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Adoption de la loi sur la transition énergétique : des avancées, des regrets

Porté par Ségolène Royal, le projet de loi sur la transition énergétique a été adopté mardi par les députés. Le texte prévoit, entre autres, le plafonnement de la production nucléaire, la lutte contre le gaspillage et le développement du transport électrique. L’écotaxe, en revanche, est définitivement abandonnée.

Le 14/10/2014 par WeDemain
© Ruben Holthuijsen
© Ruben Holthuijsen

Depuis la campagne de 2012, François Hollande en parlait comme l’un des textes les plus importants de son quinquennat. Le projet de loi sur la transition énergétique, porté par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, a été voté solennellement à l’Assemblée mardi 14 octobre avec 314 voix pour, après cinq jours de débat. L’ensemble du projet, qui comprend 64 articles, doit désormais être examiné par le Sénat, à un an de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015. Ce projet de loi vise à porter les énergies renouvelables à 23 % du mix national en 2020 et à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. We Demain fait le point sur les mesures adoptées, celles qui ont disparu du projet initial et celles qui lui ont été ajoutées.

Nucléaire : un « compromis politique »

C’était l’un des articles les plus attendus. Le dossier du nucléaire a monopolisé les débats pendant trois jours. Comme prévu, l’article premier du projet de loi planifie la réduction de la part du nucléaire dans la production énergétique française. D’ici 2025, cette part devra être réduite de 75 à 50 %. Si l’objectif est entériné, les moyens de l’atteindre restent toutefois incertains, puisque aucune fermeture de centrale n’est, pour l’heure, prévue par la loi. Pas même celle de Fessenheim, comme le rappelait Ségolène Royal mardi matin sur RTL.

Un « compromis politique », selon les mots de Cécile Duflot (EELV), qui semble satisfaire, des Verts (même si tous ne l’ont pas voté) à Henri Proglio, le désormais ex-PDG d’EDF. Tout le monde n’acquiesce pas pour autant : la députée européenne Corinne Lepage (Cap21) juge notamment qu’avec cette loi, la réduction de la part du nucléaire reste virtuelle. Certaines voix reprochent aussi à ce texte son court-termisme, alors que l’ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho a lancé : « Est-ce qu’on se donne les moyens d’y parvenir ? La réponse est malheureusement non (…). Il ne suffit pas de fixer des objectifs pour les atteindre. »

L’écotaxe, out !

Même édulcoré, le projet d’une écotaxe n’a pas tenu : la ministre de l’Écologie a annoncé que le dispositif été suspendu « sine die », alors que les représentants des routiers avaient annoncé leur volonté de bloquer les routes de France. Prévu par le Grenelle de l’environnement dès 2007, le projet devait rapporter 1,2 milliards d’euros à l’État. Pour combler ce manque à gagner, la ministre souhaite piocher dans les profits des sociétés d’autoroutes, elles qui auraient, selon elle, empoché 15 milliards d’euros de dividendes depuis 2006. Manuel Valls s’est également penché sur la question en recevant mardi les dirigeants des grandes compagnies autoroutières pour envisager ensemble une alternative. 
 

Si la suspension de l’écotaxe a rassuré les routiers, elle a aussi provoqué des déceptions, comme chez le député socialiste Jean-Paul Chanteguet, qui a jugé la décision « regrettable », Cécile Duflot y voit, elle, « une erreur désastreuse », alors que la CGT considère qu’il s’agit là d’une capitulation face aux lobbys.

Le bâtiment se met au vert

Afin d’atteindre l’objectif de diminution de moitié de la consommation énergétique française en 2050 par rapport au niveau de 2012, la loi soulève, comme attendu, la question de l’efficacité thermique des bâtiments. Le bâti engloutit aujourd’hui 43 % des dépenses énergétiques des Français. L’objectif est de rénover 500 000 bâtiments par an à partir de 2017, dont 50 % de logements modestes. Ce volet du texte prévoit également de rendre les travaux de rénovation énergétique obligatoires en cas de travaux de ravalement, de toiture, et d’aménagement de nouvelles pièces.  

Afin de rendre le citoyen plus conscient de sa consommation et de ce qu’il pourrait améliorer, le texte prévoit de rendre obligatoire un « carnet numérique » de suivi et d’entretien de son logement dès l’année 2017. Les réseaux d’électricité et de gaz devront alerter leurs clients en cas de surconsommation. Les bâtiments devront également être dotés d’un nouvel indicateur qui évaluera les émissions de gaz à effet de serre. Une mesure qui prendra toutefois effet, non plus en 2015, mais en 2018.

Afin de lutter contre la précarité énergétique, un nouveau titre de paiement sera mis à disposition des ménages les plus modestes. De la même manière qu’un ticket restaurant, le « chèque énergie » pourra être utilisé pour payer les fournisseurs d’énergie ou réaliser des travaux d’économie d’énergie. Le dispositif reste peu détaillé, mais l’on sait que quatre millions de Français pourraient en bénéficier. De plus, un allégement fiscal à hauteur de 30 % du montant des travaux engagés est envisagé dès aujourd’hui jusqu’au 31 décembre 2015, alors qu’un éco-prêt à taux zéro est déjà effectif.

Réduire le gaspillage

L’interdiction des sacs plastique aux caisses des magasins en 2016 a été adoptée, comme attendu, par l’Assemblée. Un amendement a été ajouté lors de la séance : la vaisselle jetable en plastique sera également interdite en 2020, malgré les réticences de la ministre de l’Écologie qui soulignait que les famille modestes la réutilisaient. L’obsolescence programmée des produits, de son côté, pourra juridiquement être punie. L’entreprise contrevenante s’expose à une peine de deux ans de prison et à 300 000 euros d’amende, avec la possibilité, pour les consommateurs floués, de mener une class action

Développer la mobilité durable

Le projet de loi vise aussi à accélérer le développement du véhicule électrique, avec une prime à la conversion pour les automobilistes désireux d’abandonner leur vieille voiture diesel. L’installation de sept millions de bornes électriques d’ici 2030 devrait faciliter leur rechargement. Quant à ceux qui vont au travail à vélo, leur entreprise pourra leur verser une indemnité. Des zones de circulation restreinte pourront également voir le jour dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et les préfets et maires seront autorisés à restreindre la circulation si la mauvaise qualité de l’air le justifie.

 

Laura Cuissard
Journaliste 
@faisonsenvie 

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