrasse, « pause cigarette » au bureau. Et il l’utilisera bientôt pour traiter des syndromes de stress post-traumatique chez des soldats de retour d’Afghanistan.

Un simple essai de quelques minutes suffit à atténuer les critiques des plus sceptiques : enfiler un casque et pénétrer dans ces mondes virtuels, c’est accepter d’avoir les muscles des jambes tétanisés en traversant une passerelle pourtant totalement irréelle.

Un taux d’échec bas

L’effet est saisissant. « Au cours de mes neuf premières séances, j’ai appris à gérer le stress et l’angoisse », explique Marie-Christine, 53 ans, qui en est désormais à sa troisième séance virtuelle. « En simulation, j’ai une petite montée d’angoisse qui n’est pas celle que j’aurais dans une situation réelle, mais la dernière séance m’a donné le courage d’aller prendre un ascenseur vitré lors d’une pause déjeuner », poursuit-elle.

C’est l’une des clés du traitement, souligne le docteur Malbos. « Le taux d’échec est vraiment bas : ceux qui seront en échec sont ceux qui ne vont pas s’entraîner seuls après la séance », dit-il.

Seuls trois services en France utilisent la réalité virtuelle, selon Eric Malbos. « Peu de psychiatres sont au courant, et il y a aussi des problèmes d’accessibilité aux technologies », explique-t-il. L’un des casques qu’il utilise vaut 10 000 euros et la technique pâtit aussi pour l’instant du manque de logiciels très récents pour mettre en situation les patients.

Arrivée de nouveaux logiciels



Eric Malbos développe lui-même celui qu’il utilise à partir de moteurs graphiques de jeux vidéo. Mais la situation devrait bientôt s’améliorer et permettre que les patients puissent utiliser chez eux la méthode avec l’arrivée de logiciels, dont un développé par une société de Sanary-sur-Mer (Var).

Le docteur attend aussi beaucoup de la commercialisation dans le grand public début 2016 du nouveau casque Oculus Rift, dont il utilise un prototype. Son prix : 300 euros « seulement », pour une technologie bien supérieure. Et au-delà des possibilités qu’il envisage pour les traitements qu’il développe, ce fan de science-fiction et de jeux vidéo, dont le cabinet est orné d’affiches du « Hobbit » et de dessins animés japonais, s’enthousiasme déjà pour ses futures utilisations ludiques ou pédagogiques.

Lara Charmeil (avec AFP)
@LaraCharmeil

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