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Gamelles Pleines : aider l’animal pour sauver le maître

🐾 Place de la République, les membres de l’association Gamelles Pleines, en gilets rose fluo, officient dans un tonitruant concert d’aboiements. Tous les mardis de 19h30 à 21h30 ils distribuent croquettes et jouets canins, à quelques mètres du stand des Restos du cœur. Sissy et Gary, Alpha et Jordan, Sam et Jean-Guy… les bénévoles parlent de « binômes », pour désigner les duos fusionnels entre les maîtres sans-abris et leur chien. Fondée en 2008, l’association prend soin de ces binômes en apportant une aide alimentaire et vétérinaire aux animaux (chiens, parfois chats).

🦮 « Et l’humain, dans tout ça ? ». À cette remarque courante, Yohann, le fondateur, répond systématiquement : « une laisse, ça a deux bouts ». Autrement dit : aider l’animal, c’est parfois sauver le maître. Et inversement. « Il y a 12 ans, un monsieur, épuisé de voir souffrir son chien avait planifié son suicide. Nous avons pris en charge l’animal pour l’aider à partir sans souffrance et soutenu le maître dans son deuil. Depuis, il vit dans une petite maison et passe nous voir régulièrement », s’émeut le fondateur. Le pôle parisien des Gamelles Pleines, ouvert en 2017, appartient à une fédération nationale de plus de 300 bénévoles qui compte des antennes dans 13 grandes villes françaises.

En 2023, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Quinze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour des initiatives dans les territoires. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.

« Quatre pattes pour se relever »

🐶 Si des gamelles se remplissent partout en France, c’est parce que le projet part d’une réalité de terrain très concrète : les chiens sont très souvent exclus des structures d’hébergement d’urgence. Les maîtres préfèrent donc se priver d’un toit pour la nuit, plutôt que d’abandonner leur animal. Certains renoncent même à se soigner eux-mêmes pour ne pas laisser leur chien seul.

gamelles pleines
Distribution du mardi soir, place de la République, l’an dernier. Ce soir-là, 26 bénéficiaires sont venus sur place, dont de nombreux nouveaux. Crédit : Gamelles Pleines.

🐕 Dans ce cas, les familles d’accueils de l’association se chargent de garder les animaux pendant les périodes d’hospitalisation. Les bénévoles militent également auprès des services sociaux pour que les animaux y soient bienvenus car, comme l’indique le slogan de la fédération des Gamelles Pleines, parfois il faut « quatre pattes pour se relever ». 

À la vie à la mort

🏥 « Mon chien, c’est toute ma vie », raconte Jordan, 24 ans, couvant Alpha, son majestueux chien-loup blanc et gris du regard. L’animal, âgé de deux ans, obéit au doigt et à l’œil : « je ne lui ai pas appris à mordre, mais à aboyer en cas de problème. Je dors dans la rue et il me protège comme je le protège« , assure le jeune homme. Il y a quelques mois, Alpha n’avait que la peau sur les os et marchait sur trois pattes. « L’association m’a permis de financer les frais vétérinaires pour soigner son problème aux coussinets. Depuis le mois d’avril, il a bien repris du poil de la bête ! », sourit Jordan, fier, avant de s’assombrir : « Par contre, si je le perds, c’est la fin… » 

🙏 C’est ce qui est arrivé à Mango, le chiot de Julie, typé beauceron, aux yeux noirs très doux, qui n’a pas survécu à la leptospirose malgré les soins vétérinaires financés par l’association. Une des missions des bénévoles est donc aussi de soutenir les maîtres dans ces deuils, souvent très douloureux. Les bénévoles soutiennent moralement et financièrement les maîtres de chiens en s’associant avec l’agence de pompe funèbre « Esthima », spécialisée dans l’incinération des animaux de compagnie. Durant ces périodes de chagrin, l’association met en place un dispositif qui consiste, après la mort de l’animal, à appeler régulièrement le maître à J+1, J+7, etc.

Un ancrage parisien 

🦴 « Vous avez une boîte à chaussure vide, une vingtaine de rouleaux de papier toilette ou de sopalins vides… Le tour est joué ! », lit-on sur la page Facebook des « Gamelles Pleines Paris », dans un post qui détaille comment construire un « jeu de fouille » pour les chiens. Les bénévoles n’hésitent pas à bricoler et à recourir à de la récup’ pour se fournir en jouets, mais aussi « en croquettes, en sellerie [laisse, harnais], et en dodo [tapis pour chien]« , énumère Naïg, membre de l’antenne parisienne depuis 3 ans et référente au pôle « bénévole ». « Récemment, on a récupéré des couvertures données par la prison de la santé qui est en phase de travaux« , illustre-t-elle. 

📍 Contrairement à d’autres antennes qui font des maraudes dans toute la ville, l’association parisienne a choisi de planter sa tente place de la République. Pour les bénéficiaires, cette fixité nécessite parfois de se déplacer sur de longues distances. C’est pourquoi Gary (26 ans), choisi de venir sans Sissy, sa petite chienne Husky, qui attend son maître dans un campement, au Bois de Vincennes. « Je marche beaucoup, je suis plutôt sportif. Mais elle a des carences, donc elle n’arrive pas à suivre », regrette-t-il. 

Gamelle Pleines Paris s’associent à l’IRCEC Caisse nationale de retraite complémentaire des artistes-auteurs) pour distribuer des repas chauds place de la Bastille, jeudi 29 juin 2023. Crédit : Gamelles Pleines

Bien souvent une relation fusionnelle

🐈‍⬛ L’ancrage à un point fixe est aussi une manière de faire connaissance avec les habitants et certains habitués de l’association. Jean-Guy (57 ans) par exemple, connaît les Gamelles Pleines depuis 7 ans. Amical et causant, il est accompagné de ses fidèles pitbulls, Sam (8 ans) au poil noir et brillant, et Roxane (2 ans), toute beige. Il montre en riant des vidéos de son chat, Macaron, qui s’amuse avec les deux molosses. « À force, il se prend pour un chien », plaisante-il.

❤️ Son amour pour les animaux se lit dans chacun de ses gestes, d’une douceur et d’une précaution extrêmes. Ému, il raconte sa terreur lorsque son chien Sam a été kidnappé il y a quelques mois. « Grâce à l’association, qui a fait circuler l’information, j’ai pu le retrouver dans un commissariat du XXe ! », s’écrie-t-il rejouant, la main sur le cœur, le soulagement ressenti ce jour-là. 

Autrice : Clara Degiovanni

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