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Autonomie énergétique : ils produisent leur propre gaz à la maison

Le 11/03/2019 par Alice Pouyat

Au menu, ce midi, dans un jardin toulousain : penne aux champignons. Un repas banal si ces pâtes n’étaient cuites… au gaz maison, fabriqué sur place, en circuit court… à partir de déchets organiques. Les cuisiniers du jour sont les membres de Picojoule, une association qui promeut la production de gaz domestique et met au point un méthanisateur destiné aux particuliers.

Économique et écologique, la microméthanisation est courante dans les pays dits émergents : chaque jour, par exemple, des millions de Chinois cuisinent avec du biogaz fait maison. En France, la méthanisation se développe au niveau industriel mais quelques citoyens en quête d’autonomie énergétique brûlent d’envie de jouer, eux aussi, les apprentis gaziers. Demain, nos maisons seront-elles de petites usines à gaz ?

La méthanisation : « un peu comme l’estomac d’une vache »

Pour initier les bricoleurs à la méthanisation, Picojoule organise chaque trimestre des formations « Viens jouer avec le feu ». Une démarche qui a retenu l’attention du Low-tech Lab : ce mouvement citoyen repère les innovations technologiques simples et durables dans le monde entier en cherchant à les rendre accessibles au plus grand nombre. De passage à Toulouse, le Low-tech Lab a réalisé avec Picoujoule une vidéo pédagogique et un tutoriel en ligne expliquant le fonctionnement de cette low-tech.

« Un méthanisateur, c’est un peu comme l’appareil digestif d’une vache », résume Pierre Delrez, 38 ans, de Picojoule. Premièrement, il faut nourrir la bête : tous les déchets biodégradables, restes alimentaires ou tonte de pelouse, peuvent être jetés dans le « biodigesteur », un gros bidon en plastique. Là, des bactéries, récupérées par exemple dans du fumier de vache ou de cheval, vont dégrader doucement ces déchets. Et les transformer, d’un côté en gaz (précisément en méthane et en CO2), de l’autre en « digestat », un super fertilisant. Le Low-tech Lab calcule que le prototype, en l’état, permet de cuisiner trois fois une demi-heure par semaine. Sûrement davantage à l’avenir, sur un modèle plus gros.

Valoriser les déchets

Car pour l’instant ce méthanisateur reste expérimental. Il doit être perfectionné et sécurisé, reconnaissent les bricoleurs. Une commercialisation en kit est envisagée, courant 2019, autour de 600 euros, mais l’objectif de l’association est surtout de promouvoir un état d’esprit. « L’idée est de sensibiliser le grand public à la valeur des déchets. Montrer qu’on peut les réduire, les réutiliser, initier les enfants aux cycles de la nature », poursuit Pierre Delrez de Picojoule.
 

Il ajoute : « C’est une façon sympa de boucler la boucle : les restes de nos repas permettent de cuisiner et de cultiver notre jardin. »

Un procédé qui attise aussi l’intérêt d’entreprises. Une start-up israélienne, Homebiogas, commercialise un biodigesteur prêt à l’emploi à installer dans son jardin, qui, d’après les constructeurs, peut produire jusqu’à deux heures de gaz par jour. Plus de 3 000 exemplaires auraient été vendus dans 90 pays, dont une trentaine en France. Coût du produit : 550 euros. L’entreprise Engie qui cherche à développer la production de gaz local et renouvelable a senti le potentiel de cette invention : en juillet 2018, elle a investi à hauteur de 13 % dans le capital d’Homebiogas. Une autre entreprise française, Enerpro, développe de son côté un biodigesteur enterré sous une dalle en béton qui recycle, en plus des déchets, les eaux usées de la maison.
 

Verrous réglementaires

Restent quelques freins. Le fonctionnement d’un biodigesteur est optimal si la température ambiante est supérieure à 20 °C… En hiver, il est donc conseillé de couvrir l’appareil, de le rentrer dans une grange ou d’ajouter des probiotiques… Mais le principal obstacle est la réglementation. Si seuls des déchets végétaux sont recyclés, une autorisation demandée en préfecture suffit. Mais si d’autres matières sont ajoutées (déchets de viande, déjections…), l’installation est considérée comme une usine de traitement de déchets. « La procédure d’enregistrement coûte alors 10 000 euros ! », regrettent Picojoule et le Low-tech Lab.

« Ces systèmes demandent des analyses indépendantes, pour mesurer leurs performances, leur impact sur l’homme et sur l’environnement, les risques de fuite de gaz ou de germes pathogènes », prévient Julien Thual, ingénieur de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). « Toutefois, il n’est pas impossible de lever ces verrous », reconnaît Julien Thual. Il y a quelques années, les mêmes problèmes freinaient le développement de méthaniseurs dans les exploitations agricoles. Depuis, le ministère de l’Agriculture a mis les gaz. Il vise un millier d’installations en 2020.

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