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La lumière bleue est-elle vraiment néfaste ?

Le 17/04/2019 par Albane Guichard
(Crédit : Wikipédia)
(Crédit : Wikipédia)

On la voit partout et tout le temps, du ciel à nos écrans. La lumière bleue tire son nom de sa longueur d’onde, comprise entre 380 et 500 nanomètres, soit la partie bleue du spectre lumineux. C’est la lumière visible la plus chargée en énergie. Elle existe sous forme naturelle dans la lumière émise par le soleil, et de plus en plus sous forme artificielle dans les éclairages LEDs et les écrans.

Une lumière qui suscite des peurs, plus ou moins justifiées. We Demain a démêlé le vrai du faux.

Quelle différence entre lumière bleue naturelle et artificielle ?

Lorsqu’elle approche le bleu turquoise, entre 470 et 500 nanomètres, la lumière bleue est bénéfique pour le corps, elle permet de régler notre rythme circadien (veille la journée, sommeil la nuit). « C’est la bonne exposition à la lumière de jour et l’obscurité la nuit qui permettent une synchronisation optimale de l’horloge biologique et un bon sommeil nocturne« , rappelle l’Inserm. La lumière bleue a même un effet positif sur le moral, d’où la fameuse déprime hivernale.

Mais la partie bleue-violette du spectre, entre 380 et 470 nanomètres, pourrait être nocive pour les yeux. La lumière naturelle contient les deux types de lumières bleue ainsi que d’autres couleurs qui atténuent les effets nocifs du bleu-violet.
 
Les éclairages fluorescents et les LEDS qui composent les écrans émettent pour leur part une quantité de lumière bleue moins importante que le soleil, mais avec un pic de bleu-violet et très peu d’autres couleurs.

La lumière bleue perturbe le sommeil : vrai

La lumière bleue inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone responsable du sommeil. Si la journée, elle permet de se réveiller et de s’adapter au décalage horaire, elle est à éviter le soir car elle perturbe l’endormissement.

Pour un sommeil de qualité, le Dr Christophe Orssaud, neuro-ophtalmologue à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, conseille d’arrêter les écrans deux heures avant de se coucher, mais aussi de bien fermer ses rideaux ou volets : « La nuit, il faut être dans le noir. Une lumière très faible comme 5 lux, qui est plus faible qu’une veilleuse, suffit à décaler l’horloge interne« .

La lumière bleue des écrans fatigue : faux

Vous fatiguez au travail devant votre ordinateur ? Ce n’est pas dû à la lumière bleue, contrairement à ce qu’on lit souvent. « La fatigue oculaire n’est liée qu’à la fixation de l’écran« , affirme le neuro-ophtalmologue. Devant un écran, on a tendance à moins cligner des yeux, et donc à moins les lubrifier.
 
En plus de cet assèchement, la distance à laquelle se trouve un ordinateur oblige les yeux à converger : « On est habitués à regarder au loin avec les yeux droits, ou à regarder de près, pour lire, à une trentaine de centimètres. La distance de l »écran d’ordinateur n’est pas naturelle et fatigue les yeux. »
 
Pour y remédier, voici un exercice à pratiquer : toutes les 20 minutes, lever les yeux et regarder un point à environ 6 mètres, pendant au moins 20 secondes. « Vous pouvez aussi aller à la machine à café ou parler à un collègue, ça a le même effet« , précise le Dr Orssaud. Il s’agit de faire des pauses régulièrement.

La lumière bleue est toxique pour la rétine : vrai mais…

Depuis quelques années, des articles affirment que la lumière des écrans détruit nos rétines, en s’appuyant sur des études comme celle publiée en juillet 2018 dans la revue Scientific Reports. L’étude montre qu’une fois exposée à la lumière bleue, la molécule impliquée dans la vision se mettrait à détruire les photorécepteurs qui nous permettent de voir.

Mais comme l’a rappelé l’Académie Américaine d’Ophtalmologie dans cet article, l’étude a été réalisée sur des cellules qui ne provenaient pas d’un œil humain, et avec une exposition très forte à la lumière bleue qui n’existe pas dans la nature. Idem pour cette étude de l’INSERM publiée en 2017 et réalisée sur des rats dans des conditions extrêmes : les résultats ne sont pas transposables chez l’homme.

La Commission Internationale de l’Éclairage, qui s’est penchée sur les études effectuées, met en garde : « Il n’y a pas de preuve encore établie chez l’humain d’un effet délétère associé à une exposition ponctuelle à des rayonnements optiques dans les limites d’exposition. »

La lumière bleue est plus dangereuse pour les enfants : vrai

La communauté scientifique s’accorde depuis longtemps sur le danger de la lumière bleue chez les plus jeunes. Le cristallin, la lentille de l’œil, est transparent chez les enfants, jusqu’à 6-10 ans. Il ne filtre ni les UV du soleil, ni la lumière bleue.

« Pas d’écrans avant 3 ans et pas plus d’une heure par jour avant 12 ans, les yeux des enfants n’étant pas capables de protéger l’œil comme chez les adultes« , recommande l’Association française pour l’éclairage.

Et pour limiter encore les risques, les parents peuvent éclairer leur maison avec des ampoules LEDs couleur « blanc chaud », moins chargées en lumière bleue que les LEDS couleur « blanc ».

Il faut utiliser des lunettes et des filtres : pas tout le temps

« Chez l’adulte il n’y a pas de recommandation stricte », explique le Dr Orssaud. « On peut conseiller, mais ce n’est pas une obligation, le mode nuit des smartphones et des filtres sur son écran« , comme le logiciel f.lux.

Depuis quelques années, les opticiens vendent aussi des lunettes équipées de filtre. En réalité, ils n’arrêtent que 20% de la lumière bleue et n’ont aucun effet sur la fatigue oculaire, due au fait de fixer un écran.

Pour ceux qui auraient investi dans ce type de lunettes, un usage modéré est conseillé : « On peut par exemple les mettre le soir et quand on est devant un écran, et les enlever quand on sort, car on a besoin de lumière bleue en journée ! »

Face à la peur bleue de la lumière bleue, le Docteur Christophe Orssaud interroge : « C’est un autre débat, mais on peut aussi se demander pourquoi les gens sont en permanence sur leur smartphone… »

 

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