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Élizabeth Tchoungui (Orange) : « Notre nouveau câblier hybride a été pensé pour être bien moins énergivore »

Le 22 septembre 2023, le nouveau navire câblier d’Orange Marine, le Sophie Germain, a été inauguré à La Seyne-sur-Mer, au bord de la Méditerranée. Ce navire a pour mission de réparer des câbles sous-marins de télécommunications défectueux. Il pourra aussi s’occuper des câbles d’énergie reliant les éoliennes offshore. Le bateau sera appelé à intervenir aussi bien en Méditerranée qu’en mer Noire, en mer Rouge… partout où ses compétences sont nécessaires. Avec une spécificité : ce navire hybride est bien moins énergivore que ses prédécesseurs.

Construit dans les chantiers navals Colombo Dockyard au Sri Lanka, il porte le nom de Sophie Germain (1776-1831). Cette experte en théorie des nombres – mathématicienne et philosophe – avait dû, dans un premier temps, se faire passer pour un homme sous le pseudonyme d’Antoine Auguste Le Blanc avant d’être finalement reconnue. Elle est devenue la première femme à recevoir le prix de l’Académie des Sciences. Élizabeth Tchoungui, Directrice Exécutive en charge de la responsabilité sociétale d’entreprise du groupe Orange, revient sur l’engagement important pour l’environnement dans la construction du bateau.

486 câbles sous-marins sont répartis aujourd’hui au fond des océans. Orange Marine en a installé 263 000 kilomètres sur les 1,3 million de kilomètres au total.

WE DEMAIN : Le Sophie Germain est un navire hybride. Qu’est-ce que cela signifie ?

Élizabeth Tchoungui, Directrice Exécutive en charge de la responsabilité sociétale d’entreprise du groupe Orange.

Élizabeth Tchoungui : Les navires de réparation sont d’une importance stratégique. Près de 99 % des données internet mondiales transitent par les câbles sous-marins. Le Sophie Germain – long de 100m sur 18m de large – vient remplacer le plus ancien câblier de notre flotte. Il s’agit du Raymond Croze, lancé en 1984. Ce nouveau bateau reflète l’engagement fort du groupe Orange – qui possède 15 % de la flotte mondiale des navires câbliers – en faveur de l’environnement. Dans son cahier des charges, il y a notamment une réduction de 25 % de sa consommation de carburant par rapport à la moyenne des navires câbliers en service.

Pour y parvenir, nous avons fait construire un bateau hybride, doté d’un système de batteries. Quand il est à quai, il ne consomme pas de carburant mais de l’électricité. Par exemple, à La Seyne-sur-Mer ou à Brest, nous allons utiliser des panneaux solaires pour alimenter le navire. Le but est de faire en sorte qu’il n’y ait aucune émission de CO2 quand il est à quai. Et même en navigation, ce mix entre groupes électrogènes et batteries permet de réduire la consommation de carburant.

À quai, le Sophie Germain a été conçu pour ne pas émettre de gaz à effet de serre. Crédit : Orange.

Quelles autres solutions ont été retenues pour limiter son empreinte carbone ?

Elles sont nombreuses : il a fallu environ un an et demi pour définir le cahier des charges du Sophie Germain. Nous avons réalisé des études en hydrodynamisme dans l’eau mais aussi pour nous assurer d’une prise au vent réduite. Le bateau intègre aussi la technologie Azipods, qui intègre des moteurs à propulsion azimutale qui peuvent s’orienter à 360°. Cela le rend très manoeuvrable tout en nécessitant moins d’énergie pour conserver un cap défini.

Par ailleurs, afin de réduire l’empreinte environnementale en termes d’oxydes d’azote, le navire dispose d’un système que l’on pourrait comparer au pot catalytique des voitures roulant au diesel. Cela réduit de 42 % les émissions d’oxyde d’azote. Et globalement le bateau va émettre 20 % de CO2 en moins.

Des mesures ont aussi été prises pour réduire l’impact de l’activité des personnes à bord ?

Oui, pour ce qui est de la vie à bord, la cinquantaine de personnes sera capable de vivre en autarcie pendant 35 jours grâce à la capacité du navire à stocker 400m3 d’eau douce. Au besoin, le Sophie Germain est aussi doté de bouilleurs pour transformer l’eau de mer en eau douce en la portant à ébullition sous vide. Enfin, tout un processus a été mis en place dans le but de réduire les déchets et les retraiter à terre.

4000 tonnes d’acier, 100 mètres de long, 18 mètres de large… Le Sophie Germain a reçu la classification « CLEANSHIP » (contrôle de la détection des fuites de gaz réfrigérant, revêtement antisalissure spécial, grande capacité de stockage des déchets, etc.). Crédit : Orange.

Le coût de construction de ce navire hybride – 50 millions d’euros – a nécessité de longs arbitrages pour faire accepter le projet en interne ?

En effet, opter pour un navire hybride est plus coûteux à la construction. Il serait faux de dire qu’il n’a pas été nécessaire de batailler pour faire valider le projet. Mais le groupe a décidé de prendre en compte les nombreux intérêts sur le long terme. Ce navire est bien moins énergivore à l’usage donc le surcoût sera compensé au fil du temps. Le bateau a été pensé pour naviguer une quarantaine d’années environ.

Mais c’est surtout très symbolique de ce qu’on peut faire chez Orange en la matière. Le Sophie Germain cristallise ce qu’est ce groupe et son engagement en matière d’environnement. C’est aussi un excellent modèle pour nos prochains bateaux. Nous pourrons nous baser sur cet exemple quand il sera nécessaire de remplacer un des six autres bateaux câbliers de la flotte.

Quant aux câbles sous-marins déployés tout autour du monde, quel est leur impact sur les écosystèmes des océans ?

Les câbles de fibre optique sont de faible taille et peu encombrants donc ils ont très peu d’impact. Le rayonnement électromagnétique est très faible. Quand on les relève pour les remplacer – ils peuvent avoir une durée de vie jusqu’à 25 ans –, nous avons mis en place un circuit de recyclage. Nous profitons aussi de leur mise en place pour accompagner des initiatives environnementales, telles que Euro-Argo. Il s’agit d’un programme international qui coordonne la collecte des informations sous-marines.

Nous avons aussi à intervenir sur les câbles abîmés, ce qui arrive très régulièrement. Dans ce cas, nous utilisons notre ROV Alpha. C’est un robot sous-marin de dernière génération, équipé de sonars, caméras et détecteurs de métaux. Il est capable d’intervenir à 3 000 mètres de profondeur pour réparer un câble endommagé. Il coupe, inspecte et enfouit les câbles. La plupart du temps, ce sont des causes humaines qui sont à l’origine de ces incidents. Notamment, le chalutage de fonds de la pêche de contrebande. Mais il peut aussi y avoir des causes naturelles comme des tremblements de terre sous-marins.

Le ROV Alpha d’Orange est un robot de 6 mètres de long qui pèse 12 tonnes. Il utilise 450 kW de puissance et a nécessité un budget de 6 millions d’euros pour sa construction.

Source : Orange

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