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Ma journée au Parc AnnéesquatrevingtdiX : quel avenir pour les parcs d’attractions ?

Tribune. Par Sabrina Daniel Calonne, réalisatrice.

Le 30/01/2020 par WeDemain
(Crédit : Martin Lewison / Flickr)
(Crédit : Martin Lewison / Flickr)

Les vacances scolaires et en particulier celles de Noël sont propices à la consommation de parcs de loisirs : sortie familiale où l’on peut être “libres ensemble” (1), univers connecté à des produits culturels populaires, formule all-inclusive avec options de services personnalisés et boutiques de souvenirs, tout est réuni pour passer un bon moment.

Pourtant, la perspective d’une telle sortie le 26 décembre ne m’enchantait guère. Se déplacer en voiture pour rejoindre un décor de carton-pâte concentrant des attractions gourmandes en électricité excitant des bambins bardés d’accessoires en plastique à l’effigie des personnages du lieu me paraissait décalé par rapport à nos préoccupations écologiques contemporaines.

Mais être libres ensemble, c’est avant tout être ensemble. Me voici donc le 26 décembre à l’entrée du Parc Astérix. Une mousse projetée depuis les toits des maisons lutéciennes enveloppe les visiteurs massés devant les grilles d’une ambiance de Noël, et me rappelle à moi combien il est désormais rare de voir tomber la neige en hiver. Et si…

Je me prends à savourer ces impressions que j’avais presque oubliées : un ciel gris en pointillisme ; les flocons qui se déposent silencieusement sur les cheveux, sur les épaules, sur les cils ; les joues roses des enfants aux yeux pétillants, tournés vers le ciel ; l’envie de tirer la langue pour en attraper un, au goût de… savon.

Je suis néanmoins dans l’ambiance. Je cours ensuite de manège en manège, excitée moi aussi par cette débauche d’énergie électrique à ciel ouvert. Qu’importe pour une fois si les restaurants sont mauvais. On y sert des pizzas ou des pâtes réchauffées au micro-onde, des glaces bourrées de sucre dans la formule enfant : aucun effort sur le bio ou sur le story-telling des menus

À la fin de la journée, j’ai marché 9,6 kilomètres, c’est à peu près le seul point positif, mon bilan carbone devant être dans le rouge si l’on tient compte en plus de la nuit que je m’apprête à passer à l’hôtel distant de quelques kilomètres, pour éviter les prix inabordables des hébergements du parc.

Mais, avouons-le, j’ai passé un bon moment. J’ai le sentiment d’avoir fait un bon dans le passé, dans les années 90, à l’époque de mes dix ans et du fort engouement pour ces parcs d’attraction. L’engouement se dément-il d’ailleurs puisqu’en 2019 le Parc Astérix a accueilli 2,3 millions de visiteurs, contre 1,3 millions en 1992 ?

Et si le parc d’attractions de demain se nichait plutôt au cœur d’une forêt ?

Au fond, ces parcs 1.0, où il est convenu de dépenser son capital carbone, sont inspirants sur ce que pourraient être les attractions de demain. Imaginons des parcs exutoires pour mieux nous aider à tenir notre engagement écologique quotidien, des parcs ciblant les générations  qui n’ont pas grandi avec les sommets climatiques (2), et qui en 25 ans ont accumulé le poids des responsabilités sur leurs épaules : celles d’atténuer l’impact cumulé de leurs aînés sur l’environnement, de corriger le leur, et d’éduquer leurs enfants au zéro impact.

Parmi les attractions : la reconstitution d’une autoroute où l’on peut conduire une voiture à essence ou diesel au-delà de 130 kilomètres / heure ; un escape game où il s’agit de mettre en marche le maximum d’appareils ménagers avant de quitter la cabine en laissant couler l’eau des robinets à flot ; pour la pause-déjeuner des hamburgers empaquetés et placés dans des emballages plus grands encore; des poubelles uniques sans tri des déchets, et partout, de la lumière halogène sur des manèges énergivores et pour nous y conduire, de jeunes gens distribuant des flyers qui finissent au sol, à voler au vent, avant de s’échouer sur les pas-de-portes des boutiques de souvenirs avec sacs plastiques. Reste à déterminer comment tout cela serait possible sans être effectivement polluant…

Ma fille gigote et cherche à retirer son manteau. J’ai chaud, me dit-elle. Je lui rappelle que nous sommes en hiver, et que comme le suppose le dicton, il n’est pas question de se découvrir d’un fil avant mai. Elle hausse les épaules, et me fait remarquer que les dictons, on s’en moque un peu. Que répondre. Je n’avais jamais pensé au devenir des dictons de nos grands-mères dans le contexte du réchauffement climatique. Sera-t-il possible d’en inventer de nouveaux ? Le climat sera-t-il bientôt à nouveau suffisamment stable pour nous permettre d’échafauder des adages ?

Et si le parc d’attractions de demain se nichait plutôt au cœur d’une véritable forêt, avec des animaux sauvages, de la neige en hiver, et une saison basse en mars, à cause des giboulées ? Peut-être est-ce ce qui adviendra de nos parcs régionaux et nationaux, dans lesquels s’inventent déjà toutes sortes de sports outdoors et parfois extrêmes, recherchant précisément des sensations fortes ? Reste à déterminer qui prendra l’initiative de les mettre sous cloche, et à quels espaces nouveaux serait ensuite assignée la fonction “nature sauvage” ?

[1] Libres ensemble. L’individualisme dans la vie commune. François de Singly. Ed. Armand Colin. 2016
[2] La première COP est organisée à Berlin en 1995 après qu’en 1992, le troisième Sommet de la Terre à Rio ait intégré la protection de l’environnement et le développement durable comme incontournables pour l’avenir de l’Homme et de la planète.

À propos de l’auteur 

Sabrina D. Calonne se consacre à l’écriture, à la réalisation de films documentaires et au développement de projets ayant pour fil rouge notre façon d’être au monde et d’être ensemble.

Formée aux Ateliers Varan, elle prépare actuellement un projet de court-métrage « Mobiles », réflexion sur l’engagement politique d’une génération active et mobile, les quadragénaires, dans le village des Landes où elle réside.

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