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« Nous sommes en train de créer les harkis du climat »

Prévenir la guerre : répondre aux nouvelles menaces. » C’est autour de cette thématique que le troisième Forum mondial Normandie pour la Paix s’est tenu à Caen les 1er et 2 octobre. Parmi ces nouvelles menaces, les risques environnementaux, qui s’accroissent à mesure que la terre se réchauffe, comme l’ont montré les récentes inondations meurtrières dans le sud-est de la France.

À l’occasion de cette troisième édition, WE DEMAIN a rencontré Hervé Morin, président de la région Normandie.

  • WE DEMAIN : Lors de ce Forum pour la paix, il a beaucoup été question de géopolitique, de diplomatie, mais aussi, et c’est plus nouveau, d’urgence climatique et d’environnement. Ce sont de véritables enjeux pour la paix ?

Hervé Morin : Quand le désert gagne chaque jour du terrain et que des centaines de millions de personnes sont appelées à être déplacées, quand la ressource en eau devient le bien le plus rare, quand la question alimentaire se pose de façon cruciale dans des zones géographiques entières, alors, oui, la question climatique est bien intimement liée  à la paix et la stabilité dans le monde.

Nous sommes en train de créer les harkis du climat, ces gens qui ne sont attendus et accueillis par personne et à qui on donne comme perspective l’insécurité personnelle et alimentaire, le déracinement, la perte de leur culture et peut-être de leur civilisation. C’est un enjeu gigantesque pour la paix et la sécurité.

  • L’une des tables rondes du forum avait pour thème : « Le climat, défis globaux, réponses locales ? » Comment une région peut apporter des réponses au défi climatique ?

Le défi climatique concerne tout le monde. Les grands pays-continents, Chine, États-Unis, Inde… L’Afrique, où la population va tripler en 80 ans. Et les autres pays développés dont la France – même si elle fait plutôt mieux que les autres – car ils sont de gros consommateurs d’énergie.

Mais comme l’ont montré des films comme « Demain » de Cyril Dion, chacun de nous est concerné, même si souvent, conscients de l’enjeu nous avons du mal à adopter les bons comportements.

Les choix faits au niveau local, notamment d’une région,  sont aussi une réponse au défi climatique. La Normandie l’a fait en créant son GIEC (Groupe d’experts sur l’évolution du climat) : 23 scientifiques et chercheurs, dont un co-président également membre du GIEC international. Ils présenteront à la fin de l’année les conséquences du réchauffement climatique en Normandie.

C’est un formidable instrument de pédagogie et un outil d’aide à la décision. Pour le président de région, c’est aider à mettre en œuvre les politiques nécessaires en matière de transports, d’économie ou d’agriculture ; pour les maires, c’est repenser l’urbanisme et la ville autrement puisqu’il y aura 30 à 40 jours de canicule par an ; pour les agriculteurs, c’est changer les pratiques car les ressources en eau vont diminuer de 20 % à l’horizon 2050.

  • Au niveau régional, quelles sont les conditions pour une véritable action dans ces domaines, et quels peuvent être les freins ?

 Il serait déjà bon que l’État fasse le ménage chez lui. Il y a des agences pilotées par personne et des services des ministères aux moyens réduits, chacun agissant de son coté.

Un deuxième ménage doit être fait entre l’état et les collectivités. Il faut une distribution claire des responsabilités. Par exemple, pour les installation classées Seveso, c’est l’État, alors que pour l’économie circulaire, ce sont les régions.

  • Les régions ont donc un rôle clé à jouer sur les questions climatiques et environnementales…

Pour la Normandie, l’environnement c’est 25 millions d’euros par an en plus des orientations qui ne sont pas chiffrées. Notre plan pour le logement durable, c’est 100 millions sur la mandature : logement social, création de nouvelles filières comme le lin produit en Normandie pour les éco-matériaux ou encore développement de l’hydrogène et de l’électrique pour les transports.

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