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En 50 ans, notre consommation des ressources naturelles de la planète a triplé

Comment ne pas avoir un tout petit peu honte à la lecture du tout dernier rapport Global Resources Outlook 2024 ? Publié le 1er mars par un groupe international d’experts du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), il fait le point sur la consommation mondiale de ressources naturelles de la planète. Et le bilan est pour le moins inquiétant. En 50 ans, notre consommation en énergies fossiles, en métaux, en biomasse et autres matériaux extraits de la Terre, a triplé au niveau mondial. Avec une distinction importante : les pays riches utilisent six fois plus de ressources. Et ils génèrent dix fois plus d’impacts climatiques que les pays à faible revenu. La honte, donc.

Si on continue à ce rythme effréné de gloutonnerie quant aux ressources naturelles, les experts alertent sur le fait que, entre 2020 et 2060, le rythme des extractions pourrait bondir de 60 %, passant de 100 à 160 milliards de tonnes par an. Mais à quoi servent principalement ces extractions ? Seulement quatre secteurs utilisent 90 % des ressources naturelles extraites. Il s’agit de la construction de bâtiments, de l’agriculture / l’alimentation, des transports et de l’énergie.

Depuis 1970, un bond dans l’extraction des ressources naturelles

En 50 ans, l’être humain s’est montré de plus en plus gourmand en matière de ressources naturelles, faisant fi des limites planétaires. Alors qu’en 1970, on consommait 30 milliards de tonnes par an, ce montant est de 106 milliards en 2020. Rapporté à une seule personne, cela représente une moyenne de 39 kilos de matériaux utilisés en moyenne par jour. D’autant plus dramatique quand on sait que « l’extraction et la transformation des ressources sont responsables de plus de 60 % des émissions liées au réchauffement de la planète et de 40 % des impacts de la pollution atmosphérique sur la santé », indiquent les experts dans leur rapport.

« La triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de la nature et de la pollution est due à une crise de consommation et de production non durables, affirme Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE. Nous devons travailler avec la nature, au lieu de simplement l’exploiter. Réduire l’intensité des ressources liées aux systèmes de mobilité, de logement, d’alimentation et d’énergie est le seul moyen d’atteindre les objectifs de développement durable et, à terme, de créer une planète juste et vivable pour tous. »

La déforestation, ici dans dans la forêt amazonienne, met à mal les limites planétaires. Crédit : luoman / iStock.

10 pays responsables de 70 % des extractions

Le rapport indique qu’en 2020, dix pays étaient responsables de 70 % des extractions de ressources naturelles. Plus d’un tiers du total (environ 31,3 milliards de tonnes) a été extrait en Chine (pour la consommation locale et internationale). Derrière, les États-Unis ont extrait 7,6 milliards de tonnes puis l’Inde 6,6 milliards de tonnes et 4,8 milliards de tonnes au Brésil. Suivent la Russie, l’Australie, le Canada, l’Indonésie, la Turquie et le Mexique. Les scientifiques estiment que 70 % de toutes les terres libres de glace ont déjà été modifiées par l’activité humaine. Des changements qui ont eu des effets sur 3,2 milliards de personnes.

Parmi les pays qui importent le plus de ces matériaux, la Chine arrive une nouvelle fois en tête. Puis viennent le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Allemagne, Taiwan, les Pays-Bas, la Turquie, l’Espagne et Singapour.

Des solutions pour réduire notre consommation de ressources naturelles en conservant la croissance

Dans les conclusions de son rapport, les experts du PNUE estiment qu’il est tout à fait possible de réduire de 30 % la consommation de ressources naturelles là où les niveaux de consommation sont très élevés. Et ce, sans avoir d’impact négatif sur la croissance. « Nous rejetons l’hypothèse selon laquelle la satisfaction des besoins humains essentiels devrait nécessiter beaucoup de ressources », expliquent les experts dans leur rapport. Il faut déjà cesser d’inciter à la sur-consommation et, pour le grand public, retrouver une consommation plus raisonnée, plus sobre. La consommation durable doit devenir la norme.

Une consommation plus responsable et la réduction du gaspillage sont des leviers simples à mettre en place au niveau de chacun. Crédit : Dragos Condrea / iStock

« Des changements alimentaires, réduisant les produits à fort impact, notamment les protéines animales et les pertes et gaspillages alimentaires, peuvent réduire les terres nécessaires à l’alimentation de 5 % d’ici 2060 par rapport aux niveaux de 2020. Et ce, tout en garantissant de manière plus équitable une nutrition adéquate pour tous. Réduire le besoin de mobilité et permettre la mobilité grâce au transport partagé et actif peut réduire les besoins en stocks de matériaux (-50 %), la demande en énergie (-50 %) et les émissions de GES (-60 %) d’ici 2060 par rapport aux tendances actuelles. »

Revenir à une consommation durable est nécessaire

L’utilisation aussi de davantage de matériaux de construction recyclés, la prolongation de la durée de vie des objets, le développement d’une économie circulaire (et plus largement d’une économie légère) peuvent réduire les stocks de matériaux de construction de 25 % d’ici 2060.

Cela entraînera une diminution de 30 % de la demande énergétique et de 30 % des émissions de GES par rapport aux tendances actuelles. Il est donc tout à fait possible, selon eux, de maintenir une croissance de l’économie mondiale tout en améliorant les conditions de vie et en restant dans les limites planétaires. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?!

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