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COP28 et enjeu du seuil de 1,5°C : les défis climatiques face à l’urgence d’agir

Selon les dernières prédictions scientifiques, le réchauffement planétaire devrait dépasser 1,5°C dans les années à venir, peut-être d’ici 7 ans, avec des conséquences alarmantes malgré les efforts continus des Conférences des Parties (COP). La barre des 2°C pourrait même être atteinte d’ici 2040. La COP28 s’efforce de maintenir l’objectif de l’Accord de Paris, malgré les défis croissants.

Déjà, l’année 2023, avec plus de 99,5% de chances de devenir l’année la plus chaude depuis 1880, selon l’agence américaine NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), va s’en approcher encore un peu plus que les précédentes. Et, après l’actuel phénomène El Nino boostant le réchauffement, l’année 2024 pourra encore établir un nouveau record. Comme les années 1998 et 2016 après les El Nino apparus en 1997 et 2015. Avec la hausse brutale des moyennes mondiales constatée depuis cet été, le climatologue de la Nasa et lanceur d’alerte historique sur le réchauffement planétaire, James Hansen, estime lui que l’anomalie de température sur 12 mois consécutifs devrait excéder +1,5°C d’ici mai prochain, ou même plus tôt.

L’objectif 2 °C dès à présent menacé

Outre la hausse des températures, la concentration atmosphérique de CO2, moteur de ce réchauffement, va se poursuivre inexorablement à moins que l’Humanité atteigne la « neutralité carbone » de la planète, la seule vraiment valable, bien loin des affichages des États et des entreprises. Mais celle-ci ne devrait pas survenir, au mieux, avant la seconde partie du siècle.

Dit autrement, c’est dès à présent l’objectif de 2 °C qui est menacé par la dynamique de réchauffement d’un système terrestre en « déséquilibre énergétique« . Avec son lot exponentiel de calamités aggravées par rapport à un réchauffement de 1,5 °C, selon le GIEC : sécheresses, canicules, inondations, vents violents, chaos de plus en plus étendus… « Chaque dixième de degré compte », rappellent fréquemment les scientifiques, affirmant désormais de plus en plus haut et clair que l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C est bel et bien « mort« .

Sans l’objectif 1,5 °C, l’Accord de Paris n’existerait pas


La COP28, comme les précédentes conférences sur le climat, s’engage fermement à ne pas abandonner l’objectif crucial de maintenir le réchauffement planétaire en dessous des +1,5 °C. Et ce, même si on peut le considérer « sous assistance respiratoire« . Les négociateurs de la COP28 insistent sur l’importance de ‘maintenir en vie’ cet objectif, malgré les multiples défis et la complexité des solutions envisagées. Bien que le dépassement de 1,5 °C semble inévitable, cet objectif n’a pas encore été officiellement franchi.

Pour que ce soit le cas, les dépassements doivent être répétés sur plusieurs années. Mais ce sera sans doute le cas vers 2030. À l’heure actuelle, nous nous situons autour de +1,2°C. Le maintien de l’objectif de 1,5°C encourage la poursuite d’initiatives ambitieuses et la mobilisation globale, malgré la difficulté de sa réalisation. « Keeping 1.5 alive », disent les négociateurs. Les raisons sont plurielles, de la volonté jusqu’au-boutiste au « technosolutionnisme« , en passant par les questions géopolitiques.

Abandonner l’objectif +1,5 °C, c’est aller au-devant de crises

Officialiser aujourd’hui la « mort » de l’objectif 1,5 °C reviendrait à remettre les petits pays insulaires, tout comme les pays les moins avancés, également en première ligne des catastrophes, dans une situation de laissés-pour-compte des négociations sur le climat, crise à la clé…

Ce serait particulièrement le cas à l’heure de la concrétisation par la COP28 du fonds « Pertes et préjudices ». Un fonds réclamé depuis 30 ans par ces pays et destiné justement à financer les pertes irrémédiables (de PIB) dues aux fléaux climatiques, à la hausse du niveau des mers, à la désertification… Mais ce fonds reste sans objectif financier. Les promesses d’argent s’élèvent à quelques centaines de millions de dollars pour des dégâts déjà estimées à plus de 500 milliards sur 20 ans pour les 55 économies les plus vulnérables.

Au-delà de 1,5 °C, ce coût augmentera de façon exponentielle. Le rapport du GIEC de 2018 qui a détaillé l’explosion de la gravité du bouleversement climatique entre un monde à +1,5 °C et un monde à +2 °C, à la fois pour les sociétés humaines et les écosystèmes naturels terrestres et océaniques.

Des paris technologiques en héritage

Raison supplémentaire pour ne pas « débrancher » les 1,5 °C : tous les scénarios du dernier rapport du GIEC prévoient bien un dépassement dans les prochaines décennies, mais le plus optimiste envisage néanmoins – surprise – une atténuation dans la seconde partie du siècle, en revenant à +1,4 °C en 2100. En clair : on va certes dépasser 1,5°C mais la partie n’est pas encore tout à fait perdue pour la fin du siècle.
Solutions à prendre à l’échelle mondiale : planifier une sortie urgente des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) dépourvues de captage/stockage du CO2, développer toujours plus les énergies bas-carbone (énergies renouvelables principalement) et l’efficacité énergétique, tout en consommant moins.

Dans ce scénario « optimiste », les générations futures finiraient le travail, après 2050, en parvenant à pomper plus de CO2 atmosphérique qu’elles n’en émettraient, grâce aux écosystèmes mais aussi en pariant plus ou moins (selon le niveau de dépassement de 1,5°C) sur le business de la géo-ingénierie d’élimination directe du carbone. Une géo-ingénierie actuellement balbutiante, énergivore et hypothétique à grande échelle. Tout cela reste donc très hypothétique.

A l’heure du premier « bilan mondial » de l’Accord de Paris, destiné à amener les pays à accroître d’ici 2025 leurs politiques et promesses d’efforts aujourd’hui largement insuffisantes, la COP28 en est à un tel stade : multiplier d’ici 2030 la puissance des énergies renouvelables par 3 et l’efficacité énergétique par 2, tenter d’impulser une dynamique de sortie des énergies fossiles… « sans captage-stockage du CO2 ». Et parler de technologies d’absorption du CO2 atmosphérique. Tout cela, pour des résultats aujourd’hui très incertains.

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