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« Des bus électriques dans nos villes, c’est pour bientôt »

Par Pierre-Emmanuel Bayan, chef de projet énergies renouvelables.

Le 25/09/2014 par WeDemain
Un trolleybus à  Porto, en 1978, au Portugal © Alain GAVILLET
Un trolleybus à  Porto, en 1978, au Portugal © Alain GAVILLET

Si les transports en commun électriques existent depuis plus d’un siècle, les bus hybrides sont aujourd’hui assez rentables pour envahir nos métropoles. Paris, mais aussi Dijon, Bordeaux ou Lyon s’y préparent. 

Longtemps persona non grata dans les transports en commun, la fée électricité s’y invite de plus en plus, sous l’impulsion d’acteurs publics et privés enfin sensibilisés aux bienfaits d’un monde où les émissions de gaz carbonique seraient devenues l’exception. L’idée de bus hybrides, voire complètement électriques, prend corps. Un petit coup d’œil en arrière permet pourtant de se rendre compte qu’elle n’est pas récente, loin s’en faut. Mais ce n’est que récemment que sa mise en œuvre à grande échelle est devenue possible.

Le bus électrique, du cinéma ?

Si la plupart des historiens s’accordent à dater la naissance du cinéma à 1895, celle du bus électrique/hybride s’inscrit dans la foulée. Dès 1893, un certain Ferdinand Porsche met au point des véhicules de transport dotés de moteurs électriques incrustés dans les moyeux des roues avant. Oui mais voilà, les batteries de plomb pèsent jusqu’à plusieurs centaines de kilos, l’industrialisation à grande échelle de véhicules si lourds est illusoire. Du cinéma, exactement. Il faudra attendre 1900 pour que Porsche, encore lui, imagine greffer un groupe électrogène à l’ensemble, de façon à alimenter en continu une batterie beaucoup plus légère.
 
Mais quand même, ce n’est pas l’explosion attendue. Pour la simple et bonne raison que le moteur à explosion, justement, fait d’énormes progrès durant la Première guerre mondiale, damant le pion à l’électrique et à l’hybride. Dans les années 20, les trolleybus voient le jour, mais connaitront un développement là encore marginal. Et pour cause, les infrastructures coûtent cher, il faut installer des lignes aériennes à contact bi-filaire.

Ce n’est qu’à la fin des années 90 que des bus hybrides et électriques fonctionnels sortent des usines. Utilisant deux moteurs, l’un électrique l’autre thermique, les bus hybrides ont essentiellement pour but de permettre une utilisation optimale du carburant. Les bus électriques, eux, deviennent également plus performants, grâce à la création de batteries à l’autonomie suffisante pour rouler plusieurs kilomètres. Emblématique de cette volonté de créer un transport en commun citadin présentant un meilleur bilan carbone, le Montmartrobus gravit les pentes de la fameuse butte parisienne depuis 2000. Oui mais voilà, jusqu’à présent, bus électriques et hybrides étaient encore anecdotiques.

4 500 bus électriques à Paris en 2025

La donne pourrait changer dans les prochaines années, à Paris en tout cas. Pierre Mongin, PDG de la RATP eco-friendly, souhaite en effet « qu’à l’horizon 2025, l’ensemble du parc de bus soit électrique ». Traduction : 4 500 véhicules vont être remplacés en onze ans. Philippe Martin, directeur général adjoint de la RATP, ajoute : « Pour nous, l’électrique est la voie de l’avenir. Contrairement aux autres solutions, il n’a pas d’impact sur les gaz à effets de serre, ni sur l’émission de particules. »

L’ambition est grande. Les moyens mis en œuvre devraient suivre. Dès décembre, la RATP compte investir dans des bus hybrides, épaulée par EDF, qui devrait conduire des tests afin « d’étudier les conditions de bonne exploitation, les avantages et les limites de ces bus ». La RATP compte également sur Ellisup, un bus tout électrique permettant l’économie de 60 tonnes de CO2 par rapport à un bus classique, et offrant une autonomie de 8 à 12 km. Une à quatre lignes test seront mises en place d’ici 2016, pour un prix compris dans une fourchette de 10 à 40 millions d’euros.

Si Paris s’inscrira, dans les prochaines années, en pointe des efforts consentis pour limiter le bilan carbone des transports en commun, les autres grandes villes de France s’alignent. Dijon, Bordeaux, Angers ou encore Lyon ont elles-aussi en phase de test, ayant chacune commandé une poignée de bus hybrides avant de, si l’essai s’avère concluant, renouveler toute leur flotte.
 
Cet aggiornamento a un coût. A titre indicatif, on estime qu’un bus hybride coûte en moyenne 40 % plus cher que son homologue thermique. Un prix qui devrait toutefois être revu à la baisse dans les prochaines années, concurrence entre les constructeurs oblige. Mais le reproche principal formulé à l’encontre de ces nouveaux arrivants reste celui de la provenance de l’électricité qu’ils consomment, d’origine essentiellement nucléaire.
 
La RATP s’est engagée à ce que ses appels d’offres comprennent une part d’électricité verte. Pour le reste, si le nucléaire ne présente évidemment pas une empreinte écologique neutre, il reste infiniment moins toxique pour l’environnement que le diesel en général utilisé. On peut rêver d’un monde où l’électricité alimentant les bus proviendra uniquement des énergies renouvelables, en attendant, le mieux est l’ennemi du bien, et il serait dommage de se priver de cette technologie sous prétexte qu’elle n’est pas encore optimisée. D’autant que les bus électriques présentent un autre avantage de taille : ils contribuent aussi à la réduction de la pollution sonore, émettant un niveau de bruit de 65 décibels environ, soit celui d’une conversation normale.

Pierre-Emmanuel Bayan est chef de projet énergies renouvelables.

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