Pour ne jamais aller en maison de retraite, ces seniors ont bâti leur coopérative d’habitants

« Le troisième âge est devenu un véritable business où l’on propose à des investisseurs de placer leur argent à 6 % pour construire des parcs à vieux », s’insurge Patrick Chrétien, un instituteur à la retraite. Plutôt que de payer « 2 000 euros par mois pour se faire animer », lui et une vingtaine d’amis jeunes retraités ont opté en 2009 pour une solution originale : construire un habitat collectif, adapté au grand âge, convivial et écologique.
 
Un défi pour ces sexagénaires, notamment auprès des banques et des collectivités qu’ils ont réussi à convaincre afin d’obtenir trois prêts à hauteur d’1,9 million d’euros et négociés… sur cinquante ans. « Lorsque j’ai demandé cette somme à mon banquier, sa première réaction a été de tousser », en rit encore Patrick. « Et puis il a réalisé qu’il n’y avait pas plus de risque qu’avec n’importe quelle entreprise. Si l’un de nous s’en va, un autre prendra sa place. »

Immeuble en paille

Après quatre ans de conception et deux ans de travaux, le bâtiment baptisé Chamarel – Les Barges – du nom de leur coopérative d’habitants – est enfin sorti de terre dans la commune de Vaulx-en-Velin, en banlieue de Lyon. D’une hauteur de quatre étages, celui-ci est isolé en paille et comporte quatorze T2 de 45 m2 et deux T3 de 63 m2 dans lesquels l’emménagement est prévu cet été.
 
En plus des appartements, l’immeuble contient de nombreux espaces collectifs : trois chambres d’amis pour recevoir les enfants et petits-enfants, une salle commune avec cuisine, un atelier bricolage, une buanderie, un bureau pour l’association Chamarel, un local à vélo, un parking, des jardins… Et même des ruches sur le toit !

https://twitter.com/assovad/status/803230755367239680

Vivre ensemble contre « parcs à vieux »

« Contrairement à une résidence classique pour séniors où chacun est enfermé chez soi, nous avons fait le choix du vivre ensemble », explique Patrick Chrétien. Ici, pas de chefs : les décisions sont prises au consensus parmi les futurs habitants du projets. « C’est une mécanique un peu plus lente que le vote mais les décisions sont beaucoup plus solides dans la durée », estime Patrick.
 
Exit également la spéculation immobilière : pour vivre dans ce petit immeuble écologique, chacun devra payer un loyer mensuel compris entre 600 et 800 euros. Plus une part sociale d’environ 30 000 euros, ajustée selon les moyens de chacun et qui ira à la coopérative. Si l’un d’eux doit un jour partir, cette somme lui sera remboursée au centime près, avec l’inflation mais sans prendre en compte les variations du marché de l’immobilier.

https://twitter.com/ArmandCreus/status/669810277785985024

Coopérative d’habitants

Un montage juridique complexe, pour lequel les retraités de Chamarel ont reçu l’aide d’une autre association : Habicoop. « En 1971, l’Etat a aboli le statut des coopératives d’habitant et il nous a donc fallu être créatifs en utilisant les statuts existants. D’où le choix d’une SAS assujettie à la loi sur les coopératives de 1947 », explique Valérie Morel, sa coordinatrice. « Grâce à l’exemple de Chamarel mais aussi celui d’autres collectifs comme les Babayagas ou le village vertical de Villeurbanne, l’Etat a finalement admis nos revendications et réintroduit l’habitat participatif dans la loi Alur de 2014. »
 
Une victoire qui devrait permettre la multiplication de ce genre d’initiative. « On a des demandes qui émergent de partout en France », se réjouit Valérie Morel. « Mon téléphone n’arrête pas de sonner ! ». Si le prix est bien sûr un facteur clé, l’habitat groupé pour personnes âgées répond, selon elle, à un besoin croissant « d’autogestion et de respect de la personne ». Ça, et le plaisir de consommer son miel fait maison.
 

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