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Face au réchauffement climatique, à quoi ressemblera le transport maritime en 2050 ?

En 2021, les mers ont permis d’échanger quelque 11 milliards de tonnes de marchandises. Le constat est sans appel : le transport maritime est la clé des échanges commerciaux dans le monde. Il représente 90 % du volume et 80 % des valeurs échangés, selon l’Institut français des relations internationales (Ifri). De quoi parle-t-on ? Il s’agit principalement de vrac sec (charbon, minerais, céréales, bois…) et de vrac liquide (pétrole et ses dérivés). Suivent derrière les conteneurs de biens manufacturés (environ 27 % du total). Les principales voies maritimes relient trois grandes régions du monde : Chine, Europe et États-Unis.

Déjà très majoritaire dans les échanges commerciaux mondiaux, le transport maritime est en hausse de manière relativement constante. Depuis les années 50, il enregistre entre 3 et 4 % de croissance par an en moyenne. Une tendance qui devrait se poursuivre dans les décennies à venir. Le volume de marchandises pourrait donc croître de 35 à 40 % d’ici 2050. « Par effet mécanique, il est difficile d’imaginer qu’il en sera autrement. La population mondiale va continuer à grandir et influer sur les échanges maritimes », explique Hervé Baudu, ancien officier de Marine, membre de l’Académie de marine et professeur à l’Ecole Nationale Supérieure Maritime.

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Les « choke points », des lieux stratégiques relativement préservés

Un cargo transportant des conteneurs en train de traverser le canal de Panama. Crédit : Unsplash.

Le canal de Panama et le canal de Suez sont les deux principaux goulets d’étranglement (ou « choke point ») du transport maritime mondial. Le premier, qui relie l’Atlantique au Pacifique en Amérique centrale, voit passer plus de 12 000 navires par an. Le second, trait d’union entre l’Europe et l’Asie au niveau de l’Égypte, capte près de 10 % du commerce maritime mondial. C’est plus de 18 000 bateaux par an. 

« Le canal de Suez ne devrait pas être touché outre mesure par le réchauffement climatique et la montée des eaux. En effet, il communique entre deux mers, Méditerranée et Mer rouge. En revanche, Panama est beaucoup plus sensible à la sécheresse en raison de ses écluses et de son lac d’eau douce au centre dont le tirant d’eau ne cesse de diminuer. Il faudra peut-être limiter la taille des navires à un certain point », note Hervé Baudu.

De nouvelles routes maritimes près des pôles ?

Avec la fonte des glaces se pose la question de l’ouverture de nouvelles routes maritimes près des pôles. Le réchauffement climatique y est en effet 3 à 4 fois plus important que sur le reste de la planète. « Néanmoins, les prévisions du GIEC tablent sur un passage en Arctique entièrement libre de glace une fois tous les 10 ans à partir de 2050, tempère Hervé Baudu. Avec la nuit polaire, il y aura toujours des zones glacées, donc du danger et des aléas sur une route possible entre les ports chinois du nord et l’Europe du Nord. »

Un brise-glace russe dans les eaux de l’Arctique. Crédit : Pexels.

En outre, la Russie peut exercer un contrôle sur les navires jusqu’à 200 milles de ses côtes, en avançant l’argument des risques de pollution. Avec la situation géopolitique actuelle, cette incertitude ne plaît guère aux compagnies maritimes. Elles y voient une entrave à la liberté de navigation. Même chose au nord du Canada, qui ne perçoit pas forcément d’un bon œil l’ouverture d’une voie maritime entre ses îles arctiques. Une zone qu’elle considère comme une mer intérieure, ce qui est contesté par plusieurs pays, dont les États-Unis.

« Reste qu’on ne va pas désorganiser tout pour passer quelques mois par an par l’Arctique. Il y a trop d’inconnues, souligne Hervé Baudu. Qui plus est, les navires s’arrêtent fréquemment sur leur chemin pour desservir des ports intermédiaires. Ce qui ne serait plus possible par ces nouvelles routes. Deux des principaux armateurs mondiaux, le danois Maersk et le français CMA CGM, ont d’ores et déjà fait savoir que ces options ne les intéressaient pas à l’heure actuelle.

Le transport maritime, un des principaux émetteurs de CO2 dans le monde

Le port de commerce de Valparaíso au Chili, sur l’océan Pacifique. Crédit : David Vives / Pexels.

Pesant pour 3 % des émissions de CO2 chaque année, « si le transport maritime était un pays, il se classerait parmi les dix plus grands émetteurs mondiaux« , avaient souligné les gouvernements américain et norvégien lors de la COP27 à Charm El-Cheikh en novembre 2022. Et alors même que l’objectif fixé est une diminution de moitié des émissions d’ici à 2050, il est très probable que ces émissions soient multipliées par deux, en raison de l’augmentation constante des volumes de fret.

D’ici à 2050, il est très probable que les émissions de CO2 du transport maritime soient multipliées par deux, en raison de l’augmentation constante des volumes de fret.

« C’est le moyen de transport le moins polluant si on le rapporte à la tonne transportée, mais cela n’en demeure pas moins un secteur qui génère énormément de gaz à effet de serre. Le premier levier pour limiter l’impact passera forcément par le choix d’un nouveau carburant vert. Hydrogène, méthanol, bioéthanol… reste encore à définir lequel« , conclut Hervé Baudu.

Cet article a été réalisé en partenariat avec le Musée de la Marine.

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