Ainsi, les sondeurs britanniques se sont une fois encore trompés, trompant du même coup (de Trafalgar) le reste du monde, persuadé que le revirement mesuré ces derniers jours en faveur du remain, et les “signaux” relayés par l’ensemble des médias jusqu’au dernier moment, seraient confirmés par le dépouillement des votes. Et, surtout, que nos chers voisins n’oseraient pas, seuls dans l’isoloir, prendre le risque de cette “fuite en arrière”, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit.
Qu’ils réfléchiraient davantage à ce qu’ils vont perdre, sur le plan économique, financier, monétaire, politique, diplomatique, environnemental, qu’à ce qu’ils espèrent naïvement gagner en cessant de cotiser à l’Union, ignorant que c’est un investissement qui sur la durée leur a beaucoup rapporté.
Qu’ils se rendraient compte que ce n’est pas ainsi qu’ils vont préserver une “identité britannique” qui reste largement à définir, compte tenu des différences de plus en plus apparentes entre l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande et le Pays-de-Galles.
Mauvais calcul, mauvais coup, mauvais exemple
Mais qui ont choisi de ne voir que le verre un peu moins plein (mais sûrement pas à moitié vide, si l’on s’efforce de regarder objectivement l’évolution) sans chercher vraiment à participer à son remplissage. Tous ont oublié ce que l’Europe leur a apporté, et n’imaginent pas ce qu’elle leur apportera lorsque les temps difficiles reviendront.
Une décision qui favorise “des temps difficiles”
Leurs discours égoïstes et haineux seront centrés sur le thème de la “souveraineté perdue”. Ils passeront sous silence, sans doute parce qu’ils n’osent pas se l’avouer à eux-mêmes, tout ce qu’ils devraient perdre en partant. À commencer par la paix, si précieuse dans un monde fragile et dangereux.
Mais aussi la capacité à y jouer un rôle, et de ne pas laisser aux seuls Américains, Chinois ou Russes le soin de l’orienter à leur guise et de “vassaliser” nos vieilles démocraties fatiguées. Sans parler de la nécessiter de mutualiser la recherche ou la défense, d’harmoniser la fiscalité, d’assagir la finance, et bien d’autres choses encore qui sont hors de portée d’un pays unique, fût-il “souverain”.
Un mal pour un bien ?
En attendant, c’est le rêve des fondateurs de l’Europe qui s’est envolé. Provisoirement, on peut l’espérer, car en même temps naît celui d’une nouvelle Europe, dynamique, solidaire, sans doute fédérale et de préférence “adjacente” (formant un territoire continu). C’est-à-dire limitée à un groupe de pays géographiquement, politiquement et culturellement proches, motivés, dont les populations ont compris que l’on est plus fort ensemble que séparément. L’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne sont les premiers candidats naturels à cette nouvelle Europe.
Après l’élargissement sans approfondissement, qui fut la première grande erreur de l’Union, il faut engager le “rétrécissement” de l’Europe. Il ne pourra se réaliser que si les citoyens des pays concernés en sont les cocréateurs, car c’est la condition pour qu’ils s’approprient cette nouvelle Europe, plutôt que d’avoir le sentiment de la subir. Dans cette hypothèse, le Brexit n’aura pas été un drame, mais une formidable opportunité, un mal nécessaire pour un bien à venir. C’est à nous de faire (en l’occurrence de refaire) l’histoire de l’Europe, au moment où certains tentent de la défaire.