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Une appli de contraception « naturelle » financée par le lobby anti-avortement

Le 06/06/2019 par Albane Guichard
L'application propose de favoriser ou éviter une grossesse en observant son cycle menstruel, sa glaire cervicale, ou avec d'autres méthodes dites naturelles'' (Crédit : FEMM)''
L'application propose de favoriser ou éviter une grossesse en observant son cycle menstruel, sa glaire cervicale, ou avec d'autres méthodes dites naturelles'' (Crédit : FEMM)''

Les méthodes de contraception dites « naturelles » reviennent à la mode, et de nombreuses applications dédiées voient le jour. Mais attention : ces services qui promettent de réguler les naissances grâce à une observation rigoureuse du corps (cycles menstruels, état de la glaire cervicale, température…) sont loin d’être fiables.

L’une de ces applications, FEMM, est même au coeur d’un scandale. Derrière ses supposés conseils médicaux, elle véhiculerait une idéologie anticontraception et anti-avortement.

C’est ce que révèle le quotidien britannique The Guardian dans un enquête  publiée jeudi 30 mai. Téléchargée plus de 400 000 fois dans 161 pays, dont la France, FEMM est présentée comme une application permettant de « favoriser ou différer une grossesse ».

Une appli de contraception « naturelle » anti-pillule

L’application remet en doute la fiablité, pourtant avérée, de la pilule contraceptive. Selon l’OMS, utilisée correctement, cette dernière est efficace à 99,7 %. Les méthodes de contraception « naturelles » le sont, elles, beaucoup moins (taux d’échec de 24 % pour la méthode du calendrier selon l’Agence fédérale américaine de la santé.) 

Sur le site de la FEMM, le Docteur Lindsay Rerko – médecin généraliste et non pas gynécologue – affirme  également que les contraceptifs « provoquent des maladies et dégradent la santé ».

Les utilisatrices de l’application se voient proposer des tests hormonaux avec des « spécialistes », afin de « diagnostiquer et traiter » des problèmes d’acné, de ménopause, d’obésité, mais également des pathologies comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques, sans pour autant préciser en quoi consiste leurs protocoles médicaux.

Lire aussi : Contraception connectée : “Nos grands-mères doivent se retourner dans leurs tombes ! »

Une application américaine mais des médecins chiliens

L’application est américaine, mais les conseillers médicaux affiliés ont étudié la médecine dans des universités au Chili, où l’IVG est toujours illégale (sauf en cas de viol, d’inceste, si la vie de la mère est en danger, ou si le foetus présente une malformation fatale).

Comme l’a relevé le Guardian, au moins deux des médecins de FEMM n’ont pas le droit d’exercer aux États-Unis, une information confirmée par la PDG de la FEMM Foundation, Anna Halpine.

Dans les conditions d’utilisation, il est précisé que « cette appli ne fournit pas de conseils médicaux ». Pourtant, un « suivi médical » y est proposé, et l’application incite à aller consulter ses propres spécialistes.

Financée par des groupes anti-avortement

The Guardian révèle aussi que l’application est financée en grande partie par la Chiaroscuro Foundation, une association caritative catholique, anti-avortement et anticontraception. Depuis 2013, Chiaroscuro a donné près de 3,7 millions de dollars (soit 3,29 millions d’euros) à la FEMM Foundation.

D’autres dons, dévoilés par l’enquête, aggravent encore le scandale. Entre 2016 et 2017, la FEMM Foundation a reçu plus de 446 000 dollars (soit plus de 396 000 euros) de la World Youth Alliance, une ONG de défense de la « dignité humaine », anti-IVG et dont la fondatrice n’est autre que… Anna Halpine, la PDG de FEMM.

Interrogée par le quotidien britannique, elle a répondu que “FEMM n’aborde pas la question de l’avortement et ne travaille pas sur ce sujet »  mais n’a pas commenté le financement par des donateurs anti-IVG.

Le siège de la FEMM Foundation et celui de la Word Youth Alliance se trouvent à l’exacte même adresse à New York.

Et lorsque que le Guardian a appelé le Reproductive Health Research Institute, le centre de recherche dont la FEMM tire ses informations « scientifiques », le ou la réceptionniste s’est présenté(e) comme étant de la World Youth Alliance.

L’application FEMM n’a pas encore réagi à la publication de l’enquête du Guardian. Les utilisatrices, elles, sont désormais prévenues.

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