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« L’école de 2050 ne va plus gérer les savoirs, mais les cerveaux »

Le 17/08/2015 par WeDemain

Notre chroniqueur s’interroge sur l’école du futur. Montée en puissance de l’intelligence artificielle (IA), démocratisation des MOOC, percée des technologies transhumanistes et techniques d’amélioration du QI… En quoi la technologie va-t-elle modifier notre accès au savoir ?

La société va exiger de l’école qu’elle permette aux enfants de rester compétitifs face à l’IA et qu’elle diminue les inégalités intellectuelles qui vont devenir politiquement insupportables. Cela va entraîner une mutation profonde de l’école, qui va utiliser tout le potentiel des NBIC pour répondre à ces deux objectifs.

Après des débuts chaotiques, l’IA progresse désormais à vive allure. Il ne s’agit pas encore d’une IA ayant conscience d’elle-même, mais elle est déjà capable de prodiges : la Google Car conduit de façon plus sûre que n’importe quel être humain ; Watson, le système expert d’IBM, analyse en quelques minutes des centaines de milliers de travaux scientifiques cancérologiques qu’un oncologue mettrait trente-sept ans à lire… De plus en plus de tâches sont mieux effectuées par l’IA que par nous. Et ce n’est que le début : la puissance des serveurs informatiques est multipliée par 1 million tous les 31 ans.

Les économistes Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee ont montré que nous entrons dans le « second âge des machines ». Le premier avait permis à l’homme de surmonter ses limites physiques : énergie mécanique appliquée à l’industrie, transport terrestre et aérien, communications par-delà l’espace, etc.

Nous sommes à présent à l’aube du second âge, celui où les machines vont dépasser nos limites intellectuelles. Une différence fondamentale entre les deux âges des machines est le rythme de progression : alors que depuis le XIXe siècle les machines ne doublaient leur efficience que tous les cinquante ans, l’informatique a institué un rythme totalement nouveau : celui de la fameuse loi de Moore. Seuls les citoyens les plus intelligents et les plus innovants auront un travail dans un monde ou l’IA dépassera l’intelligence humaine.

iTunes de l’éducation

Or, l’école de 2015 est aussi archaïque que la médecine de 1750 : elle n’a quasiment pas évolué en deux cent cinquante ans. Son organisation, ses structures et ses méthodes sont figées et, plus grave, l’école forme aux métiers d’hier. Elle n’a pas intégré le bouleversement que la fusion de la robotique et de l’IA va provoquer sur le marché du travail.

Comment former des enfants qui évolueront dans un monde où l’intelligence ne sera plus contingentée ? L’école de 2050 ne va plus gérer les savoirs, mais les cerveaux, grâce aux NBIC. Le développement actuel des MOOC n’est qu’une première étape. Emmanuel Davidenkoff explique que les MOOC d’aujourd’hui sont à ceux de demain ce que l’antique jeu vidéo de ping-pong est au populaire World of Warcraft d’aujourd’hui.

Demain, les MOOC seront personnalisés en fonction de nos caractéristiques neurobiologiques, cognitives et génétiques. L’iTunes de l’éducation est à inventer. Il faudra bientôt faire entrer à l’école des spécialistes des neurosciences puisque l’enseignant de 2050 sera fondamentalement un « neuroculteur ». De plus en plus, l’éducation va fusionner avec la médecine, les neurosciences vont absorber l’école.

« Le logiciel dévore le monde »

À partir de 2040, il va être possible, grâce aux NBIC, d’augmenter les capacités intellectuelles de la population. L’amélioration cérébrale sera d’abord une nécessité économique, pour rester compétitif face aux automates intelligents. Mais la raison principale qui poussera à l’adoption des techniques d’amélioration du QI sera la pression sociale en faveur de l’égalité. Au XXIe siècle, l’utilité sociale la plus importante est désormais créée par l’algorithme. « Le logiciel dévore le monde », affirme le gourou américain de la Silicon Valley Marc Andreessen. Autrement dit : la valeur économique réside désormais dans la capacité à créer des algorithmes.

Nicolas Colin, spécialiste français des enjeux liés aux nouvelles technologies, explique de quelle façon le logiciel capte l’essentiel de la valeur, asséchant le reste de l’économie. À l’ère numérique, la corrélation entre intelligence et réussite est plus forte que jamais. Dans ces conditions, les inégalités d’intelligence, aujourd’hui acceptées par la force des choses, seront demain insupportables. Nous allons donc massivement adopter les technologies d’augmentation.

Pour ne pas être vassalisés par les machines intelligentes, l’école de 2050 utilisera les neurosciences, la génétique pour augmenter les capacités intellectuelles des futurs citoyens. La diffusion des techniques d’amélioration créera un « anti-meilleur des mondes », pour faire référence au livre d’Aldous Huxley : il pourrait bien s’instituer une société très égalitaire d’individus au QI très élevé. « Liberté, Égalité, NBIC » : le droit au QI élevé pour tous deviendra aussi évident que l’égalité raciale.

Chronique extraite de We Demain n°10

Laurent Alexandre

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