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Emmanuel Macron : « des périodes d’inactivité, nous devons faire des périodes de rebond  »

Dans son programme, le candidat à l’élection présidentielle 2017 dit vouloir « bâtir une France nouvelle » en retrouvant « l’esprit de conquête » des Français. En pratique, ça donne quoi ? We Demain a passé le candidat du centre au révélateur de l’avenir.

Le 28/03/2017 par WeDemain
Dans son programme, le candidat à l’élection présidentielle 2017 dit vouloir "bâtir une France nouvelle" en retrouvant "l'esprit de conquête" des Français. En pratique, ça donne quoi ? We Demain a passé le candidat du centre au révélateur de l’avenir.
Dans son programme, le candidat à l’élection présidentielle 2017 dit vouloir "bâtir une France nouvelle" en retrouvant "l'esprit de conquête" des Français. En pratique, ça donne quoi ? We Demain a passé le candidat du centre au révélateur de l’avenir.

Ses électeurs potentiels sont encore 47 % à se déclarer hésitants. En attendant, le candidat du mouvement En Marche continue à être virtuellement qualifié pour le second tour. Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France publié ce mardi 28 mars, Emmanuel Macron totaliserait 24 % des suffrages, devancé par Marine Le Pen (25 %).
 
Dans une interview accordée à We Demain, parue dans le numéro 17 de la revue, nous avons interrogé le candidat sur les enjeux qui conditionnent notre avenir : érosion de l’emploi, droits des travailleurs, revenu universel, place de l’Europe, implications des citoyens… Comment gouvernerait-il la France dans un monde en quête de nouveaux repères ?
 
We Demain : Nous vivons un changement d’époque sans précédent. Des études prédisent que le numérique et l’automatisation menacent entre 40 et 50 % des emplois existants. Le pensez-vous ? Et par quoi seront-ils remplacés ?

Emmanuel Macron : Le numérique et la robotisation bouleversent le monde du travail. Un nombre croissant de tâches, à partir du moment où elles comportent des éléments de répétition, sont susceptibles d’être remplacées. Où en serons-nous dans dix à vingt ans ? Certaines études estiment que plus de 40 % des emplois existants sont menacés. D’autres jugent que les chiffres seraient plus proches de 15 %.

Une chose est sûre. Des emplois qui furent traditionnellement ceux de la classe moyenne seront profondément déstabilisés : je pense notamment à ceux du secteur bancaire. Y aura-t-il autant de chargés de clientèle dans quelques années qu’aujourd’hui ? La peur du « déclassement » n’a donc rien d’un fantasme incongru et les périodes d’inactivité et de transition vont se multiplier. Nous devons en faire des périodes de rebond.
 

Comment y parvenir ? Par quelle politique ?

Je veux donner les mêmes droits à tous les travailleurs, quels que soient leur âge, leur statut ou leur carrière. Donner les mêmes droits à tous, cela passe d’abord par la mise en place d’une assurance chômage véritablement universelle, couvrant les salariés comme les indépendants, les démissionnaires comme les licenciés. Cela passe ensuite par une réforme complète du système de formation professionnelle, afin que ce système bénéficie aussi à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les personnes au chômage et les travailleurs les moins qualifiés.

Concrètement, nous rendrons ce système plus simple, plus compréhensible, plus transparent. Nous donnerons bien plus de droits à ceux qui en ont le plus besoin, pour qu’ils puissent accéder à des formations longues et apprendre véritablement de nouveaux métiers. Au fond, ce que je veux créer, c’est un véritable service public de la formation et de l’activité.

Car, au même moment, les postes qui nécessitent le plus de créativité et d’innovation d’une part, de contact humain et d’intelligence sociale de l’autre, vont se développer. Des opportunités nouvelles surgissent pour les plus qualifiés comme pour les moins qualifiés, des biotechs à la silver économie. Nous ne devons pas être les spectateurs du changement technologique, ni pour s’en plaindre, ni pour s’en féliciter naïvement. Nous devons en être les acteurs. C’est-à-dire nous donner les moyens d’accompagner les travailleurs des anciens secteurs aux nouveaux.
 

Face à ces mutations, certains, à droite comme à gauche, prônent un revenu universel (ou de base), versé inconditionnellement à tous les citoyens pour assurer les besoins primaires et constituer une sorte de filet de sécurité. Y êtes-vous favorable?

J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet. L’idée peut séduire par sa simplicité, son automaticité. Chez beaucoup, elle permet d’éviter la question que nous abordions : quel avenir offrons-nous à ceux dont les emplois sont menacés par les transformations technologiques ?

Il suffirait, à les entendre, de leur verser une allocation comme solde de tout compte. C’est pourquoi j’y suis défavorable. Je pourrais mentionner les difficultés financières immenses à laquelle elle se heurte. Un revenu universel versé à chacun sans contrepartie et sans tenir compte des ressources serait ou bien d’un montant ridicule, ou bien supposerait une imposition très lourde des classes moyennes.

Mais, plus profondément, je crois que chacun a vocation à avoir accès à la fierté et à l’émancipation que le travail apporte. Personne ne doit être condamné à subsister en marge de la société et à consommer le maigre revenu que les gagnants du changement lui consentiraient. Voilà pourquoi je crois que la véritable promesse progressiste ne consiste pas à distribuer un revenu universel mais à permettre à chacun de vivre dignement de son travail.
 

La société française est construite sur un fonctionnement pyramidal, jacobin, autour de l’État centralisateur. L’abstention et le populisme progressent. Faut-il, et comment, redonner du pouvoir aux territoires, à la société civile, aux citoyens?

Pour transformer le pays, nous devons donner le pouvoir à ceux qui font. Or ceux qui font, ce ne sont pas seulement les étudiants des grandes écoles, les salariés des grandes entreprises, les habitants des grandes métropoles. Ceux qui font, ce sont aussi toutes celles et ceux qui travaillent dans nos services publics, qui innovent dans nos petites entreprises, qui vivent dans des territoires ruraux et dans les quartiers populaires.

Au fond, la vitalité ne vient pas uniquement « d’en haut », ni du cœur de notre société, mais également « d’en bas ». Pour donner le pouvoir à ceux qui font, il faut faciliter l’engagement politique. Cela signifie qu’il faut conduire des réformes concrètes, et avancer par exemple sur le non-cumul des mandats dans le temps : c’est le seul moyen de faire émerger rapidement une nouvelle génération de responsables politiques. Mais il faut également une révolution culturelle, et suivre l’exemple de plusieurs entreprises qui permettent à leurs salariés d’aller se présenter aux élections  — Michelin, par exemple — et, s’ils sont élus, de pouvoir retrouver leur poste à la fin du mandat avec le même avancement que s’ils étaient restés dans l’entreprise.

Pour donner le pouvoir à ceux qui font, il faut aussi donner plus d’autonomie sur le terrain, pour permettre aux gens d’innover, de trouver des solutions, de répondre concrètement aux problèmes qu’ils rencontrent. C’est pourquoi je suis en faveur de l’autonomie des universités ; en faveur de l’autonomie des établissements scolaires ; en faveur de l’autonomie des agents de terrain, dans les établissements scolaires comme dans les hôpitaux ou les commissariats.
 

Faut-il également donner davantage de pouvoir aux collectivités locales?

Oui, pour donner le pouvoir à ceux qui font, je crois qu’il faut franchir un nouveau cap dans le mouvement de décentralisation que nous avons engagé. Aujourd’hui, ce n’est pas un hasard si les maires sont les seuls responsables politiques qui bénéficient encore de la confiance des Français : car ils s’occupent de vrais problèmes ; car ils apportent de vraies solutions ; car ils ne font pas de déficits ; car ils n’esquivent pas leurs responsabilités ; car ils vivent au cœur de leurs administrés. Car ils ne sont pas tenus responsables à chaque élection : ils sont tenus responsables à chaque instant !

Ainsi, je souhaite confier plus de responsabilités encore aux élus locaux, leur donner plus d’autonomie. Et dans le même temps, je suis partisan d’une approche différenciée entre les territoires, car on n’organise pas la vie des gens de la même manière, selon que l’on habite dans une région dynamique ou dans un territoire sinistré.

Ainsi, dans les endroits où les métropoles sont fortes, je veux renforcer leur place en leur permettant d’absorber concrètement les prérogatives et les ressources des départements. Mais à une condition : qu’elles tirent derrière elles l’ensemble de leur territoire. Car nous ne parviendrons à réconcilier les France qu’en recréant une vraie solidarité territoriale. Et dans les territoires ruraux, il faut penser autrement notre organisation, car ce ne sont pas les villes qui peuvent porter le développement. Il faut plutôt privilégier le transfert de compétences aux départements ou aux intercommunalités.

Quoi qu’il en soit, si nous voulons mener une politique sur mesure, vraiment différenciée, nous devrons être à l’écoute des territoires et de leurs élus. Faire confiance aux Français, à leur énergie, à leur volontarisme, à leur capacité d’invention : voilà comment nous accélérerons la transformation du pays.
 

Face à tous ces défis – numérique, environnemental, bioéthique – quelle doit être la place de l’Europe?

Sur tous ces sujets, le bon niveau d’action est européen. Parce que face aux grands défis du moment, l’Europe est à la fois la meilleure manière de nous protéger et la meilleure manière de peser. Face aux Google, Amazon, Facebook ou autres Apple, nous ne sommes crédibles qu’au niveau européen. Car c’est seulement au niveau européen que nous pouvons empêcher les stratégies d’optimisation fiscale et assurer la transparence de leurs modèles, dont notre économie est aujourd’hui trop dépendante.

Face au risque migratoire, la seule réaction efficace est européenne, car c’est uniquement au niveau des frontières de notre Union que l’on peut apporter une réponse à ce drame humanitaire.

Face à Bayer et Monsanto, la France ne peut parler seule : leur chiffre d’affaires est quatre fois supérieur au budget de notre ministère de l’Agriculture… Nous ne pouvons protéger nos préférences et notre alimentation qu’en étant unis au niveau européen. Nous avons en Europe des intérêts totalement liés sur ce point. Mais nous devons renforcer notre action et construire la véritable souveraineté européenne dont nous avons plus que jamais besoin pour progresser. 
 

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