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Installer chez soi un purificateur d’air intérieur, est-ce vraiment efficace ?

Plus dangereuse que la pollution extérieure, la pollution de l’air intérieur préoccupe de plus en plus les Français. Certains optent pour les purificateurs, dont le marché se développe. Mais pour quels résultats ?

Le 12/05/2017 par Laurent Levrey
Le marché des purificateurs d'air est en plein essor. Crédit : purificateurdair.org
Le marché des purificateurs d'air est en plein essor. Crédit : purificateurdair.org

Depuis les derniers pics de particules hivernaux, la pollution de l’air s’impose comme un enjeu de santé publique. Pourtant, le danger n’est pas tant dans la rue qu’entre quatre murs. Selon L’OMS, la pollution intérieure peut y être jusqu’à 15 fois supérieure !

Fumée de cigarette, bougies, produits d’entretien, virus, bactéries, moisissures ou pollution importée de l’extérieur… Les sources de pollution sont nombreuses, provoquant gênes et maladies respiratoires.

Or « nous passons en moyenne 85 % de notre temps à l’intérieur, ne serait-ce que pour dormir », souligne, dans le Figaro , Valérie Pernelet-Joly, experte à l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

Une brèche dans laquelle les fabricants de purificateurs d’air n’ont pas manqué de s’engouffrer.

Un marché en plein essor

Face à une myriade d’appareils aux prix hétérogènes et aux fonctionnalités différentes, le consommateur peut parfois être un peu perdu.

Des fabricants tels que Philips, Dyson ou encore Rowenta proposent ainsi des purificateurs d’air, dont le prix varie entre 200 et 1 500 euros et qui se déclinent sous plusieurs formes : portables, pour bureau… Certains intègrent même une plante verte.

Interrogé par We Demain, Jérôme Louat, ingénieur chez Environnement S.A, l’une des premières entreprises internationales d’instrumentation d’analyse et de mesure de l’environnement, explique que la capacité de ces appareils est variable :
 

« Certaines méthodes ne fonctionnent que sur un nombre limité de polluants. Exemple : un filtre de taille 1µm ne filtrera que les particules de taille supérieure à 1 µm. Résultat, les plus fines ne seront pas traitées « .

Avec ou sans filtre

On distingue deux types de purificateurs d’air :
 

  • Le purificateur actif, qui aspire l’air de la pièce et la recycle à travers un système de filtre.

 

  • Le purificateur passif (aussi appelé ioniseur), qui ne possède pas de système de filtration mais va émettre des ions négatifs afin que les particules nuisibles tombent au niveau du sol.

 
Parmi les purificateurs actifs, on trouve généralement plusieurs filtres, installés les uns à la suite des autres, voire un seul filtre regroupant ces différentes couches.
 

  • L’air passe d’abord par un pré-filtre, qui récolte les particules les plus épaisses : poils d’animaux, cheveux…
  • Il traverse ensuite un filtre au charbon actif, doté d’un pouvoir absorbant qui retient les odeurs, fumées, certains composés organiques et gaz. C’est le filtre que l’on retrouve dans les hottes de cuisine.
  • Enfin, le filtre HEPA (High Efficiency Particulate Air), aussi utilisé dans les aspirateurs, retient les particules fines grâce à un tissage serré de ses fibres. Selon les marques qui l’intègrent à leur purificateur, il serait capable de filtrer des particules jusqu’à 0,3 micron et à plus de 99,9 %.
 
À noter que les purificateurs à filtres peuvent aussi fonctionner par photocatalyse : l’air est d’abord aspiré, puis poussé à travers des nanotubes de dioxyde de titane dans lesquels les substances polluantes sont détruites par des rayons ultraviolets. Elles sont alors transformées en vapeur d’eau et en dioxyde de carbone.

Si ces dispositifs à filtre semblent attractifs, la question de leur efficacité se pose. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement, qui prépare une étude sur ces questions, précise que peu de travaux scientifiques ont été mené sur le sujet.

En attendant une étude globale, quelques éléments de réponse sont disponibles. Les Numériques, webzine et laboratoire de test indépendant sur la high-tech, a réalisé des tests afin de vérifier quelles particules étaient réellement captées par un filtre HEPA.

Les résultats semblent confirmer la promesse des industriels qui utilisent ce filtre : tous les purificateurs testés ont fait décroître le nombre de particules de manière conséquente. Après l’installation d’un appareil dans une pièce, on passe d’un niveau de 100 000 particules fines à un niveau de 5 000 particules (3 000 dans certains cas).

Les purificateurs sans filtres, eux, font face à un problème d’efficacité : ils ne captent pas toutes les particules, notamment les plus volatiles et difficiles à piéger. Ils ne semblent en revanche pas présenter de risque pour la santé, comme l’affirme l’association UFC Que Choisir.

Des effets secondaires indésirables ?

À l’inverse, les filtres à charbons actifs et à décomposition catalytique peuvent potentiellement générer une pollution externe, plus dangereuse que celle qu’ils éliminent.

Si aucune étude n’a été mené sur les effets indésirables des filtres à charbon, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), a mené une enquête en 2012 sur les effets des systèmes photocatylitiques.

Résultat : le processus de dégradation des particules volatiles peut s’accompagner d’une formation de produits issus de réactions chimiques incomplètes ou secondaires, dont la quantité varie en fonction des conditions environnementales intérieures. En cause, les produits chimiques, laques, fumées de tabac….

Toujours selon la même étude, si les purificateurs par photocatalyse sont susceptibles de détruire les particules volatiles, les micro-organismes et les gaz inorganiques présents dans l’air, leur efficacité reste à prouver en situation réelle :
 

« De nombreuses publications scientifiques font état d’une forte diminution des concentrations de polluants grâce à des systèmes photocatalytiques. Mais rares sont les essais effectués dans des environnements réels ou dans des environnements contrôlés se rapprochant des situations réelles. À l’heure actuelle, leur efficacité reste contestable in situ« .

 
À noter que les filtres à charbon, sous peine d’être encrassés et de perdre en efficacité, doivent être changés au moins une fois par an. Ce qui représente un coût supplémentaire oscillant entre 50 et 120 euros.

Chaque type de purificateur affiche donc des limites, que ce soit par rapport à des coûts d’entretiens (filtre à charbon), à des effets indésirables (photocatalyse) ou encore par manque d’efficacité à traiter certaines particules (ioniseurs).

Avant d’en acheter un, en fonction du ou des critères que l’on souhaite privilégier, il apparait primordial d’effectuer des gestes simples pour éliminer la pollution intérieure. L’enjeu n’est pas tant de recycler l’air que de le renouveler !
 

« En France, en général, et même dans les grandes villes, l’air intérieur est plus polluée que l’air extérieur, explique Jérôme Louat. L’aération va donc demeurer le sujet essentiel, et un premier niveau consisterait juste à prévenir l’occupant qu’il ferait bien d’ouvrir ses fenêtres 10-15 minutes. »

L’expert précise que la problématique est totalement différente dans d’autre pays comme la Chine, où l’air extérieur est souvent extrêmement pollué. L’enjeu est alors de nettoyer l’air intérieur en évitant d’importer la pollution extérieure. Puisque l’inverse prévaut (heureusement) en France, ouvrons les fenêtres !

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