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Written by 13 h 53 min Déchiffrer, Planete

Rhône : le débit du fleuve est 40 à 50 % inférieur à la normale

Rhône, Rhin, Elbe, Loire… le nombre de fleuves en souffrance en raison de la chaleur et de la sécheresse de cet été sont nombreux. D’où l’important d’embarquer le grand public dans la transition écologique.

Le 23/08/2022 par Florence Santrot
Pont d'Avignon
Le Rhône au niveau du célèbre pont d'Avignon. Crédit : saiko3p / Shutterstock.
Le Rhône au niveau du célèbre pont d'Avignon. Crédit : saiko3p / Shutterstock.

La situation du Rhône est inquiétante, comme bon nombre de fleuves français et plus globalement d’Europe de l’Ouest. Avec la sécheresse et les vagues de chaleur de cet été, les cours d’eau sont en grande souffrance. Des niveaux si bas que l’on a vu émerger des « pierres de la faim », vieilles de plusieurs siècles, qui étaient restées depuis plusieurs centaines d’années sous le niveau de l’eau. Voilà qu’elles refont surface sur les rives de l’Elbe et du Rhin, par exemple. Et déjà 47 % du territoire européen est confronté à un déficit hydrique, selon l’Observatoire européen de la sécheresse.

« Depuis les sept premiers mois de l’année, le débit moyen du Rhône est de 25 % inférieur à la moyenne des 20 dernières années. Sur ce mois de juillet 2022, le débit est de 40 à 50 % inférieur. Nous n’avons plus aucun apport des affluents. Le principal apport d’eau reste le lac Léman », expliquait début août Cyrille Chaussat, l’adjoint au directeur territorial de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) au Dauphiné Libéré. D’une manière globale, hors situation exceptionnelle comme ces derniers mois, on prévoit une baisse de 50 % à 80 % du débit du fleuve Rhône d’ici 2100. Il y a urgence.

Comment embarquer le grand public dans la transition écologique ?

Les chiffres sont têtus : depuis les accords de Paris, le monde devrait réduire de près de 8 % par an ses émissions de CO2, entre 2020 et 2030, pour maintenir l’augmentation des températures à 1,5 °C. Or, elles ont augmenté de 5 % entre 2015 et 2019… L’effort nécessaire s’avère considérable pour l’humanité. La question se pose de la façon dont on « embarque » le grand public, expression souvent utilisée, en imaginant un « récit », un imaginaire « enviable » qui nous fasse rêver et changer notre mode de vie rapidement.

Des sondages sur le sujet montrent que 20 % des Français sont convaincus de l’urgence, 60 % attentistes mais plutôt favorables et 20 % totalement réfractaires. Il s’agit bien de faire évoluer la majorité. Comme le résumait Emmanuelle Huet, étudiante, membre du collectif « Pour un réveil écologique« , lors des rencontres lancées par CNR : « Nous sommes dans une société qui confond surconsommation et bonheur, liberté et démultiplication des possibles, abondance et confort. Mais ce confort lui-même va être remis en question par les crises environnementales. On nous promet une prospérité purement matérielle. Il faut construire des imaginaires enviables qui ne soient pas juste pensés comme des restrictions. »

Pour arriver à un futur souhaitable, il faut d’abord favoriser un engagement des habitants. 

Léthicia Rancurel, directrice de Tuba Lyon.

Un changement de paradigme nécessaire

Mais a-t-on réellement besoin de ce récit, de cette histoire qui nous fasse bouger ? Pour certains, notre monde est déjà en train de changer, et en profondeur. Dominique Bourg, professeur honoraire à l’université de Lausanne (Suisse), en est convaincu : ce nouveau récit a commencé : « Je n’ai aucun doute sur le fait que nous changions de civilisation. Les prémices datent de Darwin et Lamarck. C’est un phénomène long. Notre rapport au vivant change. Nous ne considérons plus la nature de façon mécaniste et comprenons qu’il existe une intelligence animale et que les plantes font partie du vivant. La société mécaniste et subjective prend l’eau. Donc oui, nous changeons claire- ment de paradigme. »

Face à l’urgence, beaucoup misent sur l’éducation. C’est d’ailleurs l’une des mesures adoptées par la convention citoyenne pour le climat. Sur le terrain, les politiques prennent des mesures dans ce sens : « Quand on me parle de changer de récit, je pense d’abord à l’éducation, insiste Sébastien Giorgis, architecte et adjoint à la mairie d’Avignon. Pour nous, la priorité reste l’école. Nous libérons l’emploi du temps des enfants. Pour les sensibiliser aux questions environnementales. »

Des mesures simples

En plus d’un imaginaire, c’est aussi le pragmatisme qui fera bouger la société. Pour Cendra Motin, députée LREM de l’Isère, si l’éducation s’avère centrale, le portefeuille l’est aussi : « Une étude récente montre qu’une majorité des Français est prête à réduire sa consommation d’eau. C’est bien mais facile. » En revanche, quand il s’agit de rénover et isoler sa maison ou passer à la voiture électrique, cela se complique, en raison de contraintes financières importantes.

« C’est pour ça qu’il faut lancer des mesures simples pour soutenir économiquement les familles, sinon nous n’avancerons pas. D’où le succès de programmes comme Renov ou les primes pour les véhicules électriques. » Mais des intérêts puissants freinent la transition, certains acteurs étant réticents à jouer le jeu.

En particulier ceux qui pourraient créer ce nouvel imaginaire. Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication de WWF, déclarait dans un document de l’Ademe, début 2020 : « La question est de savoir si la publicité va mettre sa puissance et sa créativité au service de la transition écologique en informant mieux les consommateurs ou, au contraire, être un vecteur de résistance au changement en continuant à faire la promotion des valeurs de la société d’hyperconsommation. Le choix que fera ce secteur aura un impact décisif sur la vitesse avec laquelle notre société basculera dans la soutenabilité. »

Des solutions pour nous faire changer

  • Repenser les imaginaires sert à comprendre l’impact de nos actions sur l’environnement. En réalisant, par exemple, avec des outils en ligne, le calcul de sa propre empreinte carbone et identifier ses marges de progrès.
  • Nous devons revoir notre rapport à la science, marqué par la défiance. Surtout la science économique, qui a fait de nous des Homo economicus. Et sortir de cette vision uniquement économique de nos vies.
  • Intégrer les sciences humaines dans les cursus des techniciens et enseigner les sciences dans les cursus littéraires.
  • Les médias ont un rôle à jouer en mettant le vivant au centre des débats. Réconcilier leur temps court avec le temps long de la nature reste un défi.

Texte de François Marot et Florence Santrot.

Cet article a été publié dans le numéro 34 de WE DEMAIN. Il fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec la CNR, Compagnie Nationale du Rhône. Le numéro est toujours disponible à la vente en version papier ou en version numérique.

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