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Le Covid-19 marque le grand retour des appels vocaux

C’est un effet inattendu du confinement, qui a forcé la séparation de familles, couples ou amis. Grapillant du terrain aux SMS et mails, l’appel vocal est redevenu un usage phare de nos smartphones. Et cela semble se confirmer après le déconfinement.

Le 15/07/2020 par Paola De Rohan-Csermak
Les deux premiers jours du confinement, l'utilisation de la voix a doublé. (Crédit : Shutterstock)
Les deux premiers jours du confinement, l'utilisation de la voix a doublé. (Crédit : Shutterstock)

Nos opérateurs de téléphonie mobile s’avouent surpris : les abonnés utilisent davantage leur téléphone pour téléphoner ! Le confinement a provoqué « une explosion du trafic voix sur mobile qui avait tendance à diminuer ces dernières années », a révélé en mai Fabienne Dulac, DG d’Orange France, à Ouest-France. 

Selon les informations recueillies auprès de Laetitia Orsini, directrice des offres multiservices du même opérateur, « la voix » a doublé les deux premiers jours du confinement, les 16 et 17 mars, comme chez Bouygues et SFR, et triplé pendant tout le reste de la période, tous modes d’appels confondus (sur réseaux 2G, 3G, 4G, ou WiFi).

​Une tendance stable même post-confinement

Même constat « d’explosion » outre-Atlantique, chez AT&T, deuxième plus grand opérateur télécom américain. « Entre le 1er mai et le 1er juillet, les appels 4G ont augmenté de 33 %, et les appels via le Wi-Fi de 87 % », détaille Megan Daly, porte parole de AT&T. Verizon, le premier opérateur, signalait en mars une moyenne de 800 millions d’appels en 4G par jour, plus du double du nombre d’appels passés le jour de la fête des mères, jour traditionnellement le plus chargé de l’année !

Après le déconfinement, en France, le trafic a diminué progressivement, sous l’effet de la baisse de la durée des appels, mais début juillet il restait de 15 % supérieur aux quinze premiers jours de mars.

« [Voice] became the cool new app in 2020 », commentait en mai sur CNN Chris Sambar, vice-président d’AT&T. 

Contre toute attente, dans les États réputés technophiles, le téléphone se révèle même l’application la plus efficace pour freiner le Covid-19 et assurer le « contact tracing » des malades. À Singapour, le gouvernement a choisi en avril d’investir dans des plateformes téléphoniques car TraceTogether, l’application officielle de traçage, n’a été téléchargée que par 20 % de la population, souligne Tomas Pueyo dans Medium, le 28 avril.

« Des ‘contact tracers’ appellent les personnes infectées par le virus, signalées par le médecin, les interrogent une à une avant de faire de même pour leurs contacts », explique-t-il.

​La voix, un lien plus fort que l’écrit

Aux USA également, c’est le bon vieux coup de fil qui permet d’identifier les personnes potentiellement contaminées et contagieuses. En France, où quelque 2 % de la population ont équipé leur smartphone de l’appli StopCovid, les agents de l’Assurance Maladie appellent les contacts des personnes malades, signalés par leur médecin, afin de suivre et casser la chaîne de contamination du Covid-19. 

En cette période marquée par le « care », le souci et le soin de l’autre, notre voix joue un rôle inégalé par l’écrit, pour soutenir les personnes fragiles et isolées. D’où l’injonction répétée par nombre de maires, cet été encore, de privilégier les appels téléphoniques pour « vérifier si tout va bien ».

« Les études sur le bonheur le montrent : plus on a d’interactions sociales et plus on est heureux. Or le lien qui s’établit lors d’une conversation téléphonique est l’un des plus gratifiants, car l’un des plus difficiles », explique Valentin Flaudias, docteur en neurosciences et psychologue au CHU de Clermont-Ferrand.

« Le débit de l’interlocuteur, ses silences, l’intonation de sa voix, ses propos sont autant d’infos à traiter et à décoder, en mobilisant mémoire et compréhension. On n’imagine pas la stimulation cérébrale et les émotions que peut susciter un simple ‘allô’… »

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