Le réchauffement climatique est un enjeu de santé physique mais aussi mentale. Serons-nous bientôt tous malades du climat ? L’éco-anxiété, ou la détresse psychologique liée au changement climatique, gagne du terrain, en particulier chez les jeunes générations. Huit Français sur 10 se disent inquiets face au changement climatique, d’après le rapport annuel du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur l’état de la France, paru le mercredi 25 octobre 2023. Une étude du The Lancet Planetary Health publiée en 2021 montre que, sur 10 000 jeunes de 16 à 25 ans interrogés dans dix pays, près de 70 % ont déclaré être “très inquiets” ou “extrêmement inquiets” du changement climatique.
L’anxiété et la dépression sont les troubles les plus répandus, conditionnant la vision d’un avenir sombre pour la société. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) confirme, lui aussi, avec une “très grande confiance” que le changement climatique nuit à la santé mentale. Selon eux, les problèmes comme l’anxiété, le stress et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) se multiplieront à mesure que les températures augmenteront et que les événements météorologiques extrêmes se feront plus fréquents.
Les vagues de chaleur peuvent exacerber les troubles mentaux comme la schizophrénie et la psychose, aggravant les pathologies aiguës et chroniques chez les personnes âgées, les enfants et les jeunes adultes. Les “malades du climat” sont une réalité. Une étude italienne a révélé une augmentation de 45 % du risque de mortalité d’origine neurologique et de 41 % de mortalité d’origine psychiatrique liée aux fortes températures entre 2006 et 2015.
Les vagues de chaleur, notamment, sont associées à des troubles de l’humeur et du comportement, y compris une augmentation du comportement agressif et de la criminalité. Des liens entre des températures élevées et une augmentation du risque de suicide ont aussi été constatés, avec une plus forte proportion chez les hommes (étude Thompson et coll., 2018). Certains médicaments, comme les antipsychotiques et les antidépresseurs, peuvent également accroître les effets néfastes de la chaleur en inhibant la transpiration, en diminuant la pression artérielle et la thermorégulation, et en réduisant l’état de vigilance.
Selon le GIEC, les enfants, les adolescents, les personnes âgées et celles souffrant de maladies préexistantes sont particulièrement vulnérables aux risques pour la santé mentale liés au climat. Les catastrophes environnementales sont souvent associées à des effets néfastes directs comme le TSPT et la dépression, notamment après des inondations. Des effets indirects sont également connus, tels que les conséquences sur la santé mentale des migrations forcées par les catastrophes naturelles et les conflits. Exposés à divers facteurs de stress, avec souvent un accès très restreint aux services de santé mentale, ils sont particulièrement exposés mais aussi démunis.
Dans une enquête de 2020 sur la santé mentale des migrants arrivant en France, il s’avère que 35,91 % des personnes migrantes interrogées déclarent avoir eu l’expérience d’un trouble psychique, dont 67,50 % de femmes. Sur ces personnes touchées, “14,67 % rapportaient souffrir de phobies, 14,54 % d’accès de panique, 9,37 % d’épisode maniaque, 8,34 % de troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) et 6,37 % d’état de stress post-traumatique, rapportent les auteurs de l’enquête. De plus, 4,97 % des personnes déclaraient avoir déjà eu des états dépressifs/idéations suicidaires, 0,83 % avaient déjà tenté de se suicider et 0,77% rapportaient avoir déjà expérimenté des hallucinations auditives ou visuelles. “
Le changement climatique et la pollution de l’air sont profondément liés, chacun exacerbant les effets de l’autre. De nouvelles preuves montrent une corrélation entre la pollution de l’air et la dépression, les troubles anxieux et certains symptômes de détresse mentale. Fin 2023, une étude menée à Rome a évalué, sur les plus de 30 ans, la relation entre l’exposition aux polluants (PM2.5, le NO2, carbone, microparticules…) et l’incidence des troubles psychiatriques.
Les 1,7 million d’habitants adultes vivant dans la capitale italienne sont trois fois plus exposés aux PM2.5 que la limite suggérée par l’OMS (organisation mondiale de la santé). En outre, l’augmentation des particules atmosphériques a été associée à une augmentation significative de la schizophrénie, des cas de dépression et des troubles liés à l’anxiété et au stress. Mais il est possible de contrer ces effets en réduisant les niveaux de pollutions : réduire de 10 % la pollution aux particules fines à Rome pourrait diminuer les problèmes de santé mentale courants de 10 à 30 %.
Avec une prévalence de 13 % selon l’OMS, les problèmes de santé mentale sont en augmentation dans le monde. Étudier le rôle potentiel des facteurs de risque environnementaux, comme la crise climatique, sur les maladies psychiatriques représente un objectif de santé publique pertinent. De plus en plus de preuves démontrent l’influence de ces facteurs sur la santé mentale. En l’absence d’interventions visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre, ces risques sont voués à s’accroître, aggravant l’impact sur la santé.
Il est crucial de planifier des mesures d’atténuation et de prévention, de promouvoir la recherche impliquant experts et cliniciens, ainsi que d’impliquer les décideurs politiques, la population et les associations pour entreprendre des actions de prévention éclairées afin de prendre en charge ces “malades du climat” le plus tôt possible et dans les meilleures conditions.
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