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Comment faire pour que notre espèce n’ait pas disparu de la planète d’ici 100 ans

BILLET. Par Maxime de Rostolan, directeur de l’association Fermes d’Avenir et fondateur de Blue Bees.

Le 08/02/2017 par WeDemain
BILLET. Par Maxime de Rostolan, directeur de l'association Fermes d'Avenir et fondateur de Blue Bees.
BILLET. Par Maxime de Rostolan, directeur de l'association Fermes d'Avenir et fondateur de Blue Bees.

Fondateur de Blue Bees, une plateforme de crowdfunding dédiée à l’agriculture durable, Maxime de Rostolan est aussi à la tête du projet Fermes d’Avenir, en Touraine, qui vise à créer un modèle d’exploitation en permaculture. Avec son accord, We Demain republie ici un billet initialement partagé sur sa page Facebook.

Un brillant entrepreneur, très engagé et sensible aux enjeux écologiques, a demandé à me rencontrer pour discuter d’agroécologie, et me convaincre de parler aux équipes de Macron, avec lesquelles il travaille. J’ai donc passé un bon moment avec lui, et lui ai révélé, entre autres, que j’avais des doutes sur l’avenir de l’humanité, et n’estimais pas impossible que notre espèce ait disparu de la planète d’ici 100 ans. Il est resté soufflé, presque choqué, par ce postulat.

Le soir même, il m’envoie une info parue dans Le Monde , qui explique que les singes pourraient avoir disparu de la Terre d’ici 25 à 50 ans. Voici ma réponse (j’avais une heure de train devant moi, bercé par les mornes plaines horizontales de la Beauce) :

« Bonjour XXX,

J’espère que tu vas bien… Ce genre d’infos devrait en toute logique nous alerter, mais ce matin, sur France Inter, Gérard Larcher expliquait que la priorité était de créer des richesses, défendait la suppression de l’ISF, les +2 % de TVA, et la retraite à 65 ans. On sera bien avancé quand il n’y aura plus d’animaux sauvages.

Les écrivains de livres pour enfants vont être en mal d’inspiration, c’est une chose, mais tu sais comme moi que la secousse que cela provoquera sur la biosphère menacera bien plus que l’équilibre artistique des dessins animés…On s’en fichera pas mal de savoir s’il faut travailler 35 ou 39 heures quand on sera forcé de polliniser les plantes à la main.

Soit nos politiques s’emparent réellement de ces sujets, et prennent des mesures à la hauteur des enjeux, soit dans quelques années ce sera à notre tour d’être sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature, NDLR). Prendre des mesures fortes, cela passe inévitablement par une reconsidération de ce qui doit guider notre monde, notre société, nos actions.

Richesses toxiques

Aujourd’hui, ceux qui ont la parole et monopolisent l’espace médiatique veulent nous faire croire que ce sont les « richesses » qui nous guident et imposent leurs priorités, et par richesses, bien sûr, ils parlent d’euros, pas de la beauté des animaux…

Nous, citoyens raisonnablement aisés, qui gagnons entre 2000 et 5000 € par mois et qui constatons que nous arrivons à en vivre agréablement, sans se priver d’autres choses que du superflu, pensons que les richesses en euros que notre société permet de produire n’ont d’intérêt que lorsqu’elles sont utilisées pour résoudre les problèmes de notre monde (la faim, l’accès à l’énergie, la lutte contre le dérèglement climatique ou encore la préservation de biodiversité).

Lorsque ces richesses s’accumulent sur des comptes en banque, se transforment en villas inoccupées ou s’évadent sous les palmiers, elles deviennent toxiques et constituent même l’une des sources du problème. Autrement dit, le salut, s’il doit venir de la politique, et c’est bien ce que tous les candidats à la Présidentielle prétendent, passera par une prise de conscience des priorités réelles : la faim, l’accès à l’énergie et à un toit, la lutte contre le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité, la paix dans le monde…et proposer des solutions innovantes pour relever ces défis.

Remettre en question tout ce que nous croyons

Pour cela, personne ne peut plus croire que l’économie classique, celle qui nous a amenés ici et qui continue de guider le développement des pays émergents, puisse proposer des réponses. Il faut être radical, dans l’acception pure du terme ( = aller à la racine), et remettre en question tout ce que nous croyons, ou croyons savoir.

Personne n’a besoin d’avoir plus d’un milliard d’euros. D’ailleurs, personne ne « mérite » réellement non plus d’être 10 000 fois plus riche qu’un autre, mais c’est un autre débat… On le sait, les huit plus riches de la planète détiennent la même chose que la moitié des humains les plus pauvres.

​Si l’on arrive à porter sur la table des discussions cet état de fait, et que l’on met en face les défis sus-cités, on a une belle équation qui n’a plus d’inconnue : il faut 30 milliards par an pour régler la faim dans le monde, et 100 milliards par an pour lutter contre le dérèglement climatique ?

Produire de manière intelligente

Très bien, on les a, on sait où les trouver, et ils ne manqueront à personne. La beauté de la chose, c’est que ce faisant, les faux-sujets fétiches des hommes politiques actuels seront réglés mécaniquement : lutter contre la faim dans le monde ou contre le dérèglement climatique, cela nécessite énormément d’emplois, et on vient de voir qu’on savait les financer.

Cette dépense est justifiée car d’intérêt général (la survie de notre espèce, tout de même !), donc la boucle est bouclée, on part dans le bon sens et on fait baisser le chômage.

Produire de manière intelligente et redonner à l’alimentation sa vertu de soigner les personnes, plutôt que les empoisonner, cela nécessite un investissement initial (nous parlons d’un PIA de 5 milliards dans notre pétition Fermes d’Avenir, j’espère que tu l’as signée), que nous savons où trouver, et qui réglera en quelques années les problèmes de trous de la Sécu, mécaniquement, car les dépenses de santé s’effondreront (tu peux faire le test chez toi, et passer au 100 % bio, tu verras combien tu es moins malade…).

La spirale de l’endettement

Tu me demandais quelques chiffres : quelle insulte à l’intelligence humaine que notre manière de produire de la nourriture, dans les pays dits développés. En 1940, avec une calorie fossile nous savions produire 2,4 calories alimentaires.

Aujourd’hui, il nous faut 7 à 10 calories fossiles pour produire une seule calorie alimentaire : nous avons divisé par 25 notre efficacité énergétique, nous n’avons jamais été aussi peu efficaces qu’aujourd’hui pour produire de la nourriture. Comment cela se fait-il ? Tout simplement, une fois encore, c’est la place de l’argent dans notre système qui est à l’origine de cette absurdité.

Le capitalisme a besoin de croissance, les banques ont besoin que les gens s’endettent. Pour les convaincre de s’endetter, on leur montre le confort qu’ils gagnent à s’automatiser, à s’équiper de gros tracteurs. Forcément, le pétrole fait des « miracles », et déploie en quelques minutes l’énergie que la force de l’homme ou d’un cheval mettrait des jours à mobiliser. Et comme ceux qui s’endettent vivent dans un confort apparent, et que les marketeurs et lobbyistes sont très efficaces, et bien les voisins pensent la solution toute trouvée, et entrent eux-aussi dans la spirale de l’endettement.

Combattre le système

On connaît la suite : en fait, les rendements ne suivent pas, la nature résiste à nos produits, les charges et les mensualités augmentent, le modèle s’essouffle, et certains finissent par se mettre une balle faute d’autre issue.

Pour survivre, le système capitaliste doit forcément faire fi des réalités sociales et environnementales, je t’invite pour t’en convaincre à lire les livre de Pablo Servigne ou de Naomi Klein sur la question, fort étayés et relativement implacables. Donc il faut, en effet, combattre le système. Mais pas de la manière dont les candidats le font, en nous rabâchant des petits sujets, des enjeux de court-terme totalement fallacieux, que l’on érige en symboles ou en combats (le mariage pour tous, les 35h, le burkini, la déchéance de nationalité, j’en passe…).

S’ils veulent avoir une chance, malgré des parcours complètement imprégnés du système qui handicapent cette posture, de se poser en représentant de l’anti-système, il leur faudra parler de ces choses là, et proposer un vision long terme réellement mue par l’intérêt général, et non par ce qui transpire dans leurs yeux : l’envie de pouvoir, leur carrière, le besoin de rester parmi les 1%…. Bref, nous pourrions en débattre longtemps. Je ne pense vraiment pas que Macron puisse faire siens ces propos, mais je suis prêt à les lui expliquer.

Mon train arrive, je te souhaite une belle journée.
mAx »

Maxime de Rostolan.
Directeur de l’association Fermes d’Avenir
Fondateur de Blue Bees
Auteur de la pétition « 10 Propositions pour une transition agricole »

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